Anguilles, crevettes, cabots...

Pour certaines espèces, les crues peuvent être bénéfiques

  • Publié le 22 février 2018 à 09:00
  • Actualisé le 22 février 2018 à 10:22

Avec un début d'année très arrosée où les jours de pluie se sont multipliés sur la moitié sud de l'île, les crues se sont elles aussi décuplées. Dévastatrices pour les infrastructures et les habitations, il n'en reste pas moins qu'elles peuvent apporter leur pierre à l'édifice de la continuité écologique en se montrant avantageuses pour certaines espèces. Explications. (Photo photo RB imazpress)

Radiers submergés, glissements de terrain, inondations… Les crues ont fortement abîmé La Réunion depuis le début de l'année 2018. Une saison des pluies retrouvée et accompagnée de tempêtes passées plus ou moins proches du département, voilà le cocktail qui a amplifié le phénomène de crues.

Mais alors, quel impact pour la biodiversité ? Pour Natacha Nikolic, président de l'Agence de recherche pour la biodiversité à La Réunion (ARBRE), "les crues comme tout phénomène extrême naturel peuvent être négatives ou positives selon les espèces". Pour la spécialiste en génétique et conservation des populations marines et dulcicoles, les crues "peuvent détruire des habitats essentiels comme des zones de reproduction, de nidation et d'alimentation privant les espèces de fonction essentielle dans leur cycle de vie". Mais à contrario, "elles peuvent rouvrir des corridors, des cours d'eau et permettre la migration des espèces qui en étaient privées". Natacha Nikolic prend en exemple "l'anguille et le cabot".

Karoline Ruffié, responsable du suivi de la qualité des eaux continentales à l'office de l'eau, affirme que les récentes crues ont permis de "trouver une nouvelle espèce de crevette à la Rivière du Mât". Elle ajoute que l'espèce de la crevette découverte n'est pas endémique mais bien amenée par l'homme : "les crues permettent à certaines espèces exotiques de proliférer".

- Une "recolonisation" sur le long terme -

Si dans les premiers instants des crues, "les poissons et insectes sont lessivés et déplacés par la mer", le phénomène va permettre "une recolonisation à long terme" assure la responsable du suivi de la qualité des eaux continentales à l'office de l'eau. "Les crues permettent de désencombrer les rivières où les habitats peuvent être limités à cause de fonds colmatés par des sédiments, des algues…" explique-t-elle. Après les crues, "c'est une période de disette dans les rivières" somme Karoline Ruffié.

La président de l'ARBRE voit elle aussi deux effets différents selon la période post-crues : "une nature qui reprend ses droits peut ainsi être destructrice sur le court terme avec la mort d'individus et la dégradation d'habitats, mais sur le long terme, elle peut être avantageuse notamment si elle recrée une continuité écologique avec la suppression des barrages, l'arrêt des exploitations de gravières ou l'arrêts de rejets de polluants".

Natacha Nikolic explique également que "de nombreuses espèces ont une phase d'eau douce et une phase marine pour se nourrir, grandir, acquérir leur maturité sexuelle et se reproduire. Si on prive ces espèces du passage entre ces deux eaux, comme c'est le cas avec les barrages, l'espèce est en risque d'extinction".

- "Nature imprévisible, adaptation surprenante" -

Si certaines espèces peuvent être piégées par les montées des eaux soudaines, la présidente de l'ARBRE Natacha Nikolic note que si "la nature est imprévisible, l'adaptation des espèces est surprenante". "Les organismes vivants sont dotés d'une volonté de survivre ou faire survivre leurs descendants" avance-t-elle.

Karoline Ruffié confirme : "si les crues modifient le lit des rivières, l'habitat des espèces ou les lieux de nourriture, les espèces ont une grande capacité d'adaptation". "C'est pour cela qu'il est difficile de statuer sur les conséquences des phénomènes" souligne Natacha Nikolic. "On peut en décrypter les grandes lignes. Chaque cas peut avoir des conséquences différentes" conclut-elle.


hf/www.ipreunion.com

guest
0 Commentaires