Seuls Saint-Benoît et la Plaine des Palmistes font de la résistance

Dengue : le moustique pique déjà dans 22 communes

  • Publié le 14 mars 2019 à 14:07
  • Actualisé le 16 mars 2019 à 18:11

L'épidémie de dengue, l'ARS (agence régionale de santé) ne veut pas la comparer à celle du chikungunya. Du moins pas pour le moment... Mais l'institution sanitaire est à flux tendu. Près de 500 cas en une semaine, c'est le maximum que les 180 agents chargés de la démoustication peuvent gérer. Chiffres, réalité du terrain, organisation de la lutte anti-vectorielle, dépôts sauvages... autant de sujets qu'Imaz Press a abordé au cours d'un questions/réponses avec Jean-Sébastien Dehecq, entomologiste à l'ARS. (rb/www.ipreunion.com)

442 cas de dengue confirmés dans la semaine du 25 février au 3 mars, y’en-a-t-il pas plus en réalité ?

Jean-Sébastien Dehecq:  Oui, sur le terrain, tous les jours, nous tombons sur des personnes qui ont tous les symptômes de la dengue mais qui ne sont pas allées consulter. La difficulté avec ce virus, c’est qu’il n’y a pas de traitement spécifique, pas de remède alors les gens restent chez eux. Pour certains, ce n’est pas une maladie très grave…
L’autre élément, c’est que certains médecins ne font pas toujours de prise de sang, par exemple lorsqu’une personne qui a les symptôme de la dengue vient consulter alors qu’il y a déjà un ou plusieurs cas confirmés dans son entourage, le médecin pose tout de suite le diagnostic et ne confirme pas.
De plus, il y a une semaine d’incubation donc parfois cela prend du temps... Au final il y aurait sans doute deux fois plus de cas. 

19 communes touchées selon le dernier communiqué de l’ARS, comment expliquer une telle propagation du virus ?

Jean-Sébastien Dehecq: À l’heure actuelle, il y a en fait 22 communes touchées, Saint-Benoît et la Plaine des palmistes sont les seules villes qui n'ont pas encore été frappées par la dengue. 80% des cas se trouvent entre Saint-Pierre et Étang-salé, notamment Saint-Louis qui en recense la moitié. Mais il ne faut pas pour autant céder à la panique, dans des communes comme Sainte-Rose, Sainte-Suzanne, Sainte-Marie ou Saint-Denis par exemple, il n’y a qu'un ou deux cas confirmés. 

Pour l’explication, honnêtement, nous ne l’avons pas. Nous savons que les mois de mars et avril sont la saison optimale pour les moustiques. Il y a eu trois ou quatre semaines où l’épidémie était "dormante", on stagnait à 200 cas par semaine puis d’un coup, un regain, on grimpe à près de 500 cas. Facteur humain, comportement des moustiques, saison… On ne peut pas encore l’expliquer.

Votre slogan était "ne laissons pas la dengue passer l’hiver" finalement, ce fut un échec… Comment expliquer cela ?

Jean-Sébastien Dehecq: Oui, nous en avons conscience, il est encore difficile de l’expliquer. Tout l’hiver, nous avons eu des cas ponctuels, éparpillés un peu partout sur l’île. On ne voyait pas la chaîne de transmission, on a couru après des cas isolés. Finalement, les réservoirs du virus se sont entretenus durant l’hiver austral, arrivé en été, ce fut le "boom".

Peut-on avoir la dengue plusieurs fois ?

Jean-Sébastien Dehecq: À La Réunion, c’est la dengue de type 2 qui circule depuis un an et demi. Une personne qui a déjà eu ce virus ne l’aura pas une nouvelle fois. Et il est peu probable que ce virus de type 2 mute en type 3 ou 4. C’est pour cela, par exemple, qu’il y a moins de malades à Saint-Paul, l’année dernière, de nombreuses personnes avaient été touchées par le virus, aujourd’hui, elles sont immunisées.

Comment l’ARS fait-elle face à cette épidémie ?

Jean-Sébastien Dehecq: Déjà, on a tiré les enseignement de l’épidémie du chikungunya. À l’époque, nous n’étions pas préparés, nous avons du faire face à une épidémie quasi inédite, l’ARS avait été pointée du doigt. Aujourd’hui, nous sommes rôdés, on sait comment anticiper, gérer les moyens humains et financiers, c’est une organisation importante pour les 180 applicateurs (ndlr les agents qui s’occupent des démoustications). Dans cette tâche, nous ne sommes pas seuls, on est aidés par le SDIS, le RMSA, le financement du ministère. Les communes et collectivités sont aussi particulièrement engagées dans la lutte anti-vectorielle, l’épisode chikungunya est encore très présent dans les esprits. Tout le monde prend le problème à bras le corps.

Quelle est votre stratégie ?

Jean-Sébastien Dehecq: Notre priorité absolue, c’est de protéger les zones indemnes. Celles qui n’ont pas ou peu été touchées par la dengue. Une étude a démontré que si on intervient rapidement quand un ou deux cas sont recensés, on arrive à stopper l’épidémie, elle ne se propage pas. Pour la commune de Saint-Denis par exemple, il y a eu un cas signalé, nous suréagissons pour qu’il n’y ait pas propagation, 150 000 personnes vivent dans le chef lieu, ce serait dramatique. 

Dans les zones où il y a plusieurs personnes malades, c’est déjà trop tard. Nous sommes déjà en retard donc nous essayons de limiter ce retard autant que faire se peut. Ce qui n’est pas toujours simple, prenons l’exemple de Petite-Île, nous avons recensés 19 cas en 5 jours, c’est inédit, difficile de faire face à cela.

Comparer l’épidémie de dengue à celle du chikungunya, est-ce en faire trop ?

Jean-Sébastien Dehecq: Nous ne voulons pas être alarmistes, nous n’en sommes pas aux 40 000 cas signalés chaque semaine de l’épisode chik. Évidemment, l’objectif est de ne pas en arriver là. Nous somme mieux préparés et nous essayons de préserver l’Est, le Nord et certaines villes du Sud du l’île.

Les autorités sanitaires sont-elles dépassées ?

Jean-Sébastien Dehecq: Honnêtement, à Saint-Louis, le foyer le plus actif de l'île, oui. 200 cas en quelques jours, on est vraiment dans une situation tendue et difficilement maîtrisable. Sur le reste du territoire, la situation est sous contrôle, on est organisés et réactifs, les médecins sont sensibilisés… Mais si on en arrive à 700/800 cas hebdomadaires, ce sera une autre histoire…

Une autre histoire ? À quoi s’attendre pour les prochaines semaines ?

Jean-Sébastien Dehecq: Au vu de ce qu’il s’est produit ces derniers jours, à une augmentation des cas. Mais on espère que cette semaine où près de 500 cas ont été recensés était le pic de l’épidémie. Si ça continue comme cela, ça va être terrible. 500 cas, c’est vraiment le maximum que l’on peut gérer avec une stratégie cohérente. Après, on sera dépassés et là, on sera dans l’obligation d’utiliser des méthode plus grossières, des démoustications de quartiers entiers la nuit, ce genre de choses… 

Qu’est-ce qui pourrait enrayer l’épidémie ?

Jean-Sébastien Dehecq: Que l’épidémie s’arrête d’elle-même. Le fait que des personnes soient immunisés est déjà un frein. Il faut aussi que cette minorité de la population qui connaît les gestes mais ne les fait pas ou les auteurs de dépôts sauvages se prennent en main et que nous arrivions à contenir la circulation de l’épidémie. Un moustique vit deux à trois semaines et en général, il reste dans le même secteur, c’est cela notre enjeu, stopper la propagation de la dengue.

fh/www.ipreunion.com

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5 Commentaires
LouisP
LouisP
5 ans

SI on nettoyait la réunion de toute bann koshoncetés n'aurait pu de pondoir pour les moustiques mais ça lo bann koko na poin compris ou kwé ?

Zoe
Zoe
5 ans

distribution gratuite de répulsifs, mais il faut évidemment que les gens les utilisent !!!!

Ramierk
Ramierk
5 ans

Après crise Rekin , crise moustiques .. mais attention on a des Especialistes qui gèrent genre Ars et autre trou k... Il faut des Renforts des connaisseurs pas des Foutors !!

SOWETO
SOWETO
5 ans

NOUS VOULONS VRAIMENT SAVOIR SI LES PRODUITS QUE LES "DEMOUSTICATEURS" BALANCENT PARTOUT TUENT LES MOUSTIQUES OU LES ABEILLES, LES POISSONS, LES CRAPAUDS, LES CAMÉLÉONS EN SOMME LES PRÉDATEURS DES MOUSTIQUES . QUE L'ARS COMMUNIQUE LA DESSUS ET QU'ELLE NOUS EN FOURNISSENT LA PREUVE QUE LEUR ACTION EST EFFICACE ET NE PRÉSENTE AUCUNE NOCIVITÉ POUR LA BIODIVERSITÉ.

dodo, depuis son mobile
dodo, depuis son mobile
5 ans

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