L'association Kartié Lib conteste le permis de démolition de la SHLMR et va déposer un recours

Prison Juliette-Dodu : "effacer les traces de l'esclavage est un second crime"

  • Publié le 5 août 2017 à 03:00

L'ancienne prison, située rue Juliette-Dodu, dans le centre-ville de Saint-Denis, se verra bientôt réhabilitée en un complexe comprenant logements sociaux, commerces et bureaux. Un espace mémoriel de 200 mètres carrés, destiné à rappeler l'histoire qui habite ce lieu depuis la période de l'esclavage à La Réunion, est également prévu sur les plans de construction. Ce vendredi 4 août 2017, le collectif Kartié Lib mémoire et patrimoine Océan Indien tenait une conférence de presse à Saint-Denis, estimant que le projet, mené par la SHLMR "dénaturait le patrimoine réunionnais". Un recours va être déposé au tribunal administratif, après que l'association ait pris connaissance du permis de démolition.

 

"Nous ne sommes pas contre les logements sociaux, mais nous avons besoin de préserver l'Histoire pour les générations futures, qui ont besoin de savoir ce qui s'est passé ici", lance Marie-Lyne Champigneul, la présidente du collectif Kartié Lib, mémoire et patrimoine Océan Indien. C'est avant la fin de l'année que les travaux devraient débuter, précédés par trois mois de fouille préventive, obligatoire dans le cadre de la construction.

Le futur projet de la SHLMR, qui a remporté l'appel d'offres lancé par l'État, propriétaire de l'ancienne geôle, "dénaturera le patrimoine et l'Histoire de l'esclavage" selon les expertises de Kartié Lib, qui compte déposer un recours auprès du Tribunal administratif. Pour l'association, "la parcelle de la geôle de Saint-Denis mériterait un programme archéologique entier et non une archéologie préventive qui est un préalable avant travaux et destruction (…) pour sa meilleure compréhension historique" écrit-elle dans un communiqué.

Les reproches faits à la SHLMR découlent du plan des nouveaux locaux. "On est censé garder en espace mémoriel un lieu qui n'a pas fait l'objet d'incarcération d'esclaves", explique de son côté Patrice Pongérard, anthropologue, qui participait à la conférence de presse de ce vendredi.

La loi Taubira du 21 mai 2001, reconnaissait l'esclavage comme crime contre l'humanité. Pour le collectif, "effacer les traces de cette période est un second crime", tandis que le bâtiment contiendrait des murs datant du XVIIe siècle, témoins de cette période historique de l'île. "Le site sur lequel repose la geôle abrite des bâtiments parmi les plus anciens du centre-ville de Saint-Denis", justifie alors l'anthropologue, "et on va détruire des élévations (celles de la geôle - ndlr) qui ont 250 ans d'histoire".

- La SHLMR prend en compte la dimension historique du bâtiment -

Une patrimoine historique, que reconnaît de son côté la SHLMR, interrogée par Imaz Press. Le bailleur social déplorait dans un premier temps "que le collectif ne nous l'ait pas convié à la conférence de presse, car nous sommes très ouverts à la discussion" expliquait Olivier Bajard, directeur général de la SHLMR.

Le bailleur social ne "comprend pas" et pense avoir saisi la dimension historique d'un tel bâtiment, justifiant de respecter un cahier des charges très strict. "Le mémoriel de 200 mètres carrés sera alimenté par les associations (…) Nous ne sommes pas là pour perdre notre patrimoine, au contraire, nous sommes là pour lui donner une nouvelle jeunesse", tout en prenant en compte la demande des élus et des habitants en terme de logements dans le centre-ville de Saint-Denis.

Si le collectif peut toujours espérer qu'un objet de valeur historique soit trouvé pendant les fouilles archéologiques préventives, le bailleur a effectivement envisagé ce cas de figure. "On prend des précautions. C'est un monument historique, dans le sens où il a existé pendant longtemps. Nous pensons que nous allons forcément retrouver des choses liées à la vie carcérale, et par forcément des objets datant de l'époque de l'esclavage",  précise le directeur général. Les différents collectifs seront d'ailleurs associés aux fouilles.

Pour Patrice Pongérard, ce projet souligne "l'étouffement de la période la moins glorieuse de notre jeune histoire, alors que nous conservons des cases créoles". Des symboles positifs du passé.

Deux lectures de l'Histoire différentes qui n'empêcheront pas les travaux de se faire, puisque la Direction des affaires culturelles de l'Océan Indien, comme l'architecte des bâtiments de France ont émis un avis favorable à la création du projet de réhabilitation de l'ancienne prison, qui, avant sa fermeture, était décrite comme "la honte de la République" française.

jm/www.ipreunion.com

guest
1 Commentaires
Jose
Jose
6 ans

Ou la culture du misérabilisme !

Rasez moi cette verrue, il vaut mieux se souvenir des belles choses, positivez, vous vivrez mieux et plus longtemps !