La journaliste est attaquée en justice par le gouvernement comorien

Comores : Un comité international de soutien pour Faïza Soulé

  • Publié le 8 août 2018 à 10:20
  • Actualisé le 8 août 2018 à 12:34

Le 30 juillet 2018, jour du référendum sur la réforme constitutionnelle aux Comores, la journaliste comorienne Faïza Soulé Youssouf a mis en ligne une vidéo d'un bureau de vote saccagé. Ce qui lui vaut des poursuites judiciaires de la part du Ministre de l'Intérieur comorien, Mohamed Daoudou qui estime que cet enregistrement a porté "atteinte à l'image du pays". Un comité de soutien international, rapidement créé, défend la journaliste et la liberté de la presse dans l'Océan Indien. Pour le comité de soutien, l'histoire de la vidéo ne serait que l'arbre qui cache la forêt. En effet, quelques jours auparavant, la journaliste comorienne avait publié dans Le Monde un article sur le processus de référendum en cours aux Comores et donné la parole aux principaux opposants. Ils estiment que cet article pourrait être la raison de l'acharnement du gouvernement comorien contre Faïza Soulé. La journaliste pourrait être défendue par deux avocats réunionnais, inscrits au Barreau de Saint-Denis.

Une cinquantaine de journalistes originaires de l'archipel, Comores et Mayotte, mais aussi de Madagascar et de La Réunion, ont créé rapidement après l'annonce des poursuites judiciaires contre Faïza Soulé un comité de soutien pour leur consœur et pour défendre la liberté de la presse. Pour l'instant, le dépôt de plainte annoncé par le Ministre de l'Intérieur comorien n'a pas encore été suivi d'une audition par un juge de la journaliste. Néanmoins, le comité de soutien de Faïza Soulé a déjà pris contact avec des avocats, notamment Ali Mihidoiri et Jean-Jacques Morel, du Barreau de Saint-Denis de La Réunion.

Un fait divers à l'origine de la polémique

Le 30 juillet, jour du scrutin, Faiza Soulé s'était rendue avec un confrère dans un bureau de vote où avait eu lieu une violente altercation, comme le rapporte le site comores-info.net. Arrivés après la rixe, les journalistes ont pu filmer les dégâts sur le bureau de vote, meubles saccagés et traces de sang sur le sol. En effet, un gendarme, venu pour calmer les belligérants, a eu la main coupée par un coup de sabre et a été évacué en urgence à l'hôpital. Le Ministère de l'Intérieur reprocherait à la journaliste d'avoir mis en ligne cette vidéo et notamment la main coupée. Selon le comité de soutien de Faïza Soulé, cette main coupée n'apparaitrait pas dans la vidéo, les journalistes étant arrivés après les faits. La journaliste est donc poursuivie pour "atteinte à l'image du pays". En guise de protestation, les médias indépendants ont décidé de suspendre leurs parutions jusqu'à lundi 13 août.

 

Un article dans Le Monde

Pour les observateurs de l'affaire qui ont créé le comité international de soutien à Faïza Soulé, la vraie raison de l'ire du Ministre de l'Intérieur serait plutôt à trouver dans la publication d'un article dans Le Monde le 27 juillet, trois jours avant le référendum sur la gouvernance des Comores. Intitulé "Aux Comores, le référendum constitutionnel de tous les dangers", l'article évoquait les réticences marquées "de l'opposition et d'une grande partie de la société civile" face à cette réforme constitutionnelle.

La journaliste rappelait dans le quotidien français que le système actuel de présidence tournante, instauré à la faveur des accords de Fomboni en 2001, a permis d'en "finir avec un long passé de coups d'État, d'assassinats ou d'exil de présidents et de crises séparatistes". Ce qui sous-entendait donc que la nouvelle réforme constitutionnelle, ayant pour but de permettre au président en fonction, Azali Assoumani, d'être candidat à sa propre succession, pourrait venir à bout de ces progrès accomplis et faire renouer le territoire comorien avec ce passé peu glorieux.

La journaliste mettait aussi l'accent dans son article sur l'article 97 de la nouvelle constitution qui précise que "L'islam est la religion d'État. L'État puise dans cette religion, les principes et les règles d'obédience sunnite et de rite chafiite qui régissent le culte et la vie sociale". Faïza Soulé avait alors donné la parole dans les colonnes du Monde à un chercheur en droit constitutionnel, Mohamed Rafsandjani, qui avait expliqué aux lecteurs du quotidien que ce texte référendaire établissait l'islam sunnite comme " un élément de l'identité nationale, passant d'une religion d'État à une religion de la nation avec le risque qu'il soit utilisé pour exclure de la communauté nationale les minorités d'autres obédiences". Apparemment, l'article n'a pas plu en haut lieu des instances gouvernementales comoriennes. Mais le comité international de soutien créé autour de la journaliste comorienne entend bien faire respecter la liberté de la presse dans l'Océan Indien.

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