Ménage, jardinage, menus travaux....

La réforme de l'abattement fiscal va pénaliser les emplois à la personne

  • Publié le 18 octobre 2018 à 10:00
  • Actualisé le 18 octobre 2018 à 11:02

Ce jeudi 18 octobre 2018, c'est la Première Journée des métiers de la propreté. Une fonction indispensable pour le confort et la santé de tous. Au-delà des entreprises ayant pignon sur rue et intervenant dans les collectivités, les hôpitaux et les centres commerciaux, ce métier de la propreté implique un nombre très important de travailleurs dans le secteur du service à la personne à La Réunion. Des emplois pas toujours déclarés, il faut le reconnaître, mais qui assurent un complément aux allocations parfois indispensable. Or la récente décision de réformer l'abattement fiscal ultramarin risque bien de fragiliser ce secteur.

Plusieurs parlementaires sont montés au créneau, lors de l'annonce de cette réforme, "qui ne doit toucher que" 4% des contribuables". Pour plusieurs élus (Ericka Bareigts, Nassimah Dindar, Jean-Hugues Ratenon...), ce n'est pas si sûr. Toucher au pouvoir d'achat des contribuables qui créent de l'économie locale ne serait pas forcément une bonne idée, selon eux. Les premiers impactés pourraient être, non pas les contribuables aisés... mais les personnes intervenant en tant qu'employés à domicile.

Depuis 6 ans, des hausses incessantes

L'abattement fiscal existant depuis les années 1960, les budgets des contribuables aisés à La Réunion se sont construits avec ce critère. "Quand on a acheté notre maison, explique Thierry, nous avons calculé notre possibilité d'emprunt en tenant compte de l'abattement fiscal. Nous remboursons près de 2200 euros par mois, vu le prix élevé de l'immobilier dans l'Ouest, et près de 1000 euros pour nos deux voitures, avec entretien et assurances. Les impôts sur le revenu ont beaucoup augmenté sous Hollande, ce qui n'était pas prévu lors de nos emprunts, plus nos frais fixes et le coût de la vie. Et là, au milieu du gué, il faut trouver encore plusieurs milliers d'euros d'impôt en plus. Depuis six ans, nos charges augmentent en permanence. Je ne me plains pas, j'ai conscience d'être privilégié, mais je ne peux pas braquer une banque pour payer mes impôts, donc je serre la vis côté budget."

Donc ce cadre de 52 ans fait ses comptes et cherche les voies d'économies : une fois de plus, la femme de ménage, mère célibataire, qui vient deux fois quatre heures par semaine. "C'est dommage pour cette dame qui améliore son ordinaire avec ces petits boulots ", reconnaît Thierry. Et pour l'homme qui vient entretenir la piscine et faire des travaux de jardinage. "Je le ferai moi-même".

Trop violent d'un coup

Idem à La Montagne chez Caroline, chef de projet mariée à un professionnel de santé : " 300 euros d'impôts par mois en plus à débourser, c'est trop violent d'un coup. Nous n'avons pas de bourses pour nos enfants, étudiants à Paris et à Toronto, qui nous coûtent à eux deux 25 000 euros l'année. Nous avons aussi nos propres factures, notre crédit immobilier, les frais d'entretien de nos deux véhicules. On ne peut pas couper les vivres à nos enfants donc ces 300 euros d'impôts par mois en plus à débourser, il va falloir les trouver par des économies."

Première coupe sèche : la femme de ménage qui leur coûte 240 euros par mois. "Ca me désole car j'ai conscience de lui donner un argent nécessaire à sa famille, mais avec le départ des enfants; la femme de ménage, ce n'est plus indispensable. Quand on se fait matraquer fiscalement sans arrêt, il faut faire des arbitrages dans le budget, comme tout le monde."

Le reste des économies, ce sera sur la conso : "Moins de shopping et de bistrots, et voilà..." Donc moins de chiffre d'affaires pour les boutiques et à terme... c'est de la compression de personnel en vue. Qui sera le plus impacté : le contribuable contraint de réduire son train de vie ou le salarié (ou travailleur non déclaré) qui ne touchera plus son salaire ?

Travail non déclaré, revenus indispensables

Les décisions de ces deux couples peuvent supprendre, parce que finalement, les charges de ces emplois familiaux sont déductibles des impôts. Sourires gênés... "Essayez donc de trouver une employée de maison déclarée pour quelques heures par semaine...", s'amuse Caroline.

C'est une réalité, la plupart de ces emplois ne sont pas déclarés. Un jeune père de famille, qui fait de menus travaux chez des particuliers, le reconnait volontiers : "Si on me déclare, je perds des allocations, et si le travail s'arrête, pour les récupérer vite... bonjour ! Et puis ça sert à quoi de travailler si on n'en a pas plus ? J'ai refusé un emploi l'an dernier pour cette raison : avec les frais pour aller travailler, je n'avais pas un sou de plus. "

Aujourd'hui il travaille dans un snack avec un salaire plus confortable que le premier proposé et refusé l'an dernier. "J'ai encore des aides, mais si je déclare mes petits boulots en plus, je perds mes aides, et sans, on ne boucle pas le mois." Si lui pense trouver toujours des petits jobs manuels, il est inquiet pour les heures de ménage de sa femme. "C'est devenu plus difficile d'en trouver et sans, on ne paie plus les crédits, ou on mange du riz tout le mois", estime-t-il.

Des conséquences sur l'emploi à domicile

Un discours sans nul doute inaudible à Paris, sous les ors de la République, mais que les parlementaires réunionnais connaissent bien, comme le signalait Nassimah Dindar dans un communiqué : " Si la suppression de l'abattement fiscal de 30% est maintenue, elle aura des conséquences sur le pouvoir d'achat et l'emploi à domicile : je déposerai donc un amendement demandant son rétablissement". Ericka Bareigts (vidéo) est aussi montée au créneau en commission sur le même thème.

Las... A La Réunion, la réforme de l'abattement fiscal risque de faire très mal... mais pas forcément aux premiers visés. Certains appellent cela des dommages collatéraux.

ml/www.ipreunion.com

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2 Commentaires
Esmeralda
Esmeralda
5 ans

Quand je lis de cette réforme, "qui ne doit toucher que" 4% des contribuables", sous-entendu, on s'en fiche puisqu'il s'agit d'une minorité, je demande pose la question : Est il toujours juste de taper sur une minorité ? avec ce type de raisonnement, on permet tous les excès.
Une fois enlevé les 80 % qui ne paient pas d'impôt sur le revenu, c'est dans les 20 % qui paient que l'on va en chercher, pour payer encore plus. Est-ce cela la Justice ? une minorité paye, donc on peut encore taper plus fort !!

Ticok
Ticok
5 ans

Une larme à l œil pour ces "pauvres" qui vont nettoyer eux mêmes leur piscine ou faire un peu moins de shopping. ..
Lamentable