
50 personnes ont réussi le concours, et ont toutes été affectées dans les académies de Créteil, Paris et Versailles, "alors même qu’ils sont premiers ou en bonne position" souligne la Région. Elle demande donc une adaptation. Bien que le concours soit national, Huguette Bello souhaite que l'on laisse des postes vacants à ceux qui ont passé le concours à La Réunion. Elle doit s'entretenir avec Jean-François Carenco, ministre délégué aux Outre-mer, ce mercredi. Elle abordera avec lui cette problématique.
Une difficulté qu’avaient d’ailleurs soulevé Philippe Naillet et Jean-Hugues Ratenon, tous deux députés de La Réunion. Philippe Naillet indiquait, "chaque année, environ 60 à 70 % des lauréats réunionnais dans le second degré sont affectés dans l’Hexagone à 10.000 kilomètres de leur territoire de rattachement". Il avait cité comme exemple "celui empêchant le compagnon dont la compagne est enceinte de rester auprès d’elle et vivre la naissance de son enfant et ces premiers mois ou de la compagne qui devrait partir seule dans l’Hexagone."
Jean-Hugues Ratenon aussi avait pointé du doigt cette situation qu’il juge incompréhensible. "Ils ont toujours vécu à La Réunion ; certains sont mariés ou pacsés ; certaines sont enceintes ; d’autres encore ont un projet de mariage. Des affectations en dehors de l’académie de la Réunion qui vont entrainer des déchirements familiaux : père et mère séparés, des enfants éloignés, des projets de vie hypothéqués qui provoquent un gros stress chez ces stagiaires."
Qui dit mutation, dit également recherche de logement pour ces enseignants obligés d’aller en Hexagone, loin de leurs proches. Un hébergement qui bien sûr a un coût financier et ce, sans aide à la mobilité.
- Des candidats déchirés entre leur métier et leur famille –
Des candidats qui, pour certains, doivent choisir entre vie professionnelle et vie familiale.
Marie-Emilie Maillot, toute jeune Réunionnaise, vient d’avoir son concours. Mais après les réjouissances, c’est la désillusion. "Je m’étais préparé à partir mais pas pour ma première année de stage", dit-elle. "Sachant que je n’ai pas de logement et que je ne sais pas quand et si je pourrais revenir."
Même situation pour Anne-Gaëlle Antou. C’est mère de famille au témoignage poignant ne sait plus quoi faire. "Mes enfants, je ne peux par partir sans eux. Mon mari est enseignant ici." Si elle devait choisir entre son métier et ses enfants, elle privilégierait ses petits. "Pourtant, j’ai toujours rêvé d’enseigner. Là, je suis dans l’impasse."
Vanessa, elle aussi, doit choisir entre ses enfants de 4 et 8 ans et son métier. " Comment peut-on séparer un enfant de sa maman ", explique cette professeure d’anglais. "Quand j’ai su que j’allais être affectée ailleurs je suis entrée en dépression ", dit-elle. Actuellement, la maman de 38 ans, qui s’était mise en disponibilité, est suivie par une psychologue. "Je dois reprendre car sinon je n’ai pas de salaire", explique Vanessa. Pour elle, "l’Éducation nationale manque d’éducation".
Pour Lucet Sautron, qui auparavant était contractuel et qui, à l’issue de ce concours terminé premier dans son option, l’euphorie de la réussite est vite passée. Le 8 juillet, le Réunionnais a appris son affectation dans le 15ème arrondissement de Paris. "J’ai moins d’un mois pour trouver un logement, un billet d’avion et m’équiper, sachant que le loyer à Paris est de 1.100 euros pour un petit appartement et je suis payé 1.400 euros." Il ajoute, "je vais devoir me séparer de ma conjointe". Écoutez- le :
Laurence Chane-Sha-Lim, fonctionnaire stagiaire en économie-gestion en option transport et logistique est mère de deux enfants en bas âge. "J’étais contractuelle l’année dernière et l’inspecteur m’a poussé à passer le concours. Le jour des résultats on m’a dit que j’irais à Duparc". Mais déconvenue pour la jeune femme "une semaine après on découvre qu’on est affecté en métropole", explique Laurence, affectée à Créteil. "Et là, je me retrouve à devoir choisir entre mon concours et ma vie familiale." Même son Laurence envisage de partir, " pour ne pas perdre le bénéfice du concours et avoir au salaire pour ses enfants". Écoutez-la :
Pour tous, le rêve de devenir enseignant est comme ils le disent, "brisé".
Carole Gigan, représentante syndicale pour le SNALC Réunion, accompagne des personnes. "Aujourd’hui ils se retrouvent en détresser et certains même ont décidé de démissionner". Le syndicat les a d’ailleurs accompagnés dans leurs recours. "Nous avons été à leur écoute, même si certains baissaient les bras. Nous avons fait des recours académiques et ministériels", explique-t-elle. Mais malheureusement, "nous avons fait face à de nombreuses portes fermées", conclut-elle.
- Pour une adaptation des affectations –
Ce que demande la Région Réunion et de nombreux élus, c’est que "la priorité soit donnée à ceux qui ont passé le concours à La Réunion", explique Jean-Pierre Chabriat, conseiller régional. "Il faut prendre en considération les situations individuelles ", dit-il. Pour le conseiller régional, "l’administration centrale des ministères est brutale et lâche".
Huguette Bello demande également de la transparence sur les dossiers des candidats concernés. "Traiter ces gens comme cela est une violence institutionnelle", clame-t-elle. "C’est une situation qui se répète de manière constante", déclare Huguette Bello. "Chaque année, même quand j’étais députée je suis intervenue contre la vague successive de ces personnes poussées vers la métropole." Elle clame, "vous avez réussi ce concours, certains ont fondé une famille". "Je suis bouleversée par les courriers reçus", dit-elle avec émotion.
La présidente de Région explique que "l’on envoie nos Réunionnas pour combler le déficit de l’Académie PCV : Paris, Créteil, Versailles." Elle ajoute "on les envoie faire ceux que d’autres ne veulent pas exercer, alors qu’ils pourraient vivre à La Réunion". Même si Huguette Bello le précise, "aucun candidat n’ignore qu’il s’agit d’un concours national".
En tout cas, la présidente de Région l’a indiqué, elle écrira et demandera avec fermeté au ministre délégué des Outre-mer et au ministre de l’Éducation, à ce qu’une solution soit proposée ces futurs enseignants.
- Une refonte de la gestion des personnels –
Ce que demande le député Philippe Naillet, c’est la révision de la gestion des personnels ultramarins afin de limiter leurs départs vers la métropole. "Une meilleure gestion éviterait de reproduire le départ de fonctionnaires qui parfois devront attendre près de dix ans pour revenir sur leur territoire d’origine alors que plus de 1 000 contractuels ont été recrutés l’année dernière et l’affectation des membres de la liste complémentaire seulement après des manifestations."
Ce que souhaitent les élus, c’est que l’État respecte le Bulletin Officiel de l’Éducation Nationale, de la jeunesse et des sports. Dans son numéro 15 du 14-04-2022, il stipule au 1-1-3 : affectation dans les académies de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Réunion, ainsi qu’à Mayotte et en Nouvelle Calédonie ou en Polynésie Française : les lauréats peuvent être affectés dans ces académies, département ou territoires, sur leur demande, à la double condition suivante :
- Ils y résidaient effectivement l’année du concours ;
- Ils ont demandé en premier vœu cette académie, ce département, ce territoire et peuvent justifier d’attaches réelles (domiciliation) ou d’une situation familiale nécessitant leur maintien sur place.
ma.m/www.ipreunion.com/[email protected]
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