Crise sanitaire et économique

Victimes du confinement, les gîtes de montagne sont à l'arrêt

  • Publié le 30 mars 2020 à 02:58
  • Actualisé le 30 mars 2020 à 06:48

Avec le confinement, le tourisme en prend un coup. Les gîtes de montagne sont en première ligne. Habitués à recevoir les Réunionnais comme les touristes, en semaine comme en week-end, ils sont aujourd'hui fermés en attendant des jours meilleurs. Confinés dans les cirques, ces hôtes n'ont plus aucune rentrée d'argent et s'attendent à ce que la crise économique se prolonge bien au-delà de la crise sanitaire. (Photo d'illustration rb/www.ipreunion.com)

Gladys* tient un gîte dans l'un des lieux les plus réputés de La Réunion : le village de Hellbourg. Un incontournable pour tous ceux qui se promènent dans le cirque de Salazie, qu'on soit Réunionnais ou touriste : ses kaz colorées, ses jardins fleuris et la célèbre cascade du Voile de la mariée à proximité en ont fait sa réputation.

Pourtant le gîte de Gladys, d'habitude plein à craquer, est fermé depuis le 17 mars. Suite aux annonces d'Emmanuel Macron, tous les lieux "non indispensables" ont été obligés de suspendre leurs activités, et le confinement imposé aux Français ne permet pas de partir en randonnée. 

"Avec les vacances scolaires, nous avions les deux semaines remplies, et tous les week-ends à venir étaient bloqués", nous indique Gladys. Chez elle, ce sont surtout les Réunionnais qui se plaisent à venir passer la nuit. Elle a été contrainte de rappeler chacun des clients pour annuler toutes les réservations à venir. "Parfois ce sont même les clients qui ont appelé pour annuler d'eux-mêmes" nous explique-t-elle. Gladys n'a pas encore remboursé tout le monde, cela prend du temps, mais elle renvoie l'argent client par client par chèque.

- "600 euros de perte par jour" -

De l'autre côté des remparts de montagnes se trouve Jonathan Libelle, qui tient un gîte éponyme dans l'îlet de la Nouvelle. Le cirque de Mafate, uniquement accessible à pied, regorge de gîtes pour accueillir les randonneurs.

Lui aussi était quasiment complet pour le reste du mois. "C'est simple, j'ai 12 places dans mon gîte. La nuit, le repas et le petit-déjeuner sont à 50 euros l'ensemble. Ça me fait donc 600 euros de perte par jour", compte l'hôte.

Comme l'ensemble des gîtes, la crise sanitaire qui s'installe pendant les vacances scolaires ne fait que renforcer le sentiment de perte économique. "Nous sommes normalement dans une période touristique forte, pourtant aujourd'hui c'est l'arrêt total."

- Confinés à Mafate -

Jonathan Libelle reste philosophe. "Nous sommes totalement isolés à Mafate mais nous avons l'habitude, c'est comme en période cyclonique finalement. On vit à l'ancienne : beaucoup de gâteaux patate, et les légumes du jardin."

Les annulations de réservations en cascades ont au moins un avantage : avoir du stock dans les frigos. "Nous avons de grandes quantités de nourriture du coup, mais si le confinement continue ça peut être difficile…" admet Jonathan Libelle. En cas de besoin, les hélicoptères continuent à assurer le ravitaillement des îlets, mais encore faut-il pouvoir le payer. "Certes nous avons des réserves, mais pour les petits gîtes ça s'annonce plus compliqué."

A deux heures de marche environ se trouve l'îlet de Marla. Brigitte Clain tient le gîte du Gros Morne et là-bas aussi les portes sont closes depuis le 17 mars. "Sur le plan de la nourriture, on est en auto-suffisance : stocks des repas annulés, mais aussi poules, canards et lapins de chez nous."

Elle, son mari et ses deux enfants ne sortent pas de chez eux. "Heureusement on a le jardin, mais on reste chez nous", dit celle qui applique scrupuleusement les recommandations du gouvernement, même en plein Mafate. Il faut dire que l'hélicoptère de la gendarmerie surveille et survole au moins une fois par jour les cirques pour s'assurer qu'aucun randonneur ne s'aventure sur les sentiers.

"On sent les limites du confinement en montagne pour l'éducation de nos enfants", admet-elle cependant. "Ils travaillent à la maison depuis la reprise des classes, mais sur Pronote ça rame beaucoup et la connexion n'est pas terrible…"

- "Rien avant novembre-décembre" -

Dans tous ces gîtes, qui vivent du tourisme, on attend qu'une chose : que les affaires reprennent et que chacun puisse recommencer à sortir. Mais la fin du confinement ne signera pas pour autant la reprise des nuitées, selon Jonathan Libelle. "La chute économique va être telle que plus personne n'aura d'argent. Chez nous on reçoit beaucoup de métropolitains, mais il va falloir un peu de temps avant qu'ils reprennent l'avion." Pour lui, il ne faut s'attendre à aucune reprise" avant novembre-décembre".

Même avis du côté de Gladys : "les gens vont avoir peur ensuite, moi la première j'attendrai un peu avant de sortir à nouveau". Plus pessimiste, elle estime que le tourisme en montagne ne reviendra pas à la normale "avant un an".

"J'espère qu'on aura des aides", nous dit-elle, alors que son gîte est une location. "L'annulation des réservations me fait perdre 600 euros ne serait-ce que pour les week-ends… 600 euros c'est aussi le prix de mon loyer, mais comment je vais le payer sans rentrée d'argent ?"

Le chef de l'Etat a appelé les bailleurs à geler les loyers des entreprises, le temps que la crise sanitaire passe. "Je peux assurer pendant deux mois, mais ensuite ce sera très dur sans rentrée d'argent, c'est ma seule et unique activité", nous dit cette hôte de Hellbourg. "On a des économies, mais il ne faudrait pas que le confinement dure 6 mois, j'ai peur sinon de devoir mettre la clé sous la porte."

mm / www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

*Le prénom a été changé à la demande de la personne

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