Coronavirus

Les pratiques religieuses à l'épreuve du confinement

  • Publié le 11 avril 2020 à 12:59
  • Actualisé le 11 avril 2020 à 13:54

La fermeture des lieux de culte bouleverse les pratiques religieuses de nombreux croyants. A La Réunion, différents acteurs religieux s'organisent, notamment grâce aux réseaux sociaux, pour accompagner les fidèles dans cette période particulière, qui s'apparente pour certains à une véritable épreuve de foi. (Photo rb/www.ipreunion.com)

Selon le prophète Mahomet, “La prière faite en groupe est 27 fois plus méritoire que celle accomplie de manière individuelle”. Si la foi s’exerce à titre individuel, il est certain que la pratique de la religion, à bien des égards, revêt d’une dimension collective. Que ce soit à la mosquée, au culte, à l’église, ou encore à la synagogue, les fidèles accordent une importance certaine à leur lieu de culte, ainsi qu’à la prière communautariste.

Depuis plus de trois semaines et pour une durée toujours indéterminée, pratiquants de toutes confessions sont privés d'accès à leur lieu de culte. En cette période pascale, célébrée par les chrétiens et les juifs avec Pessah, le confinement apparaît comme une véritable épreuve pour ces nombreux religieux confinés, qui se retrouvent pour beaucoup seuls avec leur foi.
          
Face à cette situation, les institutions religieuses s’adaptent, et utilisent de nouveaux outils, notamment numériques, afin de conserver le lien communautaire et aider les fidèles à traverser cette crise.
      
C’est d’abord sur les réseaux sociaux que les croyants trouvent du soutien. Le Centre islamique de La Réunion publie par exemple sur sa page Facebook un Guide pratique pour la salât (la prière musulmane) en congrégation, chez soi. Certains offices religieux sont également retranscrits en ligne. Les chrétiens peuvent déjà suivre les messes le dimanche, de 10h à 11h sur Réunion la 1ère ainsi que sur Radio Arc en Ciel.

- Des messes en direct sur les réseaux sociaux -

Pour aller encore plus loin en cette période de Pâques et de Carême, Eglise 2.0 - une branche de jeunes chrétiens du diocèse de La Réunion - capte et diffuse les messes sur les réseaux sociaux. Ainsi, les fidèles peuvent suivre, en direct sur Facebook et Youtube, les cérémonies qui se déroulent dans la chapelle d'Église 2.0, à Sainte-Marie.

Merci pour votre présence et votre prière avec nous aujourd'hui ! Retrouvons nous jeudi en live youtube et Facebook pour...

Publiée par Eglise 2.0 sur Dimanche 5 avril 2020

Les membres de l’église 2.0 ont même recueilli les intentions de prières sur Facebook; ensuite mentionnées pendant la messe. Un moyen d’inclure et de fédérer les croyants à distance. “Avant le confinement, on s’adressait surtout à un public jeune. Depuis le début du confinement, tous les chrétiens ont besoin de prier et de confier leurs intentions. C’est notre mission de leur permettre de continuer à prier, et de garder un lien, surtout en cette période de Carême”, explique Gilles Mallanoutou, membre de l’église 2.0. “S’ils ne peuvent pas suivre les célébrations, cela n’a plus de sens”, poursuit le jeune croyant.

D’autant plus que le besoin de spiritualité semble grandir en cette période de crise sanitaire. “Beaucoup de gens qui ne prient pas en temps normal en ressentent le besoin dans ce contexte anxiogène”, explique Gilles Mallanoutou. “On se pose plus de questions, on cherche des réponses, et on a évidemment davantage de temps pour prier”.

- "La prière collective ne peut être remplacée par la vidéo"-

Une vision partagée par Mohammad Bhagatte, qui parle d’une “autre perception du temps”. L'imam de la Grande Mosquée de Saint-Denis communique quotidiennement avec les fidèles via les réseaux sociaux. “J’envoie des rappels, des messages, sur Whatsapp et sur Facebook”, confie le prédicateur, qui précise que ce n'est pas une pratique nouvelle puisqu'il échange depuis des années avec des religieux du monde entier grâce aux réseaux sociaux. 

La nuit du 8 avril est la 15ème nuit du mois de Chaabane, une date importante pour les musulmans, qui la célèbrent d’ordinaire à la Mosquée. A cette occasion, l’imam a donc enregistré puis envoyé des vidéos à ses fidèles. S’il admet que “la prière collective ne peut être remplacée par la vidéo”, l’imam est cependant convaincu que cette période de confinement est l’occasion de “donner un sens nouveau à la spiritualité, notamment familiale”.

“Nous traversons tous une épreuve qui nous donne l’occasion de montrer notre sens du partage, de la solidarité, de la fraternité. La prière est importante, mais notre spiritualité s’exprime de plusieurs façons”, assure l’imam, qui appelle les croyants à "se montrer solidaire avec les personnes isolées, précaires et âgées”, ainsi qu’à respecter les consignes sanitaires.

- Un imam en télétravail -

L’imam de la Grande Mosquée continue aussi d’enseigner le Coran aux jeunes par visioconférence. “Aujourd’hui, on utilise le télétravail dans tous les domaines de la société, c’est la même chose dans la religion”, explique Mohammad Bhagatte. “Le lien est toujours présent. Il change simplement de nature avec le confinement”.

Au sein de la commauté protestante de l'île, qui compte environ 400 familles, le confinement ne marque pas non plus une rupture violente. "On garde des liens forts", explique Christophe Cousinié, pasteur de l'Eglise protestante de La Réunion. Les contacts sont gardés par mail et par téléphone. "Ce matin même un paroissier très seul m'a appelé pour discuter, prendre des nouvelles". Une façon de remplacer le rendez-vous habituel du dimanche, vecteur de lien social pour certains croyants isolés.

Mais grâce au travail de Christophe Cousinié, et de celui de sa femme qui est aussi pasteure, les fidèles peuvent suivre le culte en vidéo. Un culte de moitié plus court que d'ordinaire, effectué dans le temple habituel, au dessus duquel le couple  habite. Filmé, il est ensuite envoyé aux paroissiens par mail, et diffusé sur Youtube et Facebook. Une situation inédite pour le pasteur, qui confie "faire avec les moyens du bord".

Christophe Cousinié a fait le choix de ne pas célébrer ces cultes virtuels les jeudi et vendredi saints, préconisant de passer ces moments en famille. Afin d'accompagner les croyants dans cette semaine sainte, il leur a envoyé des consignes par mail : préparation du repas, de la table, textes à lire, et partage du pain et du vin. Un déroulé simple, permis par le fait que dans la religion protestante, la communion peut être célebrée sans pasteur, à l'inverse de la religion catholique où seul le prêtre peut procéder à l'eucharistie. Une façon différente de pratiquer sa religion à l'heure du confinement.

A 62 ans, et pour la première fois de sa vie, S. Cabedy ne se rendra pas au Temple pour le nouvel an tamoul, le 14 avril prochain. Beaucoup de familles hinouistes vont devoir célébrer cette fête depuis leur autel familial à domicile. Mais dans les grands Temples de l'île, à huis clos, le personnel officiant célébrera le nouvel an. Les familles pourront également suivre les retranscriptions vidéo de ces cérémonies sur les réseaux sociaux.

Il s'agit "d'assurer la continuité de la prière", explique S. Cadeby, l'administrateur de la page Facebook Le Gôpouram, qui recense différents contenus et actualités religieuses à Maurice et à La Réunion.

 

ÔM SRÎ MAHÂ SAKTI ! Vanakkam ! Namasté ! Bonjour ! 24è journée de confinement. Merci à nous tous de persévérer dans...

Publiée par Le Gôpouram sur Mercredi 8 avril 2020

Membre de l'Association religieuse hindoue et culturelle tamoule, il a lancé au début de la crise une chaîne appelée "Solidarité dans la prière", afin d'accompagner la communauté dans le confinement, l'aider à communier. "Nous avons besoin de prier dans ces moments-là", explique le religieux, qui a vu le nombre de vues sur ses publications tripler depuis le début de la crise, et les pages à vocation spirituelle se multiplier. La boîte de messagerie de la sienne est submergée de messages, de questions, notamment par rapport au Kavadi, une célébration religieuse de dix jours à partir de la fin du mois de mai, très pratiquée à La Réunion.

Face à ces inquiétudes et à ces interrogations, les institutions religieuses doivent donc s'adapter en ces temps de confinement, pour garder le lien avec leurs fidèles, et les accompagner dans cette période difficile, notamment en utilisant de nouveaux canaux de communication. Mais comme en sont persuadés nombre de prédicateurs réunionnais de toutes confessions, cette sitaution est l'occasion pour beaucoup de prendre le temps de lire et relire des textes sacrés, de réflechir sur sa foi et de l'exprimer autrement, grâce à des questionnements plus profonds.

ldp / www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

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