Déconfinement à La Réunion

Masques dans les transports publics : "un vrai challenge à relever pour le 11 mai"

  • Publié le 23 avril 2020 à 06:28
  • Actualisé le 23 avril 2020 à 17:21

A l'issue du confinement, les masques seront "probablement" obligatoires dans les transports publics. C'est en tout cas ce qu'a annoncé le Premier ministre Edouard Philippe dimanche 19 avril. Une mesure difficile à mettre en place, à La Réunion comme ailleurs. La question de l'approvisionnement se pose, les compagnies de bus peinant déjà à assurer la protection de leurs conducteurs. Quant au financement tout le monde semble se renvoyer la balle en attendant des directives plus claires de la part de l'Etat. Ce qui semble pour l'instant se dessiner serait un approvisionnement personnel des usagers, qui devraient alors acheter eux-mêmes le masque nécessaire pour monter dans un bus. (Photo rb/www.ipreunion.com)

Avoir des masques dans tous les bus et autocars de l’île d’ici le 11 mai, "c’est un vrai challenge à relever" estime Julien Tenenbaum, dirigeant de Transdev services Réunion. De nombreuses questions se posent mais la première est celle-ci : qui va fournir les masques ?

Ce dimanche 19 avril en effet, le premier ministre Edouard Philippe a évoqué la possibilité de rendre "obligatoire" le port du masque dans les transports publics, qu’il s’agisse des transports en commun ou des bus scolaires. Une façon de se protéger une fois le confinement terminé et d’éviter au mieux une seconde vague épidémique.

Encore faut-il en avoir les moyens. Environ 250.000 voyageurs circulent habituellement chaque jour à La Réunion via les transports en commun. Un approvisionnement en masques qui semble impossible à atteindre alors que l’ARS indiquait ce mercredi 22 avril que 400.000 masques sont délivrés sur l’île… par semaine.

- D’abord équiper les conducteurs -

Les compagnies de bus que nous avons contactées sont unanimes : il est déjà suffisamment difficile d’équiper convenablement les salariés. Conducteurs, contrôleurs, agents présents aux points de vente, agents de nettoyage des abribus… autant d’employés sur le terrain qu’il convient de protéger. Et les masques ne tombent pas du ciel.

"Les chauffeurs n’ont pas l’obligation d’en porter puisque désormais l’entrée et la sortie dans les bus se fait par la porte de derrière pour éviter tout contact avec les conducteurs" précise Julien Tenenbaum. "Mais nous essayons malgré tout d’équiper tous les salariés. Notre enjeu pour le 11 mai c’est avant tout d’équiper tout le personnel."

A l’heure actuelle, environ 70% des agents du réseau de transport réunionnais sont au chômage partiel. Certains sont en télétravail, d’autres non. Mais il va sans dire que le retour physique d’une bonne partie d’entre eux rendra encore plus difficile l’approvisionnement en masques pour l’ensemble des employés.

Du côté de Semto Kar’Ouest, "un stock pour deux semaines, destiné à nos agents, nous coûte déjà 25.000 euros" indique le directeur général, Imran Alibaye, qui s’est approvisionné auprès d’un distributeur privé local. "Gérer cette nouvelle approche sanitaire est quasiment une activité en soi. Une nouvelle commande de masques arrivera d’ici mi-mai. Nous devons déjà assurer la protection de nos employés, nous ne pouvons pas assurer celle des usagers nous-mêmes."

- " On a pas les moyens " -

La protection de la clientèle, c’est en effet "une question de santé publique et ce n’est donc pas la responsabilité du transporteur" estime Yannick Bonnefond, délégué régional de la FNTV (Fédération nationale des transports de voyageurs). "Sauf si on nous en donne les moyens, bien entendu."

Les moyens c’est bien ce qui manque. Et à ce jour, aucune véritable discussion financière n’est engagée. Une enveloppe de l’Etat permettra-t-elle d’assurer la distribution des masques ? La Région pourra-t-elle chapeauter le dispositif ? Les intercommunalités devront-elles financer ou bien comptera-t-on sur le budget des compagnies ? Bref, qui va payer ? A ce jour, personne n’a la réponse.

"Nous risquons de ne pas être en capacité de délivrer ces masques nous-mêmes ou du moins cela s’annonce très très compliqué", admet Julien Tenenbaum de la Transdev. D’autant plus que la plupart des compagnies s’attendent déjà à des pertes économiques de taille, les transports, quels qu’ils soient, étant touchés de plein fouet par le confinement.

- L’usager devra-t-il s’équiper lui-même ? -

Il faut donc ouvrir le débat de ces financements. Les intercommunalités devront-elles mettre la main à la poche ? Pour l’instant ce n’est pas envisagé, nous dit Teddy Viraye, directeur des déplacements à la CIREST. "Nous avons échangé entre intercommunalités, et nous n’avons ni les moyens techniques ni les moyens financiers de fournir des masques aux usagers."

Ce mercredi 22 avril, une réunion à distance regroupait plusieurs compagnies de transports ainsi que les intercommunalités. Rien n’est acté et les hypothèses élaborées pour l’instant sont à prendre avec beaucoup de précaution. Mais selon Mathieu Chichery, directeur de la Semitel, "ce qui se profile pour l’instant, c’est que ce serait à l’usager de s’équiper lui-même." Des masques remboursés ou non ? A l’Etat de statuer ensuite.

Ce modèle, s’il est retenu, semble inconcevable pour la FNTV. "On demande déjà au voyageur de payer son titre de transport, vous imaginez qu’on lui demande de payer son masque en plus ?" s’étonne Yannick Bonnefond.

Certains évoquaient la question d’une augmentation du prix des tickets, peut-être de 50 centimes. Une hausse qui compte pour ceux qu’on nomme les "voyageurs captifs" qui sont contraints d’utiliser les transports en commun, faute de moyens pour utiliser la voiture. "N’oublions pas qu’une grande partie de nos voyageurs sont dits ‘captifs’, rappelle Mathieu Chichery, à La Réunion on ne prend pas le bus par conviction."

- Des questions de logistique multiples -

La question du contrôle se pose ensuite. S’il est en effet obligatoire de porter un masque dans les transports et que cela revient aux usagers de s'en assurer, que faire si l’un d’eux veut rentrer dans le bus malgré tout mais non protégé ? "Quel contrôle mettre en place, c’est toute la question, faut-il interdire les personnes à bord si elles ne portent pas de masque, faut-il mettre en place une amende…" s’interroge Mathieu Chichery. Il s’agira également de garder un oeil sur les risques de fraude puisque les passagers entrent à l’arrière des véhicules.

Par ailleurs, comment faire repartir le trafic avec les exigences sanitaires que l’on connaît ? "Si on applique le principe de distanciation sociale dans nos bus, transports en commun ou transports scolaires, cela veut dire des bus moins remplis et donc attendre le prochain… c’est tout une organisation à revoir", note Teddy Viraye qui pointe du doigt les difficultés logistiques pour les intercommunalités.

Le retour à la normale ne serait en tout cas pas pour tout de suite et il y a fort à parier que la reprise des transports sera progressive. "On a gardé environ 20-30% de l’offre de transport pendant le confinement, on devrait monter progressivement vers les 50% d’ici le 11 mai, mais pas plus" estime Yannick Bonnefond.

Quoi qu’il en soit, chacun attend les directives de l’Etat, notamment sur la question du financement. "Le député Stéphane Bijoux a annoncé une aide de 650 millions d’euros de la part de l’Europe pour aider les régions françaises. On peut espérer qu’une partie de la somme allouée à La Réunion sera dédiée à l’approvisionnement en masques", ajoute le directeur régional de la FNTV.

Contactée, la préfecture ne nous a pas encore donné d’élément de réponse sur le financement de ces masques. Sur la question sanitaire, l’ARS s’en remet aux décisions du gouvernement. La Région, pour sa part, indique qu’il est trop tôt pour donner des réponses claires : "à l’heure actuelle, la situation est à l’étude, nous attendons les consignes du gouvernement." A trois semaines du déconfinement théorique, force est de constater que rien n'est encore prêt.

Mise à jour du jeudi 23 avril avec la réponse de la préfecture : "Le gouvernement est mobilisé sur la préparation de l'après 11-mai et la doctrine de port et d'accessibilité aux masques dit grand public est bien sûr au coeur des sujets. Le Premier ministre a ainsi évoqué la possibilité de rendre le masque grand public obligatoire dans certaines lieux, tels que les transports en commun. D'ores et déjà, la préfecture est mobilisée pour accompagner les initiatives de production de masques à La Réunion et de recensement des besoins qui ne pourraient être répondus par la seule production locale, en lien avec les importateurs. L'objectif rappelé par le Président de La République est bien que chaque Français puisse accéder après le 11 mai à un masque grand public."

mm / www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

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4 Commentaires
Djoumoi
Djoumoi
3 ans

Salut

AMAZONUS
AMAZONUS
3 ans

Les masques dans les transports, ça va le faire, mais le pire ce sera le port du masque dans les restaurants!

Stean
Stean
3 ans

Le premier ministre a fait référence à des masques grands publics, c'est à dire en tissus, et non comme vous l'indiquez dans votre article à des masques chirurgicaux.Les masques en tissus dont actuellement en production à La Réunion dans plusieurs endroits du département.

Claudine mondon
Claudine mondon
3 ans

Où le passager doit-il se procurer et acheter des masques ? Comment verbaliser un passager sans masque s'il n'y a pas en vente libre ?