Courrier des lecteurs

Les dessous inavoués du Pacte Territoire Santé

  • Publié le 3 avril 2013 à 05:21

"Il faudrait entretenir la crise de la démographie médicale". "Les acteurs libéraux constituent l'un des obstacles forts au développement d'une forme plus structurée, plus regroupée, de l'activité des professionnels". Ces déclarations, qui ont été prononcées lors d'un séminaire de formation organisé le 10 janvier par l'École Nationale Supérieure de Sécurité Sociale et Sciences Po, en disent long sur la désinformation à l'oeuvre au sujet de l'offre de premier recours et de sa refondation au travers du Pacte Territoire Santé.

C’est pour donner aux acteurs de la santé, dont les usagers, le droit à une information éclairée sur les enjeux des Nouveaux Modes de Rémunération et du regroupement des professionnels que la FNI (Fédération Nationale des Infirmiers) a publié un énoncé de position intitulé "les dessous inavoués du Pacte Territoire Santé".

En s’appuyant sur l’analyse de ces déclarations, des orientations des derniers PLFSS et du Pacte Territoire Santé, la FNI met en lumière une stratégie qui, à terme, remet en question non seulement le mode d’exercice des infirmières, mais aussi la capacité de notre système de santé à offrir des soins de proximité.

Car en agitant le spectre des déserts médicaux, le " Pacte Territoire Santé " justifie le maillage territorial de maisons de santé avec la généralisation des Nouveaux Modes de Rémunération (NMR), présentés comme le seul moyen de stimuler les professionnels à collaborer ensemble.

Pour obtenir une rémunération de leurs prises en charge coordonnées, d’éducation ou tout simplement continuer leurs pratiques actuelles d’éducation, participer à des actions de recherche ou de formation, les infirmiers libéraux n’auront pas d’autre choix que d’intégrer les maisons de santé pluridisciplinaires.Ainsi justifiées, elles servent en réalité une stratégie parfaitement orchestrée qui vise à réorganiser profondément le système de santé, à le faire glisser d’un système libéral vers un système de structures ambulatoires privées ou semi-privées salariant les professionnels de santé.

Aujourd’hui, les infirmières libérales, qui constituent le corps professionnel le plus nombreux exerçant au domicile des patients, sont seulement 2% à considérer le salariat comme un mode d’exercice envisageable et satisfaisant. Et il est évident que si les décideurs leur avaient proposé d’emblée de devenir salariées, ils se seraient heurtés à une fronde massive. Au-delà du salariat des infirmières, c’est bien toute une évolution vers la mise en place de réseaux de soins qui est en marche et dans laquelle les usagers seront pris en charge via des réseaux gérés par des organismes d’assurance chargés de négocier les tarifs, mais aussi d’exclure certaines pratiques de soins jugées inefficaces ou encore trop coûteuses. Avant d’avoir recours à un médecin, les Français sont-ils prêts à d’abord solliciter leur assurance par téléphone ?

Sur des sujets aussi sensibles, la FNI refuse l’intox entretenue autour de ces questions. De la même façon que les patients ont acquis le droit au consentement éclairé qui suppose qu’ils bénéficient d’une information claire et détaillée sur les répercussions de leurs choix, la FNI souhaite que tous les acteurs aient connaissance des conséquences des choix qui engagent leur avenir. Elle rappelle, depuis longtemps, que d’autres voies sont possibles et a publié, l’an dernier, un livre blanc qui recueille des préconisations compatibles avec le maintien d’un service public territorial de santé.

Emmanuel ADAIN
Président FNI 974 Odil-Réunion

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