Un tir de flash-ball a coûté un oeil au jeune portois

Courrier des lecteurs : "Steve : victime d'une politique !"

  • Publié le 9 février 2014 à 08:00

Le samedi 1er février 2014 restera un grand jour pour les pétroliers et les gérants de stations, gogos manipulés, alors regroupés à la SRPP du Port pour faire leur spectacle. Comme souvent dans de pareilles situations des échauffourées éclatent la nuit entre forces de l'ordre et jeunes. Feux de poubelles, de pneus, cassages de vitrines puis alors échanges de jets de galets et de grenades lacrymogènes ... avec d'autant moins de retenue dans cette Cité à forte identité créole que le face-à-face se fait souvent en présence "de renforts extérieurs."

Et puis, des dégâts matériels et hélas des victimes aussi. De part et d’autres. Et même des victimes collatérales. Steve, 16 ans, en est une. Il a eu le tort d’être à l’extérieur sur la trajectoire d’un projectile policier. Il faut dire que pour les jeunes de son âge, ils n’ont connu des forces de l’ordre que des agents obligés à la culture du chiffre (par les retours du fameux état 4001), une police militarisée par des unités spécialisées, déshumanisées, ... par les scènes de déploiements de CRS escortés par la BAC pour des opérations qui n’ont rien à voir avec le maintien de l’ordre, par les robots cops, les ninjas à la détente facile, etc. Les plus anciens pourront nous le dire. Existe-t-il encore aujourd’hui des forces de sécurité de proximité dans les quartiers, qui circulent à pied (îlotage) plutôt qu’en voiture et discutent avec les habitants ? La réponse est non. Le sentiment général qu’éprouve la population envers sa police est l’intention répressive.

Steve est mon élève en cours de mathématiques depuis près de deux ans maintenant. Je peux donc affirmer en connaissance de cause qu’il s’agit d’un garçon élégant, assidu et studieux. Un adolescent qui s’était déjà trouvé. Un kaf la soie, comme on dit ici, encore plus posé en 1ère qu’en seconde. Je ne peux donc pas l’imaginer en train de caillasser des fonctionnaires. Hier soir, à ma grande stupeur, j’ai appris par une collègue qu’il avait perdu un œil. Par une présumée balle perdue d’un flashball. Je suis tout simplement effondré. Parce qu’au fond, Steve est victime d’une politique. Une politique sécuritaire !

En effet, qu’est-ce qui a bien pu changer à l’intérieur, sous la gauche dit-on, depuis 2012 ? Fondamentalement, rien. Rien, parce que le ministre Manuel Valls a tout simplement choisi de mettre ses pas dans ceux de Sarkozy. Etrangement, lui-aussi est très proche d’Alain Bauer, ancien conseiller de N. Sarkozy et intellectuel organique du complexe politico-sécuritaire. Sans doute, Valls rêve-t-il en son for intérieur d’un destin présidentiel en suivant la même voie que Sarkozy. Son idéologie, leur commune obsession reposent sur les fameux 3i " Insécurité, Identité et Immigration ".

Député, Valls n’hésitait déjà pas à voter dans le même sens que les députés de droite (émeutes de 2005). Maire d’Evry, il sur-dote sa ville de caméras de surveillance et équipe sa police municipale, dont les effectifs ont explosé, d’armes de 4ème catégorie à telle point qu’elle n’a rien à envier à celle de Nice.

En réalité, cette politique doit cesser. Nous pourrions développer ce qui serait une politique de sécurité de gauche. Nous nous contenterons de renvoyer nos lecteurs au livre de Fr. Delapierre – Délinquance : les coupables sont à l’intérieur – aux éditions Bruno Leprince. Mais, philosophiquement, quand on se déclare de gauche, on n’accepte jamais la condamnation d’innocents. Rappelons-nous l’affaire Dreyfus. La France coupée en deux. D’un côté, les dreyfusards qui affirment l’impératif respect du droit, de la justice et de la vérité en toute circonstance. C’est en réalité la France de 1789-93 qui est y défendue, la France des Droits de l’homme et de l’universalisme républicain. Ils ont pour nom Jaurès, Clémenceau, Anatole France, Zola, ... A droite, en revanche, on n’accepte mal d’innocenter un coupable. On aura alors tendance à sur-réagir. C’est ce qui hélas se passe aujourd’hui trop souvent dans notre police. Et, trop souvent encore à La Réunion. Dans d’étranges circonstances puisque de fait, cette affaire fait penser à celle de Théo Hilarion survenue il y a vingt ans.

Steve va devoir maintenant se reconstruire. Surmonter sa mutilation. Une mutilation d’Etat. Si nous avons entendu le Préfet, représentant de l’Etat, nous informer de l’état de santé du gendarme blessé ce soir-là, nous ne pouvons hélas pas en dire autant au sujet de Steve. Et ce n’est pas la venue de l’IGPN (la police des polices) dans l’île qui nous ne convaincra de l’impartialité de l’enquête interne. La bataille de l’opinion s’impose donc pour que Steve soit considéré de bout en bout avec les égards qui s’imposent dans la recherche des responsabilités. Nous serons en tout cas, copains de classe, enseignants et Portois à ses côtés dès son retour. Courage à toi, nous t’embrassons.

Jean-Hugues Savigny
Militant du Parti de Gauche

guest
4 Commentaires
Anonyme
Anonyme
10 ans

Il faut connaître la personne avant de la juger .
Steve a reconnu , qu'il n'aurait pas dû être là et ce qui est fait est fait .
Pourquoi enfoncer le couteau dans la plaie ?
Il ne faut pas juger les quartiers également . C'est vrai qu'il y a une partie des jeunes du quartier qui montrent leur mécontentement en brûlant , en cassant mais ils ne faut pas tout mettre dans le même panier .
Ce n'est pas la bonne solution , certes , mais comment s'exprimer autrement quand on dit que cette commune est délinquante .
J'approuve le commentaire de JH.Savigny au sujet de ce garçon .
Le connaissant personnellement , c'est bien un garçon élégant, assidu et studieux .
Je ne vois pas pourquoi , il ferait parti de ces phénomènes .
Personne ne peut affirmer ni penser qu'il en faisait parti , il faut juste le voir pour le croire .

Je lui souhaite bon courage également !

didille
didille
10 ans

Je ne connais ni Steve, ni JH Savigny, ni Gvar, ni.... pour une raison simple : j'habite en métropole. En revanche, ce que je me sens en droit d'affirmer, c'est que ni pour Steve, ni pour les 27 autres victimes recensées du Flash Ball à ce jour en France, on ne peut tolérer que la police soit dotée d'armes qui aboutissent à lui donner le droit de mutiler lors de ses interventions, que la victime ait commis ou non des actes répréhensibles pénalement. Telle est en effet la triste réalité du Flash Ball aujourd'hui dans notre chère démocratie. Ce n'est pas à la police de faire justice.
Au motif que c'est une arme non létale, la police l'utilise très facilement. Le problème, c'est que le Flash Ball est une arme dangereuse car imprécise, comme l'a rappelé Dominique BAUDIS, le défenseur des droits, dans un avis rendu en mai 2013, avis dans lequel il demande le retrait définitif de cette arme.
Afin d'appuyer sa demande, j'invite toutes les victimes de cette arme désastreuse à saisir le tribunal administratif afin de faire condamner un état indécent qui dote ses policiers de telles armes.
En décembre dernier, le préfet de police de Paris a été condamné sur cette base à indemniser une victime innocente du FB (Clément Alexandre). Il serait bon que les démarches contentieuses devant les tribunaux administratifs se multiplient. On peut espérer ainsi que l'Etat finira par comprendre : il n'entend pas son cœur, peut-être entendra-t-il son porte-monnaie...

Oui et non
Oui et non
10 ans

Gvar la situation social fait que la délinquance augmente a la reunion ! les reunionnais subissent l assistanat ce n'est pas la faute des parents ! pensez vous qu'ils en sont ravi de voir les enfants jour apres jours faire un pas vers dominjo ?! des elues interresser pas la politique et ses interet ! des marches oligopolistique toléré et encouragé ! et a tous les gens qui plaignent de ce kanyar voire meme des creole en general essayez de comprendre pourquoi la société reunionnaise et ses membres est en déliquescence et vous comprendrez pourquoi il y a des (supprimé pour injures - webmaster ipreunion.com) qui casse dehors c'est juste la galére le mécontement et bientot la révolte qui parle

Gvar
Gvar
10 ans

Démagogie quand tu nous tiens...
Vous savez où j'étais moi pendant les émeutes ? Chez moi ! Et vous saviez où étaient mes enfants ? Je vous le donne en mille : chez moi également ! Les rues sont pleines d'innocents, surtout pendant des émeutes, c'est connu ça; un peu comme les prisons nan ?
Vous nous parlez de "garçon élégant, assidu et studieux". Vous allez rire, c'est à peu de choses près le même discours que j'ai entendu il y a un peu plus d'un mois lorsque je me suis rendu, en tant que victime, au procès d'un jeune homme fraîchement majeur qui avait fracturé la porte de ma maison et s'était introduit chez moi en compagnie de 2 dalons, le tout en la présence de toute ma famille bien entendu...
Ce jeune a échappé de peu à la prison car justement, il suivait une formation et était considéré comme assidu et sérieux. Alors arrêtez votre baratin, vous savez très bien la force d'un "effet de bande", tout particulièrement dans ces quartiers-là...