Courrier des lecteurs de Jean-Claude Comorassamy

Au jardin de mes souvenirs d'enfance à Saint-Leu

  • Publié le 29 juillet 2014 à 15:00

Je crois que lorsqu'on a vécu dans ce merveilleux jardin, on aborde les senteurs d'aujourd'hui différemment. Toutefois, laissez-moi vous emmener sur cette empreinte de mon quartier dit les " Quatre Robinets " à quelques mètres de Stella où je suis né.  De cette photographie de l'histoire du lieu, on peut prendre clairement conscience du chemin parcouru, déjà depuis ce demi-siècle. Bien que ce passé récent me semble parfois bien lointain. Et je garde en moi quand même, des merveilleux souvenirs, moi gamin âgé d'un peu plus d'une dizaine d'années à l'époque.

C’est ainsi, que je remémore encore la citerne des " Quatre Robinets " de la commune de St-Leu, qui a été détruite suite à l’élargissement de la route départementale. Là, où des familles entières, mais surtout les enfants venaient " charoy’ do lo " à la tête dans des bacs, à ce grand réservoir construit en pierre, couvert d’une dalle, dont l’eau était tout d’abord, à l’usage domestique.

Mais aussi, cette réserve servait autant, d’abreuvoir aménagé tout autour de la citerne pour que les nombreux troupeaux de bœufs sortant des pâturages, viennent y boire. Et, lequel ouvrage était aussi édifié en lavoir, pour tout un quartier. Car jadis, l’eau courante  n’existait pas dans les cases de l’époque. Et c’est les sources des hauts qui alimentaient  cette réserve. Comme beaucoup autres y ont été installées sur la commune.

Tandis, à quelques encablures de là, se trouvait  la boutique de M. Michel Ah You, un commerçant avec des grandes qualités humaines pour tous les habitants de ce quartier. Non pas simplement pour le " crédit carnet " qu’il accordait à tous. Aussi, cette famille se donnait beaucoup dans le social pour les habitants des lieux.   

Aujourd’hui, si Madame et Monsieur Michel Ah You, ne sont plus de ce monde. La boutique, elle est restée presque intacte malgré son âge, malgré la pluie, le vent ou cyclone. Elle reste encore débout et visible en face à ce gros tamarinier qui a pris de l’âge depuis.
Ainsi, je me souviendrais toujours lors de l’arrivée de la télévision à la Réunion. C’était un 24 décembre 1964, mais que pour St-Denis et des environs. D’ailleurs les personnes possédant une télé étaient rarissimes, sauf ceux qui avaient d’énormes moyens, étant donné que la télévision était très coûteuse à cet époque.

Malgré tout, l’événement était historique, féerique et mémorable pour notre Île.  Puis, quelques  années plus tard, la télévision publique nommée toujours l’ORTF, débarquait aussi sur notre commune de St-Leu. Et M. Ah You, était l’un des rares privilégiés, qui pouvait se targuer d’avoir une télévision chez lui, fonctionnant pour la circonstance avec un groupe électrogène, en attendant la fée électricité qui n’était pas au rendez-vous.

C’est à ce moment encore, qu’on avait pu mesurer les valeurs humanistes de cette famille. Puisque, le samedi soir, ce commerçant invitait les gens du quartier, qui vivaient avec peu de moyen, à venir regarder la télévision, qu’il s’installait sur une table en face d’une fenêtre. C’est ainsi, que tous les enfants et les adultes du quartier parvenaient à regarder le film du samedi soir qui durait peut-être une heure et du coup, on était devenu aussi des petits privilégiés grâce à cette famille.

C’est ainsi, dans la cours de cette boutique, que j’ai découvert pour la première fois une télévision et les images d’un film en noir et blanc, qui m’est resté graver tout à jamais dans ma mémoire. Malgré que certains nous racontaient que la télévision était la voix ou la propagande de l’Etat (c’était à l’époque de Debré), on s’en foutait. On était des gamins heureux et stupéfait devant cette prouesse événementielle.

Au fil des années, l’ère de la modernité est passée par là, de l’Office de Radiodiffiffusion-Télévision-Française(ORTF), puis FR3, ensuite RFO Réunion, RFO1, Télé Réunion enfin Réunion Première. Un chemin extraordinaire d’un demi-siècle, qui témoignera encore sûrement beaucoup plus de proximité pour les années qui viennent. C’est juste une simple suggestion d’être aussi des acteurs de ce service public.

Jean-Claude Comorassamy

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