Tribune libre de Wilfrid Bertile

Après la visite du président de la République : entre satisfactions et regrets

  • Publié le 26 août 2014 à 09:34

L'impression qui domine est que le voyage du président de la République à La Réunion a été globalement réussi. Mais il suscite des sentiments contradictoires. On peut se réjouir des réponses apportées à des questions mises au goût du jour, mais pour ce qui est de La Réunion de demain, on reste sur sa faim.

Les nombreuses annonces concernant les emplois d’avenir, la régionalisation de l’emploi, l’aide à la filière canne, l’adaptation du  pacte de responsabilité aux spécificités des Outre-mer, la volonté de faire du grand port maritime un port d’éclatement… sont évidemment positives. Toutefois, elles ne vaudront que par la suite qui leur sera donnée. Il faut qu’elles se traduisent rapidement dans les faits. Les parlementaires socialistes du Progrès ont raison de préconiser la mise en place d’une structure de suivi. Il en va de la crédibilité du gouvernement et de ceux qui le soutiennent.

Mais les annonces du président de la République doivent aussi être appréciées à l’aune des enjeux de La Réunion enlisée depuis plusieurs décennies dans une crise structurelle. Et là rien n’est moins clair.

Il y a deux façons d’appréhender les enjeux locaux. Pour les uns, La Réunion c’est la France et elle est intégrée à la politique nationale. Celle-ci peut être à la marge adaptée aux " handicaps " insulaires, mais, faute de traitement approprié, les problèmes de l’île rebondissent  d’un gouvernement à l’autre sans jamais être résolus véritablement. Et si, comme tout le monde le dit, le système actuel est à bout de souffle, quelles perspectives peut-il offrir ?   

Pour les autres, dont nous sommes, La Réunion doit certes bénéficier des avancées de la politique nationale, mais comme elle s’enlise dans une crise structurelle qui n’en finit pas, il lui appartient d’élaborer son propre projet de développement et, surtout, de définir les moyens politiques et financiers de sa mise en œuvre.  

Dans ses déclarations, le président de la République a fait la synthèse des différents points de vue qui sont remontés jusqu’à lui. Il a ainsi montré toute son intelligence et son savoir-faire politiques, mais n’a pas indiqué sa vision de l’avenir pour La Réunion.

Notre conviction, maintes fois réaffirmée, est la nécessité d’un " projet réunionnais de développement responsable, solidaire et durable ".

Un projet réunionnais. Aucun homme ni aucun territoire ne se ressemblent. Autant dire que les politiques de développement ne peuvent être que particulières et non consister en des recettes importées. Le projet réunionnais ne peut que partir de la culture de la population et des spécificités du  territoire de la Réunion.

Un projet de développement. Et non de simple croissance qui est un grossissement de ce qui existe déjà. Le développement réclame des réformes de structure. Il faut renforcer sa dimension endogène, déjà existante au demeurant. D’une part, parce que le développement exogène, fondé sur les transferts publics, atteint ses limites et s’effondrerait en cas de crise budgétaire majeure. D’autre part, parce que nos besoins en emplois sont tels qu’il nous faut agir sur tous les leviers. 

Un projet responsable. Les problèmes réunionnais ne sont pas résolus notamment parce  le pouvoir de décision, coiffé par Paris, est éparpillé de façon incertaine entre trop d’échelons. Il faut mettre plus de responsabilité, de cohérence et de clarté dans les politiques publiques à La Réunion. 

Un projet solidaire. Quand 42% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, le développement ne peut être recherché qu’en faveur des chômeurs et des plus démunis. La justice et la cohésion sociales sont à ce prix. La solidarité est aussi à rechercher entre les régions de l’île pour lutter contre les disparités territoriales entre les " Bas " et les " Hauts ",  entre le Nord, le Sud, entre l’Est et l’Ouest. Elle est enfin nécessaire  entre La Réunion d’une part, et les pays du sud-ouest de l’océan Indien d’autre part, dans le cadre d’un développement mutuellement profitable. 

Un projet de développement durable. La Réunion est une île étroite aux ressources  limitées et pourtant son mode de fonctionnement est plus extensif qu’intensif. Revenons aux fondamentaux : si nous voulons répondre aux besoins de la société actuelle sans hypothéquer ceux des générations futures, il faut un mode de développement économe en facteurs. Le développement durable n’est pas qu’un ornement de discours ou un élément de marketing pour les entreprises. Il suppose de tendre vers l’autonomie énergétique et alimentaire, d’entreprendre  le traitement global des déchets, de sauvegarder l’environnement et de lutter contre le réchauffement climatique.

Le président de la République n’a découragé personne ni fermé aucune porte. Mais il est clair que l’impulsion ne viendra pas de Paris. Il appartient aux Réunionnais de prendre les choses en mains et de faire des propositions. Le temps de la mendicité agressive à l’égard du pouvoir central est révolu.  

Wilfrid Bertile

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1 Commentaires
evnor
evnor
9 ans

Aprés le temps des "satifactions et des regrets" serait-il le temps de responsabilitée?