Tribune libre de Huguette Bello

Continuité territoriale : "l'urgence d'une vraie réforme saute aux yeux"

  • Publié le 17 juillet 2015 à 16:30

A l'occasion de l'actualisation du droit des outre-mer à l'Assemblée nationale, Huguette Bello s'est exprimée à ce 15 juillet 2015 pour défendre une réforme de la continuité territoriale auprès de la ministre George Pau-Langevin. Retrouvez l'intégralité de son intervention ci-dessous.

"Plus de cinquante ans après sa création, après deux changements de dénomination et après que ses missions ont été plusieurs fois redéfinies, l’agence de l’Outre-mer pour la mobilité, Ladom, s’apprête à changer de statut. Créé en 1961 sous la forme d’une société d’État, cet opérateur va devenir un établissement public administratif, ce qui le mettra en adéquation avec les missions de service public qu’il assure.

Au moment où cet organisme va connaître une évolution statutaire importante (j’y reviendrai de façon plus précise au moment de l’examen des articles), il paraît important d’assortir cette transformation d’une réflexion sur les conditions dans lesquelles s’organisent les déplacements entre les Outre-mer et l’Hexagone. Ce sujet ne relève d’ailleurs pas des seuls Outre mers, ne serait-ce que parce qu’après New-York et Montréal, ces liaisons font partie des cinq plus importants long-courriers français.

Depuis la révision à la baisse, il y a quelque mois, du dispositif d’aide à la continuité territoriale, la question de la mobilité, et plus généralement du désenclavement aérien, occupe le devant de la scène, particulièrement à la Réunion.

Dans aucune autre région d’Outre-mer, le débat n’est aussi vif. L’absence d’étude d’impact préalable n’a permis ni d’évaluer avec précision toutes les conséquences de la réforme pour chacun des territoires, ni de mieux cibler les nouveaux critères.

À ce jour, moins de 2% de la dotation de cinq millions allouée à la Réunion pour l’année 2015 a été utilisée et le nombre de bons délivrés par LADOM est passé de 16 000 l’an dernier à 252.  En fait, depuis la réforme, l’aide à la continuité territoriale n’est quasiment plus financée par l’Etat mais par les Réunionnais eux-mêmes, à travers un dispositif que la Région Réunion a choisi de mettre en place au détriment d’autres actions qui, elles, relèvent de sa seule compétence.

La question du désenclavement aérien est sans aucun doute plus sensible à la Réunion.
En raison, d’abord, non seulement de tarifs plus élevés, mais aussi d’une saisonnalité des prix encore plus marquée et que n’explique pas le seul critère de la distance. Selon les spécialistes, il faut aussi tenir compte de la moindre productivité des avions sur la desserte réunionnaise. La plupart des vols étant effectués la nuit, les appareils font un aller-retour tous les deux jours au lieu de repartir immédiatement comme aux Antilles.

Il y a aussi le fait que les Réunionnais sont les plus nombreux à n’avoir jamais quitté leur île : 26 % contre 13% pour les Martiniquais. Et vous êtes particulièrement bien placée, Mme la Ministre, pour confirmer que la réalité de la migration présente, elle aussi, des traits différents selon qu’il s’agit des Antilles ou de la Réunion. Que, par exemple, pour les migrants réunionnais, les retours périodiques sont encore plus difficiles car, moins présents dans la Fonction publique, ils sont moins nombreux à bénéficier des congés bonifiés.

Il faudrait également mentionner, pour bien prendre la mesure de la situation, ce coefficient de périphéricité, certes calculé pour le transport maritime, mais qui révèle qu’en temps de trajet réel, la Réunion est cinq fois plus éloignée qu’elle ne l’est géographiquement de l’espace européen et que, de toutes les RUP, elle est la moins bien desservie.

Loin de moi de méconnaître les arrière-pensées politiciennes qui prospèrent autour de la continuité territoriale. Mais il est évident que le désenclavement aérien de la Réunion demande, lui aussi, une approche modernisée et adaptée aux nouveaux enjeux dictés par la mondialisation. Un véritable désenclavement exige des solutions durables avec des tarifs accessibles à tous, à l’opposé des onéreux remèdes à court-terme et en trompe l’œil aujourd’hui proposés.

Un grand travail de clarification et de transparence est devenu indispensable : sur la formation des prix, sur la surcharge transporteur, sur l’impact du carburant et sur l’influence des aides elles-mêmes sur les tarifs.

De même, il n’est plus possible de passer sous silence l’incompatibilité entre les règles commerciales internationales qui régissent cette desserte et son caractère éminemment social. Notre desserte aérienne ne doit plus être le lieu où le principe d’égalité se heurte au dogme de la concurrence libre et non faussée qui inspire les politiques européennes. L’égalité réelle est aussi à ce prix.

L’urgence d’une vraie réforme saute aux yeux. Elle devra permettre l’avènement d’une ligne " Réunion-Paris " qui concilie appartenance géographique et statut politique.

Le principe de continuité territoriale, dont l’application la plus accomplie se rencontre en Corse, n’est ni une variable d’ajustement budgétaire ni le lieu de surenchères politiciennes. Puisse Ladom, dans sa nouvelle formule, participer au désenclavement, et donc au développement, de la Réunion."

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5 Commentaires
maeva
maeva
8 ans

la continuité territoriale ça ne mène à rien en terme de développement, c'est un luit sans fond, çà enrichit les compagnies aériennes et les Réunionnais vont dépenser leur argent en métropole. La Réunion n' y gagne rien et s'appauvrit
mettons les moyens pour développer les échanges dans la zone de l'océan indien
arrêtons de courir derrière la métropole

pascal
pascal
8 ans

l'assimilation a fait son oeuvre.! Incroyable que la continuité territoriale soit devenue une priorité, même pour des vrais communistes comme Huguette Bello! ou sa y lé lotonomi?

"mon péi bato fou, ou sa ban'a y ral à nou"!

CHABAN
CHABAN
8 ans

Stef
Vous avez tout dit!

Jkypdrx
Si les sardines sont en boîte on sait très bien que c'est grâce à Didier.

Jkypdrx
Jkypdrx
8 ans

C est bien : enfin Bello soutient la refonte de la continuité territoriale demandée depuis longtemps par Didier Robert. Encore un sujet sur lequel elle reconnait implicitement qu'il est celui qui pose les vraies questions et propose de vraies réponse. Va-t-elle demander une place sur la liste des régionales? Une belle alliance de progressiste de droite et de gauche contre les forces immobilistes du PS!

stef
stef
8 ans

Le problème général de la continuité territoriale et du tourisme est le prix du billet d'avion!! Qui peut se payer des vacances en famille à la Réunion ou en métropole avec un billet à minimum 1000€ pendant les vacances scolaires? Comment un étudiant qui ne rentre pas dans les grilles d'aide peut espérer étudier en métropole avec des prix pareils ? Madame Bello, le combat est a mené auprès de cette mise en accord sur les prix proposé par les 4 compagnies aérienne qui desserte la réunion.