Une figure de syndicalisme disparaît

Décès de Serge Bourhis : les hommages se poursuivent

  • Publié le 30 août 2015 à 06:12

Acteur de la vie portoise depuis la Seconde guerre mondiale, syndicaliste CGTR et conseiller municipal du Port pendant trente ans (1971- 2001) aux côtés de Paul Vergès, Pierre Vergès et Jean-Yves Langenier, Serge Bourhis est décédé le 28 août 2015 à l'âge de 91 ans. Des organisations syndicales et politiques, notamment, lui rendent hommage

• La CGTR ouest

Les camarades de la CGTR Ouest, viennent d'apprendre avec stupeur et tristesse le décès de Serge Bourhis, survenu aujourd'hui le 28 aout 2015 en début d'après-midi à l'âge de 91 ans. C’était un ancien employé de la CCIR du Port, dirigeant syndical de la fédération CGTR Ports et docks. Lors du 2e congrès de la CGTR région ouest, le 23 novembre 1974, il fut élu secrétaire général de cette région pendant plus de 22 ans, il s’est donné à fond pour la défense des droits des salariés. Pendant son mandat il a fait agrandir le local du siège, pour que les travailleurs aient un outil efficace dans la lutte.

Les camarades de l’ouest ont un très bon souvenir de lui. En dehors du mouvement syndical, il a été une personnalité politique au Port, en étant adjoint municipal avec Paul Vergès, PierreVergès et Jean-Yves Langenier. Les camarades de la CGTR Ouest adressent à ses proches et sa famille leur sincères condoléances.

• Paul Vergès, sénateur PCR

C’est avec beaucoup d’émotion que j’ai appris le décès de Serge Bourhis. Camarade pleinement engagé dans les luttes, notamment syndicales, c’est naturellement que Serge a été l’un de mes adjoints à la Mairie du Port  et qu’il a ensuite participé aux équipes municipales dirigées par Pierre Vergès et Jean-Yves Langenier.

Il a ainsi apporté toute sa contribution à l’œuvre engagée pour le développement de la commune. C’était une personnalité respectée, dont le dévouement, la fidélité et la loyauté étaient reconnus de tous. Son engagement exemplaire au service de la population a toujours été inspiré par les valeurs de justice et de solidarité.

Je tiens à lui rendre hommage et adresse à toute sa famille, ses proches et à tous ses amis mes très sincères condoléances.

• Pascale David, journaliste

En 2013, une équipe de l’I.L.O.I l’a filmé chez lui, avant l’incendie de sa maison : il raconte sa vie de travail sur les docks, la grève des dockers de 1950, sa rencontre avec Ariste Bolon, son engagement de syndicaliste à la CGTR et au sein de l’équipe municipale portoise.

Serge Bourhis naît au Port le 16 novembre 1924. Lorsque le père, douanier, est muté à Saint-Denis, toute la famille suit et les deux garçons sont scolarisés pendant deux ans au lycée Leconte de Lisle, dans ce qu’on appelait alors les “petites classes”.
C’est sa tante paternelle qui paie la scolarité de Serge et de son frère jusqu’à ce qu’elle se marie et cesse de travailler. Puis sur une nouvelle mutation du père, la famille revient au Port. Serge fréquente l’école primaire jusqu’au Certificat d’études ; et comme la plupart des enfants d’ouvriers à cette époque, il travaille de temps en temps, pour améliorer les revenus de la famille.

Il entre aux chemins de fer après le certificat ; il y reste deux ans mais ne s’y plaît pas et passe un concours pour travailler sur les docks ; il est reçu et travaille comme pointeur. Ce métier non plus ne l’intéresse pas et il apprend la comptabilité avec des employés plus aguerris, qui le gardent comme comptable au CPR ; il travaille d’abord à la gare maritime et fait toute sa carrière sur les docks, de 1940 à 1984. Il travaille un temps sous l’autorité d’Ariste Bolon qui, venant des gares et train, obtient un poste d’encadrement aux docks après la fermeture du chemin de fer.

Quand il prend sa retraite, à l’âge de 60 ans, il s’occupe du syndicat à plein temps.

Il est présent dans la grève de 1950, pour l’augmentation des salaires des dockers : une grève unanime, très massive et résolue. Le Préfet fait réquisitionner du personnel et les dockers résistent : les uns disparaissent de leur domicile pour ne pas être emmenés de force, ou dorment — comme les chauffeurs mécaniciens – derrière l’autel, dans l’église du Port, avec le soutien du père Bourdon, le curé de la ville portuaire, qui leur ouvre la salle Saint-Louis, construite en 1936 derrière l’église Jeanne d’Arc, pour les réunions syndicales.

Pour ces gestes de solidarité envers des travailleurs, le père Bourdon sera déplacé et envoyé plus tard dans un quartier de Sainte-Clotilde.

Serge Bourhis accumule au fil des ans l’expérience des grèves, à l’époque où les droits sociaux découlant de la transformation de la colonie en département, se font attendre : il passe auprès des commerçants pour collecter des vivres qui sont distribués aux familles des grévistes. Sous son impulsion, le syndicat est au cœur de cette solidarité.

Un autre moment fort vécu par Serge Bourrhis est le Congrès constitutif de la CGTR à la Plaine des Palmistes en 1969. Il travaille au renforcement du syndicat et connaît la répression. " On risquait sa place, quand les forces de l’ordre arrivaient, on ne savait pas si on rentrerait chez soi le soir. "

Il raconte aussi l’humiliation des Réunionnais dans le travail. Il rappelle par exemple que, dans l’entreprise où il travaillait, il a remplacé pendant longtemps un comptable hautement qualifié ; il n’a jamais reçu de son employeur la reconnaissance de sa qualification réelle. Tout en profitant de son travail, le patron refuse de le nommer au poste laissé vacant. Et lorsqu’il prend sa retraite, Serge Bourhis attend deux ans avant de recevoir la grande médaille du travail, suite à un véto du même patron, qui estimait que " la médaille du travail, c’est pour les Français ".

Il s’implique aussi beaucoup dans la vie municipale portoise et se révèle être un adjoint efficace et discret aux maires du Port qui se succèdent de 1971 à 2001. Il est le 2e adjoint de Paul Vergès jusqu’en 1986. Ayant passé 30 ans au service de ses concitoyens, il est nommé citoyen d’honneur de la cité maritime, avec cinq autres Portois.

guest
0 Commentaires