Courrier des lecteurs de Marie Claude Barbin

La relation d'emprise psychologique

  • Publié le 11 octobre 2015 à 10:56

Comment une personne peut-elle se retrouver dans un état de fascination, au point de perdre tout sens critique et se couper de la réalité (famille, amis, société) ? L'emprise consiste à avoir prise sur quelque chose, sur quelqu'un. Elle peut être physique (contrainte), dans le cadre de la loi (prise de possession) et/ou intellectuelle (saisir une idée, une émotion).

Lorsqu’une personne est sous l’emprise psychologique d’un " gourou " (harceleur, prédateur, prédicateur…), elle est dépouillée peu à peu de sa force, de ses valeurs, de ses repères affectifs et sociaux, parfois de ses biens. La relation d’emprise se joue en séquences bien rodées, basées sur l’appropriation de l’autre par la force et/ou la séduction, la dépossession (la perte du libre-arbitre), la domination intimement liée à la soumission. Les victimes peuvent être des personnes vulnérables, en plein désarroi (carence affective, quête identitaire de l’adolescence, séparation, rupture, deuil). Le processus d’emprise est une entreprise de démolition, de déprogrammation de la personne par l’isolement, la manipulation.

Le but recherché est d’exercer un pouvoir sur l’autre, d’abolir son discernement afin de le réduire à l’état d’objet, parfois d’esclave sexuel. Au sein de cette spirale toxique, vérouillée, inaccessible, tout est organisé, codifié, pour que la victime fragilisée, croit renaître dans un monde idéal, aimant, loin des dangers du dehors qui est forcément mauvais. Placée dans une position infantile, on lui apprend de nouveaux codes de conduite, une nouvelle façon de penser, basée sur la méfiance de l’extérieur et l’obéissance. Elle est, de ce fait, vampirisée, anesthésiée par le maître qui manie promesses, chantages, menaces, torture morale… Par un mécanisme de survie psychique, la victime se soumet en s’oubliant,  anticipant les moindres désirs, prête à transgresser les lois, à risquer sa vie pour le maître, qu’il soit présent physiquement ou pas. C’est ce qui fait sa force.

Selon la durée, l’intensité de l’exposition et surtout le statut du " gourou ", la victime va réagir diféremment. La honte de s’être fait manipuler, liée à la culpabilité, à la peur des représailles, sont autant de sentiments qui empêchent, freinent la libération de la parole. Quand, comment intervenir pour enrayer le mécanisme pervers ? À quel titre, surtout si les victimes sont majeures ? La personne sous emprise, protège le maître et demande rarement de l’aide. Parfois, le déclic vient de l’extérieur : la famille, les amis. Admettre la réalité des faits, nommer la personne maltraitante, est un travail long et difficile qui nécessite un accompagnement basé sur l’écoute, l’empathie. Oser dénoncer, c’est retrouver l’estime de soi, se reconstruire, devenir maître de son existence.

Marie Claude Barbin

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1 Commentaires
Doudou
Doudou
8 ans

Article intéressant