Tribune libre de la FRBTP

BTP : le droit à un discours de vérité

  • Publié le 7 mars 2016 à 03:47

En ce début 2016, le BTP Réunionnais poursuit son démembrement dans l'indifférence générale. Les milliers d'emplois et d'entreprises détruits ces dernières années ne choquent personne. L'absence totale de perspective pour l'avenir de la Réunion qui investit chaque année 1 411 ?/habitant en construction quand la France en investit 2 522 n'inquiète personne.

La destruction de la capacité à construire la Réunion se poursuit à un rythme effréné.

Nous voyons, chaque semaine, 3 entreprises de construction fermer leurs portes. En 2015, 1 100 emplois du BTP ont ainsi été détruits dans ces liquidations. Aujourd’hui, la quasi-totalité des chantiers de la Réunion connaissent la disparition d’entreprises en cours de route.

La Réunion perd tout simplement sa capacité à se construire. L’effondrement est attesté quotidiennement par les augmentations ahurissantes des délais de chantiers et les faillites d’entreprises.

Ceci n’empêche pas la perpétuelle course aux prix bas exigée par nos clients qui trouvent toujours un entrepreneur désespéré prêt à tous les rabais pour essayer de sauver sa peau. Beaucoup d’entrepreneurs n’ont plus rien à perdre.

En 2016, cette course folle engendre de nouvelles pratiques particulièrement inquiétantes. Nous voyons ainsi arriver sur l’île des entreprises extérieures qui viennent construire la Réunion avec leurs salariés. Un comble pour l’île qui compte le record de France de chômage.

La FRBTP alerte en vain les décideurs de la Réunion depuis plusieurs années. Nous sommes aujourd’hui au pied du mur et la Réunion paye les conséquences avec toujours plus de chômage et toujours moins d’activité économique.

Malheureusement, tout indique que cette folie d’autodestruction va encore s’accélérer, encouragée par les donneurs d’ordres et les décideurs en quête d’un unique objectif lorsqu’ils lancent un projet : comment construire moins cher ?

Quand comprendra-t-on enfin que " Bon marché i coute cher ? ".

I coute cher en qualité, en délais et surtout en facture sociale pour une Réunion qui s’enfonce inexorablement dans le chômage de masse sans autre alternative que les emplois aidés et la fameuse commande publique en diminution permanente.

Aujourd’hui le tableau est noir, sur tous les segments de la filière construction et les chefs d’entreprises de la filière partagent tous le même sentiment amer :• Les engagements du plan logement Outre-Mer signés en 2015 (pour 2015-2020) n’ont pas avancés : Nous devions construire 4000 logements sociaux neufs par an (ce qui fut à peu près le cas des années 2011 à 2013) et la programmation plafonne péniblement 2000. Nous rappelons que chaque logement représente 2,2 emplois directs et indirects. 2000 logements de moins, c’est 4400 emplois de moins. Contrairement aux idées reçues, la réhabilitation de 1000 logements sociaux par an, ne compense pas l’activité perdue en construction neuve.
• L’aménagement du territoire est laissé à l’abandon alors qu’il est le nœud stratégique de la construction d’une réunion d’un million d’habitants dans 15 ans.
• Le chômage de masse empêche tout parcours résidentiel autre que dans le logement social.
• Les collectivités tentent de répondre à l’urgence sociale à coup d’emplois aidés au détriment d’investissements indispensables et générateurs d’emplois durables et de construction de l’avenir. Elles sont dans des difficultés telles qu’elles mettent parfois un an pour payer les travaux qu’elles ont commandé.

La Nouvelle Route du Littoral, dont les derniers éboulis ont rappelé l’importance, ne compense absolument pas l’effondrement de l’activité qui touche tous les segments.

La filière compte encore 15 500 salariés + 700 sur la Nouvelle Route du Littoral. Le tiers de son activité est menacé pour 2016, des milliers d’emplois et des centaines d’entreprises sont en danger aujourd’hui.
On nous parle des cadeaux faits aux patrons, il faut savoir que ce qui est donné d’une main (CICE versé dans un an) est repris de l’autre (Coup de rabot sur les exonérations de charge à payer tout de suite). Bilan pour la filière : environ 15 M€ par an de charge supplémentaires, soit une augmentation de 4 à 8% au final.

On dit souvent qu’ " un malheur n’arrive jamais seul ", le débat en cours sur l’application des conventions collectives nationales à la Réunion vient nous le rappeler en ajoutant encore à la menace qui pèse sur la profession. En effet, le BTP devra-t-il payer son exemplarité en se voyant imposer de force les dispositions de 4 conventions nationales pour remplacer la convention locale de la branche ? La convention collective du BTP de la Réunion est le fruit de 50 ans de dialogue social local, elle est la seule convention régionale vivante à la Réunion et reconnue au niveau national. Elle est la marque d’un réel travail des partenaires sociaux. Nous ne pouvons pas accepter l’idée de son démantèlement.

La Réunion a besoin de perspective et de travail. Elle doit absolument relancer son économie, produire de la richesse pour casser le désœuvrement et préparer l’avenir.

Il y a tant à construire pour pouvoir vivre à 1 million sur l’île.

Les constructeurs encore présents après plus de 2000 fermetures d’entreprises et 10 000 suppression d’emplois depuis 8 ans demandent aujourd’hui la vérité et des actions immédiates :

1. La vérité sur le plan logement : sera-t-il revu à la baisse, combien de logement seront construits et réhabilités ? Quand ? (il court de 2015 à 2020)
La vérité sur les perspectives de construction à la Réunion,
La vérité sur la volonté de financer l’aménagement du territoire.
Si la branche doit encore détruire 3000 emplois dans les mois qui viennent que chacun le sache.

2. Que tout soit mis en œuvre pour sauver ce qui peut l’être en 2016 :
• Que nos clients, en particuliers publics, nous payent dans les délais les travaux qui ont été faits.
• Que les projets qui peuvent être lancés le soient
• Que l’ensemble des élus et acteurs locaux prennent la mesure de la gravité de la situation et se battent pour essayer d’éviter un crash.
• Que les conventions collectives locales existantes soient préservées.

Ce discours de vérité et ces mesures d’urgence sont indispensables immédiatement pour espérer tenir jusqu’à relancer enfin la création de valeur à la Réunion.

FRBTP

guest
0 Commentaires