Courrier des lecteurs

Souvenir d'une enfant du Port...

  • Publié le 4 décembre 2016 à 08:07

Il y a quelques jours, j'ai eu le plaisir de rencontrer Monsieur Raymond Lauret qui avec quelques acolytes dans les années 70, a été à l'origine de la création de l'Office Municipal du Sport du Port (O.M.S.). Nos chemins s'étaient ponctuellement croisés, et chaque fois, j'avais éprouvé un grand plaisir à échanger avec lui sur cette époque charnière de ma vie. En effet, c'est à cette période qu'enfant, je suis devenue gymnaste. Nous étions quelques uns débordant d'énergie, et nous n'avions pas imaginé un seul instant, que nous aurions pu nous dépasser, et même être dans la lumière, par le biais de ce sport.

Monsieur Lauret m’a raconté Montréal 1976. Il m’a raconté la première fois où il a vu Nadia Comaneci sur écran, cette petite fille, qui ce jour-là a révolutionné le monde de la gymnastique. Quarante ans plus tard et à des milliers de kilomètres du Canada, ses yeux brillent encore à l’évocation de ce souvenir. Cette jeune gymnaste maigre et un peu triste lui a fait pensé, m’a t-il confié, à la femme réunionnaise.

Lui est alors venue l’idée de créer l’O.M.S  afin d’aider les enfants de sa ville à trouver leur voie et pourquoi pas la lumière.  Il s’en livra à un certain Monsieur Paul Vergès qui allait marquer la vie des réunionnais jusqu’à son dernier souffle. Il lui accorda carte blanche, sa confiance et ses encouragements. Mais cela n’était pas encore assez : il alla convaincre l'Inspecteur de l’éducation nationale afin de s’assurer que les élèves puissent aussi s’essayer à la gymnastique pendant le temps scolaire. Rêver haut pour le plus grand nombre…

C’est ainsi que la vie de petits portois allait être bouleversée pendant des années. Porté par sa foi inexpugnable dans la capacité de cette jeunesse, bénéficiant du soutient d’un maire visionnaire et ambitieux, il créa l’U.S.P.G.

J’ai passé presque dix ans de mon enfance dans le gymnase Louis Payet, à découvrir la pugnacité, l’émulation, l’effort, le dépassement de soi, la douleur des entraînements, mais aussi et surtout l’amitié et la bienveillance d’adultes présents et disponibles à la réussite d’enfants. Je pense en particulier aux entraineurs et aux parents qui n’ont jamais compté leur temps et leur énergie.  Ce sont des souvenirs pour toute une vie.

Ces personnes ont cru en nous, ont rêvé pour nous et ont donné sens à notre existence. Ils nous ont offert un champ de possibles et de réussite dont nous n’avions jamais osé rêver. Ils nous ont tendu la main, alors que nous n’avions rien demandé. Ils ont forgé les hommes et les femmes que nous sommes aujourd’hui. Qu’ils en soient profondément remerciés.

Je n’aurais jamais imaginé à quel point, le souvenir de ces années éclairerait mon présent et me permettrait de croire en la vie, à l’effort, à la nécessité de rêver. Je n’aurais jamais imaginé être capable de dépasser les vicissitudes que chacun connaît à un moment ou un autre de l’existence, portée par les défis de mon enfance. Je reste au plus profond de moi, cette petite gymnaste portoise, pleine de doutes souvent, mais capable de s’affranchir de ses peurs pour affronter sa vie. Et je suis sûre que je ne suis pas la seule.

Nous nous sommes quittés un peu émus et nostalgiques de cette époque, où les hommes croyaient, s’impliquaient, où les hommes politiques ne demeuraient pas timorés face aux élans quasi-utopiques de jeunes adultes qui sollicitaient leur aide.

Merci pour ces moments de joie. Merci pour ces moments de lien. Merci pour ces moments de grâce.

Merci Monsieur Lauret.

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