Tribune libre de Stéphanie Gigan

Lettre ouverte au préfet et à la ministre de l'Outre-mer

  • Publié le 4 mars 2017 à 11:07

"Si l'utilité publique d'une liaison sécurisée entre le nord et l'ouest de l'île n'a pas à être démontrée, il n'en va pas de même de l'utilité publique obtenue en mars 2012 pour la variante actuelle de la NRL, à savoir la variante "digue + viaduc - qui doit être remise en cause !"

Si l'utilité publique d'une liaison sécurisée entre le nord et l'ouest de l’île n'a pas à être démontrée, il n'en va pas de même de l'utilité publique obtenue en mars 2012 pour la variante actuelle de la NRL, à savoir la variante digue + viaduc - qui doit être remise en cause !

En effet, faut-il rappeler que l'enquête publique sur l'utilité publique de la NRL s'est déroulée à l’époque sans l'étude sur les impacts de sa matière première : l'extraction et le transport des matériaux nécessaires au chantier !

Pourtant c'est une obligation réglementaire d'inclure ces impacts dès l'origine du projet ! Dans son avis du 12 octobre 2011, la Haute Autorité Environnementale (HAE) alertait déjà la Région sur ce point en relevant l'insuffisance de son étude d'impact (présentée dans le cadre de l’enquête publique sur l’utilité publique de la NRL) et en demandant à la Région Réunion "d'inclure dans l'étude d'impact l'analyse de l'extraction et du transport des matériaux qui représentent une composante importante du projet" ainsi que les "engagements du Maître d'Ouvrage quant à la maîtrise de ces impacts de différentes natures, et au suivi de la remise en état des sites ayant servi de carrières".

CNPN, HAE, CSRPN, TOUS préconisant à l’époque à minima le "tout viaduc", beaucoup moins impactant pour l'environnement et les habitants, car nécessitant moins de matériaux !

Dans un rapport sur la comparaison des 2 variantes, la DEAL a elle-même conclu ainsi : "Cependant, sur les aspects faune terrestres et marins, flore et habitats, la variante retenue est plus impactante que la variante "deux viaducs" notamment par l'impact de l'approvisionnement en matériaux et le taux de recouvrement lié à l'emprise."

Pourtant, malgré les insuffisances de l’étude d’impact fournie par la Région et malgré les avis négatifs des instances consultatives, le Préfet de l’époque a accordé à la variante "digue + viaduc l’utilité publique !

L’intérêt général des Réunionnais résidait dans le choix de la variante la moins impactante pour eux, leur santé et leur environnement ! Il semble que les intérêts financiers et politiques de certains aient prévalu sur le véritable intérêt général des réunionnais dans ce choix de variante totalement contre-indiqué !

En 2013, la Région "découvre" que les carrières inscrites au schéma des carrières de 2010 ne suffiront pas à approvisionner le chantier (même si elle le savait depuis bien avant !) et demande la modification de ce schéma avec de nouveaux espaces-carrières, obtenue en 2014… Là encore, ça ne choque personne ?

Il est anormal que l’enquête sur l’utilité publique de la NRL se soit déroulée uniquement à St-Denis et à la Possession à l’époque quand on sait aujourd’hui que les communes de St-Leu, Les Avirons, L’Etang-Salé, St-Paul et St-André seront directement impactées elles-aussi avec des carrières EXCLUSIVEMENT DEDIEES A LA NRL !

Les habitants de ces communes auraient dû savoir qu’ils seraient directement impactés par ce chantier et auraient dû pouvoir s’exprimer sur son utilité publique dès le départ ! Et que dire des malgaches qui eux aussi ont subi, sans pouvoir donner leur avis… C’est déplorable.

En dissociant la problématique des matériaux de la problématique de la construction de la NRL, la région Réunion a, en quelque sorte, procédé à un découpage artificiel et totalement anormal de l’opération et des procédures de consultation du public !  Trop facile d’obtenir l’utilité publique au départ comme ça, en minimisant les impacts !

Madame le Ministre, Monsieur le Préfet, au vu de ce qui précède : OU EST L'UTILITE PUBLIQUE DE CETTE VARIANTE et surtout de cette digue qui, avec les nombreuses carrières qu’elle nécessite d’ouvrir, sacrifiera la santé de dizaine de milliers de réunionnais, parmi lesquels des milliers d'enfants, nos enfants ?

OU EST L'UTILITE PUBLIQUE DE CETTE VARIANTE qui sacrifiera aussi nos paysages de ravines, si caractéristiques et classés comme remarquables, nos récifs coralliens, nos espèces protégées, faune et flore, parfois endémiques, rares ou en voie de disparition?

OU EST L'UTILITE PUBLIQUE D'UNE DIGUE MONSTRUEUSE qui pillera nos ressources, car ces gigantesques prélèvements de matériaux épuiseront nos gisements et ne manqueront pas de créer une augmentation du coût des matériaux du BTP sur l'île ? ( +30% selon les professionnels de cette branche ! )

Et on est en droit de se poser des questions quand on voit la guerre lamentable que se mènent les deux groupements de carriers sur ce chantier, de même que la guerre des groupements de transporteurs… Ce chantier maudit attise les haines et les convoitises…

POURQUOI LES REUNIONNAIS DEVRAIENT-ILS SUBIR LES ERREURS, INCOHERENCES ET IMPREVISIONS DE NOS "DECIDEURS" ?

POURQUOI DEVRAIT-ON SE SATISFAIRE D'UNE DEMOCRATIE AU RABAIS, D'UN CHANTIER A L’UTILITE PUBLIQUE TRONQUEE ?'' L'égalité réelle que vous prônez ne doit-elle pas d'abord passer par l'égalité dans l'application des lois de la République, notamment en matière de démocratie ?

A chaque éboulis, fermeture ou basculement de la RL c'est la même rengaine : les anti-carrières seraient responsables des retards de la NRL... Facile... Mais la vérité c’est que, qi le chantier de la NRL prend du retard, ce n'est pas à cause des anti-carrières mais à cause du choix de la variante digue + viaduc dans lequel la Région s’est entêtée malgré toutes les alertes reçues !

Oui le chantier est maintenant lancé, mais sur une variante digue + viaduc  à l’utilité publique vide de sens !

IL EST URGENT ET D’INTERET GENERAL D’ARRETER LE MASSACRE, de reconnaître les erreurs commises et de les réparer en trouvant une alternative à la partie du chantier prévue en digue. Opter pour une alternative ne prendra pas plus de temps que les autorisations de carrières et surtout, sera moins destructeur.

Car oui, des alternatives existent pour cette portion en digue, qui permettraient au surplus de concilier, pour le véritable intérêt général, les deux enjeux majeurs de nôtre île : l’emploi et la préservation de notre environnement.

Madame le Ministre, Monsieur le Préfet, comme le disait le chef amérindien Seattle au 19ème siècle : "La terre n’appartient pas à l’Homme, c’est l’Homme qui appartient à la terre".
Alors sachons la protéger, la respecter et apprenons à nos enfants à le faire. C’est à nous de construire aujourd’hui le monde que nous leur laisserons pour demain.

C’est à vous, détenteurs du pouvoir décisionnel de faire les bons choix pour nos générations futures !

Stéphanie Gignan  présidente de l'association Lataniers Nout Ker d'Vie !

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