Courrier des lecteurs de Jean-Claude Comorassamy

1977 a été le vrai tournant de l'histoire de la pédopsychiatrie à La Réunion

  • Publié le 28 mai 2017 à 08:04

En 1977, il y a 40 ans le 1er pédopsychiatre arrivait sur l'Île.

Comment ne pas garder en mémoire l’évolution considérable de la prise en charge de la psychiatrie infanto-juvénile, avec les grandes opérations d’humanisations de lieux d’accueil et d’hébergements, les nombreux centres de consultations, des réels moyens en personnel à savoir des pédopsychiatres, psychologues, infirmiers, éducateurs, assistants sociaux, psychomotriciens et autres.

Or, dans un passé encore récent, les enfants présentant des diverses formes de psychoses infantiles étaient orientés vers l’hôpital d’enfants du père Favron de St-Louis. Ces mêmes enfants changeront de structure à partir 1956, pour intégrer soit l’établissement de Bois-d’Olive ou au" pavillon des femmes" à l’hôpital psychiatrique de Saint-Paul.

L’histoire nous enseigne qu’à cette époque devant le fort accroissement des besoins, par manque de places et des structures pour enfant souffrant des psychoses infantiles. Il y avait aucune hésitation à mettre ensemble des patients aux troubles neurologiques, des déficients et des psychopathologies graves et moins graves dans les mêmes bâtis de St-Paul ou de Bois-d’Olive.

10 ans plus tard, devant des difficultés manifestes, le projet de création d’un établissement de psychiatrie de l’enfant est devenu une urgence de santé publique. Les travaux démarreront en 1966 et s’achèveront en 1968 à côté de l’hôpital psychiatrique de Saint-Paul. Une structure Régionale nommée "pavillon des enfants". Ce premier service d’enfants/adolescents est encore bien visible sur l’ancien site et inoccupé suite au déménagement. A noter, que cette première structure pour enfants fêtera son demi-siècle d’existence l’année prochaine, aujourd’hui appelée "Unité Vanille".

Ainsi, tout laisse à penser que l’année 1966 a été les premiers balbutiements des consultations externes de psychiatrie infantile avec les psychiatres Jay et Noël. Et, c’est en 1968 que le "pavillon des enfants" ouvrit ses portes pour une capacité d’accueil prévue au départ pour 40 lits, modifié à 30 lits du projet initial, faute de moyen en personnel soignant. Une section de 15 lits dédiée aux filles de 6 à 16 ans et une autre aux garçons également  de 6 à 16 ans.

On a constaté, dès le début de l’ouverture de ce service d’enfants, un fonctionnement à plein régime, avec des pathologies allant des troubles caractériels, épileptiques, hystériques, psychotiques, trouble du spectre de l’autisme, des arriérés profonds et aussi des troubles neurologiques vivaient dans les mêmes lieux.

Rapporté aussi, des personnels soignants volontaires, mais d’aucune notion de pratique de pédopsychiatrie. En dehors des prises en charge pour l’aspect de soins corporel, de l’hygiène, des prises de médicaments et des prélèvements sanguins, des repas. Il y avait aussi quelques activités dans le cadre occupationnel le foot dans la cour, des jeux en salle, la musique… c’étaient le quotidien de ses enfants hospitalisés. Quant à la famille, les visites avaient été réservées qu’au dimanche avec des rencontres avec les soignants. Alors qu’une timide politique de secteur sera élaborée dès 1975 et c’est à ce moment précis que commenceront les premières visites des soignants à domicile mais de façon irrégulières.

Cependant, il fallut attendre qu’en 1977, pour voir débarquer à La Réunion le premier pédopsychiatre en la personne de M. Gilles Vauthier avec l'introduction d'une nouvelle vision thérapeutique d’abord à l'intérieur de l'hôpital et par la suite vers l’extérieur.

Dès son arrivée, un nouveau schéma thérapeutique a été mis en œuvre, qui marque aujourd’hui encore, le vrai tournant de la pédopsychiatrie. Avec une politique de secteur consolidée, la mise en place d’un travail partenarial avec les médecins généralistes, les écoles, les institutions spécialisées et surtout la famille. Une nouvelle conception qui a aussi redessiné les contours nourris d’un dispositif de formation visant à une spécialisation pour l’ensemble du personnel travaillant avec ses enfants, mais également des échanges réguliers avec des spécialistes venant de la Métropole appuyés par des concepts théoriques.

Cette nouvelle approche de soins s’est acheminée avec la création d’abord de 3 centres de consultations (St-Denis, St-André et St-Paul) et dans la même dynamique, la naissance d’un premier hôpital de jour de la pédopsychiatrie sur le site de St-Paul, qui a eu lieu en décembre 1978.

Une belle aventure que le premier pédopsychiatre M. Gilles Vauthier a conduit pendant 12 années jusqu’à 1989 avant de passer le flambeau de chef de service, à M. Jean Philippe Cravero, lui aussi pédopsychiatre de longue date qui a participé, accompagné et impulsé l’équipe dans cette dynamique d’innovation et de changement.

40 ans plus tard, le travail a porté ses fruits puisqu’aujourd’hui de très nombreuses panoplies de structures extrahospitalières (dispositifs soins en ambulatoire, de prévention…) existent sur toute l’Île, dans une organisation intersectorielle, dépendante pour plusieurs de l’EPSMR mais aussi du CHU.

En définitive, sans aucune prétention exhaustive, il s’agit de remonter une histoire de 40 ans, revisitée par quelques dates, dont le chemin parcouru en psychiatrie infanto-juvénile a été énorme voire extraordinaire pour La Réunion. Du quel M. Gilles Vauthier, M. Cravero et bien d’autres ont été des acteurs principaux dans l’essence même de nos missions, de "prendre soin" et de "soigner mieux". Nul ne doute que cette évolution gravée dans le marbre du temps, continuera encore à se développer dans les prochaines décennies.

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