Tribune libre de Huguette Bello

Question sur les projets de loi sur la moralisation de la vie publique

  • Publié le 25 juillet 2017 à 17:39

L'Assemblée nationale a commencé ce lundi 24 juillet 2017 l'examen des projets de loi visant à rétablir la confiance de la vie publique. La députée Huguette Bello est intervenue dans ce débat à la tribune de l'hémicycle dans le cadre de la discussion générale. Voici l'intégralité de sa question

 

Depuis 1988, pas moins de trente lois ont été adoptées visant à prévenir, à supprimer et à sanctionner les pratiques qui entachent la vie politique et défigurent la démocratie.

Au cours de ces quatre dernières années, plusieurs structures ont vu le jour aux seules fins de renforcer l’articulation entre éthique et action publique. La Haute autorité pour la transparence de la vie publique, le Parquet national financier, l’Agence française anti-corruption mais aussi de nouvelles règles déontologiques existent désormais pour répondre aux attentes légitimes des citoyens à l’égard de ceux qui les représentent.

Pourtant si l’on se réfère à l’abstention massive et inédite des deux derniers scrutins, ou encore à la perception des Français sur la corruption dans le monde politique, ces avancées réelles ne paraissent pas suffire à inverser le mouvement de défiance vis à-vis des responsables publics et singulièrement des élus nationaux.

La question se pose donc inévitablement à nous quand nous songeons à l’impact des deux textes que nous examinons et à leur capacité à rétablir la confiance dans l’action publique. Si l’on en croit le Président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, les mesures proposées s’inscrivent " dans des filiations claires " et le texte s’apparente à nouveau à une " loi d’ajustement ", surtout après la suppression de toutes les avancées proposées par les sénateurs.

C’est pourquoi si nous adhérons aux principes qui sous-tendent cette nouvelle réforme, et si nous soutenons la volonté de renforcer les garanties de probité chez les élus, de mieux prévenir les conflits d’intérêts ou encore d’actualiser les règles de financement des partis politiques et des campagnes électorales, nous regrettons que les projets de loi n’intègrent pas (ou plus) la lutte contre l’influence des grands intérêts industriels ou financiers dans la vie publique. Ce texte est une occasion idéale pour en finir, une fois pour toutes, avec la pratique très décriée du pantouflage. Il nous revient, à nous députés, de la saisir pour limiter drastiquement les allers-retours entre haute administration et sphère politique, pour mettre fin à cet usage d’un " entre-soi " si favorable aux conflits d’intérêts.

La crise de confiance atteint de tels sommets qu’elle interdit tout faux semblant. Nous devons admettre que son ampleur est aussi le résultat de tant et tant de promesses non tenues, de chômage, de mal logement, de précarité.

Nul besoin d’être grand clerc pour deviner la colère et la méfiance qui animent, en ce moment, ces dizaines de milliers de jeunes bacheliers dont l’entrée dans l’enseignement supérieur a été rendue aussi injustement chaotique. Et quand de surcroît, le gouvernement diminue les aides au logement, c’est quasiment une confiance aveugle qu’il demande aux millions de Français concernés.

Par ailleurs, bien que la priorité soit évidemment, aujourd’hui, de sauvegarder le volume des contrats aidés, les modalités de gestion et d’attribution n’en demeurent pas moins critiquables et délétères pour la vie démocratique. Surtout en situation de chômage massif comme à la Réunion. Je continue donc à plaider pour une plus grande transparence et pour la mise en place d’une sorte de " Pôle emploi solidaire ".

Vouloir retrouver la confiance de nos concitoyens en ignorant l’accroissement des inégalités et ses conséquences sur l’existence du plus grand nombre risque d’être un vœu pieux. Les écarts de rémunérations, les licenciements boursiers sont à la limite du supportable pour la cohésion sociale, pour les investissements et pour la croissance elle-même. Là encore, il nous revient d’agir. Par exemple, en poursuivant ce que nous avons commencé à faire, à la fin de l’année dernière, pour limiter les onéreuses dérives de la défiscalisation des actions gratuites pour le budget de la Nation.

C’est parce que ces questions liées aux déréglementations, notamment dans la finance, seront au cœur de la décision politique que les dispositions de ces projets de loi (et de ceux qui les ont précédés) trouveront leur pleine efficacité et rempliront l’objectif qui leur est assigné.

Ainsi de la suppression de la réserve parlementaire et surtout de la reconversion des 150 millions d’euros qu’elle représente.

Ainsi également de l’interdiction des emplois familiaux qui est presque devenue l’emblème de cette nouvelle réforme pour la confiance. Plus fondamentalement, cette mesure renvoie à l’absence de statut des collaborateurs parlementaires et met en évidence le vide juridique qui entoure toujours cette profession, quarante ans après son apparition. Nos collaborateurs font partie des 2% de salariés français non couverts par une convention collective. Le droit commun leur est souvent difficilement accessible, notamment en matière de licenciement. Nous devons, en tant que député mais aussi en tant qu’employeur, créer, à l’occasion de cette loi ; les conditions en faveur d’un véritable statut et d’une convention collective et, permettre par là-même, de limiter les dérives.

Nous savons que loin de rassurer les citoyens, l’ " inflation législative " aggrave leur défiance. Ce constat oblige, a fortiori dans une loi sur la confiance, à adopter, des règles juridiques claires, stables et générales. Il rend indispensable de renforcer les moyens d’investigation des différentes autorités anticorruption. Il suppose de reconnaître le dévouement et la dignité avec lesquels la très grande majorité des élus servent l’intérêt général, notamment en consacrant un véritable statut de l’élu.

Huguette Bello

 

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