Tribune libre de Huguette Bello

Le budget pour les Outre-mer examiné à l'Assemblée nationale

  • Publié le 1 novembre 2017 à 07:53
  • Actualisé le 1 novembre 2017 à 07:59

L'Assemblée nationale a commencé à examiner mardi 31 octobre le budget pour les Outre-mer dans le cadre de la procédure de la commission élargie. En tant que rapporteure de La Réunion pour avis de ce budget, Huguette Bello est intervenue lors de cette réunion. Nous publions ci-dessous l'intégralité de son intervention :

Je ne reviendrai pas sur la présentation détaillée du budget qui vient d’être faite. Sauf pour évoquer les effets de périmètres d’une année sur l’autre qui compliquent la lecture du budget mais surtout entachent la sincérité de l’exercice. La confiance dans la politique se joue aussi à ce niveau.

Inscrire le temps d’un Bleu budgétaire le financement de mesures qui, dès après le vote, est rétabli dans leur mission de rattachement est une ruse budgétaire qui doit être bannie. Le financement en faveur des établissements du second degré en Nouvelle-Calédonie, à Mayotte et en Polynésie Française a ainsi été voté, l’an dernier, dans la mission Outre-mer pour ensuite être rapatrié vers la mission Enseignement scolaire dès janvier, donc dès le début de l’exercice budgétaire.

Madame la ministre, ces jeux d’écriture sont très désagréables pour les parlementaires et pour les citoyens, puisque qu’ils ne servent qu’à embellir les chiffres que l’on trouve disgracieux. Nous comptons sur votre vigilance pour nous épargner cette cosmétique budgétaire.

Dans le budget pour 2018, deux lignes sollicitent forcément notre attention.
Je dois d’abord constater, avec une inquiétude largement partagée sur nos rangs, une diminution de 20 millions d’euros de la ligne budgétaire unique.
Je sais que vous renvoyez vers l’ANAH pour compenser la forte baisse (-80%) des aides à l’amélioration de l’habitat privé. Mais le budget de l’ANAH n’augmente pas davantage que le nôtre, et rien ne figure expressément dans ses lignes directrices qui vienne appuyer ces pétitions de principe.
Madame la ministre, comment allons-nous réellement financer la rénovation des logements ultramarins?

Je note par ailleurs que vous comptez sur la cession des SIDOM pour abonder la LBU de 20 millions. Ils seront donc destinés à compenser la baisse des crédits en 2018 et non pas, selon les engagements pourtant constants de l’Etat, à " soutenir la politique du logement social en Outre-mer ".

Je veux maintenant évoquer la continuité territoriale et le financement de LADOM. Pour la deuxième fois en trois ans, le budget de cette agence baisse fortement. Après la diminution drastique de l’aide à la continuité territoriale (l’ACT est passée de 27 à 5 millions) justifiée alors par la volonté de recentrer le dispositif sur la formation en mobilité, c’est à présent la formation professionnelle en mobilité elle-même qui se trouve amputée de 8 millions. Cette évolution tourne le dos à la fois à l’ambition présidentielle en la matière et aux nouveaux défis portés par la loi égalité réelle.

Selon une tradition désormais bien établie, chers collègues, l’avis élaboré au titre de la Commission des lois porte sur une thématique particulière. Il y en a cette année trois, car nous sommes aussi gouvernés par l’actualité : la loi ÉROM, la Nouvelle-Calédonie et Irma.

La première thématique porte sur l’entrée en application de la loi sur l’égalité réelle outre-mer votée en février dernier à l’unanimité tant par les députés que par les sénateurs. C’est peu dire qu’elle contient des mesures très attendues. C’est une loi qui se voulait fondatrice et qui devrait inaugurer un nouveau cycle de relations entre les outre-mer et l’Hexagone. Hélas, il y a encore loin de la volonté aux actes.
D’une part, toutes ces nouvelles mesures nécessitent plus que des bons sentiments. Elles doivent être financées en tant que telles, et non pas venir mordre sur les maigres ressources consacrées aux politiques déjà en place. C’était ma critique de la stagnation budgétaire.

D’autre part, pour que la loi s’applique, il faut prendre des décrets et des arrêtés d’application. En huit mois, le Gouvernement en a publié 3 sur les 31 recensés par Légifrance. Moins de 10 % ! Evidemment on pourrait arguer des processus électoraux de 2017 pour justifier un tel retard sauf que ce retard est plutôt spécifique aux Outre-mer. En effet, le taux d’application de la loi Égalité et citoyenneté, une autre grande loi, promulguée à un mois d’intervalle est autrement plus conséquent : 55 %, toujours selon Légifrance !
Je ne mentionnerai que pour mémoire les deux rapports que le Gouvernement devait remettre avant la fin août, ainsi que l’ordonnance de régularisation foncière de Mayotte, qui doit être publiée au plus tard le 28 novembre et qui ne le sera probablement pas.
Madame la Ministre, que faut-il en déduire ? Comment aborder les Assises des Outre-mer devant une telle toile de fond ?

La deuxième thématique est relative à la Nouvelle-Calédonie où l’action de l’État s’est nettement améliorée depuis une trentaine d’années. Les événements sanglants des années 1980 ont été enrayés ; les populations kanak ont enfin été intégrées au monde économique et à la société politique ; le fonctionnement du territoire en trois provinces donne satisfaction ; la croissance économique a été au rendez-vous, même si la crise du nickel rend désormais les choses difficiles.

En 2018, le temps sera venu de sortir de l’accord de Nouméa, qui se définissait lui-même comme une étape de transition, et de tenir la consultation sur l’accès de l’archipel à la pleine souveraineté. Je sais le sujet sensible. Je sais aussi qu’il appartient pleinement aux Calédoniens. L’État devant se borner à créer les meilleures conditions possibles pour le dialogue et, surtout, tout faire pour éviter qu’une des parties se sente flouée ou, pire, humiliée.
Madame la Ministre, pouvez-vous nous présenter les enjeux du prochain comité des signataires ? S’il souhaite engager une ultime révision de la liste électorale spéciale, ce que le Conseil d’État juge possible, saisirez-vous rapidement le Parlement d’un projet de loi organique en ce sens ?

Je conclus avec les conséquences d’Irma sur Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Je veux d’abord saluer le courage de nos compatriotes qui ont affronté un cataclysme exceptionnel. Loin des polémiques, il faut dire que les autorités de l’État et les conseils territoriaux ont réagi efficacement face au sinistre. L’expérience nous enseigne toutefois que nous aurions pu mieux faire, et c’est ce sur quoi j’aimerais vous interroger. Comptez-vous faciliter l’enfouissement des réseaux dans les zones cycloniques et doter les territoires concernés d’abri anticyclonique ?

Selon le président de la Collectivité de Saint-Martin, il est important de disposer d’un navire de type BPC sur les zones sinistrées. Ces navires sont basés à Toulon. Allez-vous vous rapprocher de la Marine nationale pour qu’ils soient prépositionnés à proximité du territoire touché dès lors que le phénomène est annoncé par les météorologistes ?

Enfin, pour conclure sur un chapitre à nouveau budgétaire, comment comptez-vous soutenir les collectivités et les entreprises des îles touchées ? Leur saison touristique est perdue. Il y aura de grosses difficultés économiques à traverser. Le chômage risque d’augmenter. Comptez-vous sortir des règles du droit commun et adopter des mesures à la hauteur de ces événements exceptionnels ?

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