Tribune libre de Julien Lebrun

Paillotes déor !  Et après, à qui le tour  ?

  • Publié le 10 février 2018 à 14:00

Les débordements qui se sont produits le 4 février à l'Hermitage lors de la mobilisation contre la privatisation de la plage traduisent-ils un phénomène nouveau? On le sait, certains individus s'en  sont pris ce jour-là à des " zoreys " et à des touristes en leur conseillant de rentrer dans leur pays. Le discours des divers collectifs qui se sont emparés de ce thème laisse peu de place au doute, l'accent y est surtout mis sur une défense du mode de vie créole qui serait menacé par les " exogènes ", comprendre " les métros ". (Photo d'illustration)

 

Au départ il y avait un simple collectif de riverains animé par un ancien élu de Saint-Paul, lui-même riverain, qui protestait surtout contre le bruit occasionné par quelques restaurants installés sur la plage. Très vite cependant, le mouvement prend de l’ampleur et en vient à pointer avec raison l’illégalité des constructions sur le domaine public maritime.

On ne peut que se féliciter de voir  d’anciens élus de Saint-Paul découvrir le phénomène d’accaparement de l’espace public que la SREPEN dénonce, elle, depuis des années.

Mais ce collectif de riverains transformé depuis peu en une " Union des Réunionnais en colère " aborde le problème sous l’angle exclusif d’un " communautarisme créole ", ce qui permet à des organisations  identitaires de se joindre au mouvement en se focalisant uniquement sur la présence trop marquée selon elles, des métropolitains installés sur le littoral ouest comme en témoigne l’urbanisation croissante à Saint-Gilles mais aussi à Carrosse, Roquefeuille, etc.


Ce qui fait qu’on a d’un côté, ceux qui veulent mettre en cause le maire actuel accusé d’avoir accordé des autorisations temporaires à ces restaurants et de l’autres, des gens qui n’hésitent plus à brandir le spectre du colonialisme pour dénoncer la " métropolisation " du littoral. Quoiqu’il en dise, l’initiateur du mouvement est désormais dépassé par son succès,  la préservation du littoral sert de prétexte aux activistes identitaires à mobiliser pour des motifs qui n'ont plus rien à voir avec la protection de l'environnement.

On ne peut s’empêcher de voir le lien qui s’est d'ailleurs  établi entre cette " Union des Réunionnais en colère " et les  militants d’un " comité pour la conscientisation des Réunionnais ". Ce " comité " multiplie depuis quelques semaines des conférences intitulées " Le Grand Remplacement " dans lesquelles, l’animateur, un enseignant d’éco-gestion, affirme que les créoles sont en train d’être " remplacés " sur le territoire réunionnais  par des métropolitains de plus en plus nombreux !

L’appellation " Grand Remplacement " n’est d’ailleurs pas neutre, elle renvoie directement à une théorie conspirationniste développée par l’extrême droite en France qui vise à accréditer l’idée que les Musulmans seraient en train de " remplacer " les Française " de souche " sur le territoire national.

Cette théorie est notamment propagée par l’écrivain  Renaud Camus favorable à l’apparition d’un mouvement français  calqué sur Pegida, ce parti politique xénophobe qui en Allemagne veut chasser les immigrés. C’est  pourquoi il est étonnant  de voir que ces conférences d’un genre très particulier se déroulent aujourd’hui dans des mairies, à Saint-Benoît, Saint-Pierre, Sainte-Marie, et bientôt à la mairie de Saint-Denis, classée à gauche.

Pourtant les chiffres de l’INSEE contredisent cette propagande grossière puisque  84 % des habitants de la Réunion sont nés sur l'île ce qui fait de notre territoire l’une des régions de France où il y a le moins d’arrivants. Mais voilà, Marine Le Pen a atteint, voire dépassé, les 50% des voix au second tour de l’élection présidentielle dans de nombreuses communes,  "le temps de l'innocence" où toutes les communautés vivaient en relative harmonie semble révolu.

Or, si les " zoreys " ne représentent que 10 % de la population, ils sont surtout concentrés sur le littoral ouest. On comprend maintenant pourquoi, alors que les constructions illégales sont si nombreuses sur tout le littoral,  la mobilisation ne se concentre que sur la plage de l’Hermitage et ne vise que les établissements supposés fréquentés par des métros. On veut mettre les  "paillotes déor", soit, mais après, ce sera au tour de qui ?
 
Julien Lebrun

guest
1 Commentaires
John
John
6 ans

Au tour de tous ces lieux de culte empiétant sur le domaine maritime et publique, décorés de statuettes menaçantes, faisant et panneaux de propriété privé, sensés éloigner tous ceux qui veulent passer par là.
Assez de cet accaparement de terrains publies, à des fins privées !