Tribune libre de Christopher Moltisanti

Réponse à Monsieur Daniel Lauret

  • Publié le 15 mars 2018 à 10:02

Monsieur Lauret, une seule chose intéressante dans votre courrier : vous estimez que les chiffres publiés par Monsieur CADET devraient être soumis à une contradiction scientifique. Si vous souhaitiez être pertinent, je me permets de vous dire que vous auriez dû vous attacher à cela mais vous en êtes bien incapables, à prori, ou pas... Démontrez-le ou faîtes le démontrer. Au lieu de casser ces chiffres, vous usez d'un panel d'arguments loin justement du scientifique, proche par contre du " roulage de carri sous d'riz " lorsqu'on ne peut contre-argumenter sur le coeur du sujet, c'est à dire les chiffres avancés (Photo d'illustration)

Vous évoquez :  

- L'ambiance meeting (chacun ses goûts en matière d’ambiance.).
- Une menace qui serait brandie sans arguments (ll y a les chiffres justement.).
- Le chômage des jeunes expliqué par le seul facteur préférence métropolitaine (c’est bien de reconnaître que c’est un facteur, personne n’a dit que c’était le seul. Il ne tient qu’à vous de vous attaquer aux autres facteurs.).
- Le colonialisme serait aujourd’hui le capitalisme (vous avez déjà entendu parler du néo-colonialisme ? Ne serait-ce pas vous qui pour le coup expliqueriez tous les problèmes par le capitalisme ? Votre capitalisme semble faire un tri de couleur au moment de lancer sa machine, l’adoucissant s’appelle le néo-colonialisme. Votre capitalisme paie mieux les hommes que les femmes, l’adoucissant s’appelle le sexisme. Feindre de ne pas le voir s’appelle le négationnisme.).
- C’est aux réunionnais de changer de posture (d’accord avec vous, c’est précisément ce que les chiffres de monsieur CADET pourraient amener, pas votre courage consistant à étouffer l’oiseau dans l’œuf)
- Les dérapages de la salle (d’accord avec vous mais cela ne diminue pas l’ampleur des chiffres.).
- Le programme politique attendu pour le soumettre au vote des réunionnais (peut être, ou pas, et pourquoi pas ?).
- Le danger du communautarisme (15% de la population vivant majoritairement sur la côte ouest pratiquant très majoritairement le monolinguisme contre 85% composé de 5 branches ethniques cohabitant harmonieusement, je vous laisse deviner où sont les potentielles dérives communautaires.).
- La nécessité pour le réunionnais à continuer à se métisser (une composante de la population ayant une croissance bien plus importante que les autres, est-cela le métissage ? Vous souhaitez peut-être laver plus blanc que blanc ? Vous semblez en connaître un rayon en matière de lavage…).

Pour conclure, je dirais que votre tribune vire dans le " tone policing ", tendant à détourner les faits, décrédibiliser le message sans s’attaquer à son cœur : les chiffres. Cette pratique est très courante pour anéantir toute tentative d’émancipation justifiée par des faits, des chiffres. Pourquoi ? Chacun jugera en son âme et conscience. Nul besoin de faiseurs d’opinions sans arguments si ce n’est des citations empruntées ici ou là pour faire " genre ". Au final, ça fait kitch… À mon humble avis.

Concernant les chiffres, je n’ai pas la base de données de M. Cadet. Mais je serais ravi d’avoir vos chiffres contradictoires sur ceux de M. Cadet et sur les faits que je vais énumérer :

- Génocide par substitution: Césaire parlait en son temps de génocide par substitution. Par un panel de mesures pseudo-légales, on dégage le réunionnais pour faire place au métropolitain. Entre 1946 et 1999, le nombre de non-natifs (presque 100% métropolitains) est passé de 5450 à 98023, il a été multiplié par 18. Dans le même temps, la population native ne progressait que de 13% (Source:  Franck Temporal). Aujourd'hui, les non-natifs représentent environ 120000 personnes. Elles pourraient être 300000 en 2070. Ce processus de remplacement n'est pas sans rappeler le sort des kanaks ou des amérindiens.

- Préférence métropolitaine: Aujourd'hui le processus tourne à fond les ballons bien aidé par le Cnarm. Une masse mais aussi les plus brillants s'en vont. Résultat, chiffres de l'lnsee vérifiables: 70% de cadres de l'île sont natifs de la métropole et nos jeunes diplômés ont le choix entre être sous employé ici ou là bas. Les secteurs de la justice et du journalisme sont édifiants: 94% et 85% de non-natifs.

- Gentrification (source Wiki!!!): phénomène urbain par lequel des personnes plus aisées s'approprient un espace initialement occupé par des habitants ou usagers moins favorisés, transformant ainsi le profil économique et social du quartier au profit exclusif d'une couche sociale supérieure.

A La Réunion, ce processus est doublé d'une touche "ethnique", le métropolitain devenant majoritaire dans certains espaces alors qu'il représente 15% de la population sur l'ensemble du territoire. Saint-gilles est particulièrement représentatif de ce phénomène avec les anciens habitants du chemin Lacroix qui ont été délogés dans les années 80. Ceux qui sont encore saint gillois sont établis à Carosse mais tendent à être dégagés comme engloutis par une vague qui monte du centre ville et une autre qui descend de Rocquefeuil.

Ce phénomène plus que trentenaire a pu passer inaperçu. Il est visible en vitesse accéléré à Saint Leu et Terre Sainte. D'autres poches attractives se dessinent un peu partout sur la côte ouest/sud conduisant progressivement le réunionnais à être minoritaire dans certains quartiers alors qu'il représente 85% de la population sur l'ensemble du territoire.

Christopher Moltisanti

guest
4 Commentaires
MICHOU
MICHOU
5 ans

Quand mes commentaires ne sont pas publiés à ce sujet dommage

Grandmoune
Grandmoune
6 ans

bonjour Mr hier j ai donne mon avis je vois qu il est pas publié liberté d expression pour tous non ertcpas pour certain (Cher Grandmoune, nous n'avons trouvé aucune trace de votre commentaire - webmaster)

Mariline
Mariline
6 ans

Puisque mon commentaire n' a été retenu comme étant "digne" de passer dans votre rubrique Tribune Libre, auriez-vous la gentillesse de me le renvoyer à mon adresse mail ci-dessus. Merci.

Mariline
Mariline
6 ans

Merci Monsieur Christopher Moltisanti d'avoir remis les pendules à l'heure concernant ce courrier de Mr Daniel Lauret qui exprime tant de mépris, de haine et de contre-vérités. Puisqu'il fait référence à SENGHOR et à JP SARTRE je me permets moi aussi de dire quelques phrases de ces personnages.
D'abord Senghor, tout le monde connaît ses trahisons et ses méfaits dans les pays d'Afrique de l'Ouest. Tout le monde connaît aussi son admiration , proche de la soumission, pour la langue française.: " ... parce que nous sommes des métis culturels, parce que si, nous sentons en nègres, nous nous exprimons en français, parce que le français est une langue universelle; parce que le français est une langue de gentillesse et d'honnêteté. ... car je sais ses ressources pour l'avoir goûté, mâché, enseigné, et qu'il est la langue des dieux... Et puis le français nous a fait don de ses mots abstraits- si rares dans nos langues maternelles-, où les larmes se font pierres précieuses. Chez nous les mots sont naturellement nimbés d'un halo de sève et de sang; les mots du français rayonnent de mille feux, comme des diamants. Des fusées qui éclairent notre nuit.
Sartre lui disait: " Pour aimer les hommes, il faut détester fortement ce qui les opprime" Il disait bien "ce" et non "ceux". Je n'ai pas envie de ne citer que des petites phrases "savantes" par-ci, par-là"mais j'aimerais enfin, que "ceux" qui "détiennent " le savoir soient un peu plus objectifs et arrêtent de ne donner que les "belles paroles" de ces personnes qu'ont veut à tout prix nous faire admirer tels les Voltaires, Hugo pour ne citer qu'eux.
Cette phrase de Sartre, avec laquelle je suis d'accord, nous amène à réfléchir sur le "problème réunionnais-zorèy" ici. Depuis des années nous n'arrêtons pas de dire qu'il ne s'agit pas d'un problème de personnes mais du problème que nous impose le système néo-colonialiste qui sévit ici à la Réunion. Et puis ne dit-on pas sur tous les tons que les Réunionnais sont " gentils"? Gentils et naïfs au point d'avoir toujours cru en la "grandeur" d'un système qui nous opprime depuis les débuts mêmes de l'existence de notre peuple.
Je voudrais encore reprendre mes citations car elles sont l'envers de celles de donneurs de leçons universalistes, car il faut qu'on entende d'autres voix, d'autres pensées, d'autres expériences et analyses.
Léon BLOY ( La France colonisatrice- 1981 ) écrivait " L'histoire de nos colonies, surtout en Extrême-Orient et en Afrique, n'est que douleur, férocité sans mesure et indicible turpitude"
Jean Ziegler sociologue émérite: " Toujours et partout, la destruction de la culture, de l'identité singulière, de la mémoire et des liens affectifs du dominé aura obsédé les Occidentaux".
Et, une petite dernière pour la route: elle est de Gilles Elia dans Libération du 21 Février 2008:" Le dernier moment de la colonisation consiste à coloniser l'histoire du colonialisme". Toutes ces analyses viennent d'Occidentaux eux-mêmes. Je pourrais en faire autant venant de penseurs, de philosophes africains ou latino-américains mais l'on dirait que je ne suis pas "objective"!. Et je reviens au courrier de Mr D. Lauret et son poème sur Joseph il a sans doute raison de dire comme Albert MEMI ( portraits du colonisateur suivis des portraits du colonisé ) que sans colonisés il n'y aurait pas de colonisateurs et c'est bien ce que nous aimerions faire comprendre à nos soeurs et frères réunionnais. Cependant, il devrait bien le savoir lui, qui a fait éditer le Rapport Morizot suivi du Testament de Madame DESBASSYNS, que cela ne peut être appliqué à la condition d'esclave! C'est à ne plus savoir que penser de ce qu'il voudrait nous faire comprendre, nous faire entendre?
Dernière petite "méditation" avant de finir: que veut dire Mr Lauret quand il écrit: "... et la foule qui rit. Jaune!"
J'ose espérer que mon commentaire ne sera pas censuré. A bon entendeur, salut!

Mariline Dijoux.