Tribune libre de Dominique Rivière

Eduquons nos enfants comme de futurs citoyens

  • Publié le 19 mars 2018 à 10:30
  • Actualisé le 20 mars 2018 à 04:37

Certains ont cru devoir réagir au nom des " traditions réunionnaises " à une lettre du Recteur de l'académie de la Réunion rappelant, sans innovation notable, les règles de la laïcité républicaine dans les établissements scolaires. C'est méconnaitre à la fois les traditions réunionnaises, dont personne ne peut se prétendre le conservateur patenté, et notre commune règle laïque qui pour n'être pas juridiquement d'origine réunionnaise, a largement fondé notre " vivre ensemble " dans cette île qui porte le beau nom révolutionnaire de R-E-U-N-I-O-N.

Si notre tolérance religieuse ou inter-convictionnelle réunionnaise peut être vantée comparée à la situation d’autres pays, il paraît utile de rappeler d’où elle vient. L’on peut distinguer deux sources d’égale valeur.

D’une part, dans des conditions historiques et sociales parfois douloureuses mais partagées par le plus grand nombre, les réunionnais ont appris à faire se côtoyer et parfois se mélanger des croyances venues d’ailleurs, inventant ainsi avant l’heure un dialogue inter-religieux qui n’avait nul besoin de caution officielle, alors même qu’il pouvait heurter les préceptes de telle ou telle religion établie.

D’autre part, notre tolérance religieuse provient de l’école publique, laïque et obligatoire et de la loi de 1905 fondant notre laïcité républicaine.

C’est ainsi qu’un siècle après l’abolition de l’esclavage, au sortir de la 2ème guerre mondiale, sous l’influence notable de la Ligue des Droits de l’Homme à la Réunion, les Réunionnais ont choisi de sortir du régime colonial pour entrer dans la République avec ses promesses de liberté, d’égalité et de fraternité, et sa règle de la laïcité.

Sans doute, pour se concrétiser, et nous l’avons éprouvé, ces promesses ont besoin de notre participation, de notre engagement citoyen.

Faudrait-il, pour donner une suite à cet historique réunionnais et républicain, que chacun fasse sa propre école fondée sur ses croyances ou incroyances familiales ou sur ses pratiques religieuses ou culturelles ? Faudrait-il renoncer, au nom des traditions, à former ensemble des citoyens capables de porter un projet commun ? La Réunion serait-elle à l’abri de ces replis identitaires engendrant partout les extrémismes qui prétendent imposer leur loi au nom de la " souche ", de l’origine, du sang ou de la " race ", des " racines " ou de telle lecture archaïsante de préceptes religieux ? Trouverait-on demain une lecture optimale des traditions réunionnaises dans l’essentialisation des différences, chacun se définissant d’abord comme de telle origine ou religion ? Serait-ce la leçon à retenir de notre histoire singulière pour consolider notre vivre ensemble ?

N’est-il pas plus sage, comme nous l’avons appris à le faire, d’éduquer en commun nos enfants et pour cela, de se départir dans l’espace public de l’école de tel ou tel signe distinctif pour reconnaître d’abord ce qui réunit nos enfants comme futurs citoyens et citoyennes et non comme représentants de telle ou telle communauté.

N’est-il pas temps de reconnaitre concrètement, sans distinction d’origine, de religion ou de conviction que nos enfants participent ensemble, selon l’expression de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, à la grande " famille humaine " ? Serait-ce là une atteinte à nos " traditions ", ou leur traduction actuelle librement consentie ?

Contrairement à une formulation plus polémique que pacifiante, il n’existe pas une " laïcité à la réunionnaise ". La règle laïque est la même pour tous, c’est ce qui garantit notre égalité et notre liberté en tant que citoyens. Et nous permet chaque jour d’inventer de la Fraternité.

Il ne s’agit pas de sauter sur sa chaise comme un cabri en criant " laïcité ceci, laïcité cela ". Il s’agit de faire vivre, ici et maintenant, les valeurs et principes de la République. Cet engagement est non seulement conforme à nos traditions, il porte en lui un projet parfaitement " réunionnais ".

Dominique Rivière

 

 

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