Les Outre-mer oubliés

Grand débat, grande indifférence

  • Publié le 15 janvier 2019 à 03:00
  • Actualisé le 24 janvier 2019 à 07:36

Pendant un peu plus de deux semaines, La Réunion a été bloquée, paralysée par le mouvement des Gilets Jaunes, comme nulle autre région en France. Injustice, vie chère, sentiment d'être méprisé et oublié par un président jupitérien... Les parfaits ingrédients pour une véritable révolte sociale. Et pourtant... et pourtant, Emmanuel Macron n'a eu pas un mot pour La Réunion, pas un mot pour les Outre-mer dans sa longue lettre de cinq pages. Alors que le Grand Débat national est lancé aujourd'hui, mardi 15 janvier 2019 et pour deux mois, qu'espère-t-on de ces discussions? Imaz Press a posé la question à cinq personnes : Valérie et Sergine du collectif "Tous unis pour La Réunion - coordination des gilets jaunes", Stéphane Fouassin maire de Salazie et président de l'Association des maires du Département de La Réunion (AMDR), Didier Bourse de l'association Attac Réunion et Cécile Herbelin de Touch pa Nout roche.

• Un "enfumage" où La Réunion est oubliée

"C’est un grand débat hypocrite. L’aboutissement sera la création de commissions qui auront pour seul résultat de ralentir les réelles réponses d’un mouvement qui est d’ampleur." Didier Bourse, membre d'Attac Réunion (Association pour la taxation des transactions financières et pour l'action citoyenne) ne mâche pas ses mots lorsqu'il parle de la grande consultation nationale. En citant les précédentes interventions d’Emmanuel Macron, le militant considère que ce débat ne sera qu’un "enfumage" supplémentaire. "L’un des mouvements les plus forts des Gilets Jaunes était à La Réunion, poursuit-il. Déjà dans sa première intervention, Emmanuel Macron n’a donné aucun signe en direction de l’île. Aujourd’hui, dans sa lettre, on aurait pu s’attendre à une intention particulière pour les Outre-mer, et il n’en a fait aucun cas. Cela ne fait que renforcer l’idée qu’Emmanuel Macron ne veut pas entendre. Il veut une stratégie d’évitement sur la situation des Gilets Jaunes."

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La lettre d'Emmanuel Macron ne serait-elle pas un coup de comm' supplémentaire pour calmer les esprit ? Pour Valérie et Sergine, du collectif "Tous unis pour La Réunion - coordination des gilets jaunes", ce débat n'est qu'un "leurre, et c'est une évidence. Nous ne serons pas entendus et pourtant notre île a des spécificités. Comment La Réunion pourra-t-elle être représentée ?" se demandent-elles. Les deux femmes se disent "agacées par le manque d’action et le manque de réaction de l’État. Ce grand débat, comme le Conseil citoyen consultatif mis en place par la Région Réunion de Didier Robert, n’est pas décisionnel."

Du côté de Cécile Herbelin, du collectif Touch pa Nout roche, ce sont les mêmes discours. Elle ne place que guère d'espoir dans ce Grand Débat national. "Un grand débat c’est très bien. Donner la parole aux français c’est très bien. Si c’est pour ne rien écouter, à quoi ça sert ? Nous ne sommes jamais entendus. Dès que la population donne son avis, elle n’est pas suivie et l’exemple de la carrière de Bois Blanc est flagrant. La politique de ce gouvernement est de faire parler les gens, et c’est tout. Il considère qu’une fois que nous avons vidé notre sac, tout va mieux."

Maire de Salazie et président de l’Association des maires de La Réunion, Stéphane Fouassin est plus optimiste. "Vouloir écouter la population est une excellente chose… mais après, il faut que cela se traduise par des actions," estime-t-il. Il reproche à Emmanuel Macron de ne pas assez être à l'écoute des élus : "Quand nous ne sommes pas entendus, le peuple va dans la rue."

• Des sujets autorisés et des sujets tabous ?

Fatiguées, Sergine et Valérie ne retiennent de la lettre d'Emmanuel Macron que l'absence, ou plutôt l'interdit d'un débat autour du rétablissement l'ISF (Impôt de Solidarité sur la Fortune). Le chef de l'Etat a en effet pris soin de cadrer dans les cinq pages de sa missive, la consultation nationale. Il propose ainsi 32 questions réparties sur quatre grands thèmes : la fiscalité, la transition écologique, l’organisation de l’État et la démocratie. Et alors qu’il assure que tous les sujets seront abordés et qu’"il n’y a pas de questions interdites", il écrit quelques lignes plus loin qu’il ne sera pas question de revenir sur la suppression de l’ISF…

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Des sujets semblent être autorisés et d’autres, ceux qui fâchent, sont tabous. "C’est une censure, critique Cécile Herbelin. Si nous sommes obligés de débattre sur des sujets qui ne représentent pas notre quotidien et la réalité de notre situation… je ne vois pas à l’intérêt." Pour Stéphane Fouassin, "Tous les sujets doivent être abordés. Nous ne pouvons pas occulter les difficultés rencontrées par la population."

• "Cahiers de doléances"... "dolé" quoi ?

Des sujets et des difficultés racontés sur les fameux "cahiers de doléances"... mais si, vous savez ces registres accessibles dans la mairie de votre commune et sur lequels vous pouviez inscrire vos revendications ? Ah oui, à La Réunion, ils étaient plutôt discrets... ils n'ont pas vraiment eu d'échos... Ce sont les gilets jaunes, eux-même qui se sont organisés pour rassembler les paroles des citoyens, via une plateforme Internet ou les récoltant directement. Une méthode qui a très bien fonctionné puisqu'en une semaine, 2.028 contributions et 53.177 votes de la part des 5.003 inscrits ont été récoltés. "A Salazie nous avons choisi de recevoir directement les doléances de la population, explique Stéphane Fouassin. C’est beaucoup plus simple que de mettre en place qu'un "cahier de doléances" où la population doit se déplacer… Tout le monde peut me contacter : via Facebook, par téléphone, par mail… Nous étions ainsi en contact, direct et nous pouvions répondre à certaines questions qui correspondaient à nos compétences."

• Un débat redondant par rapport aux Assises des Outre-mer ?

Réunionnisé, ce grand débat ne sera-t-il pas identique aux Assises des Outre-mer ? Promesse de campagne Emmanuel Macron  les Assises des Outre-mer sont lancées en octobre 2017. Près de 25.000 personnes participent dans plus de 5.000 ateliers dans la France ultramarine. Résultat : Un Livre bleu, synthèse des travaux, une sorte de feuille de route qui engagera le gouvernement durant tout le quinquennat. "Je ne pense pas que le débat sera redondant par rapport aux Assises des Outre-mer, souffle Cécile Herbelin : les thèmes seront différents. Mais ce qui est sûr, c’est que ce grand débat sera tout aussi utile que les Assises des Outre-mer : on entend parlé du Livre Bleu mais personne ne peut le résumer et il ne fait pas avancer les choses." Au contraire, Stéphane Fouassin considère que les sujets développés risquent d’être les mêmes : "finalement c’est à peu près la même chose, peut-être que nous aurons un “livre jaune” cette fois. C’est bien beau de faire des documents, mais il faut qu’ils servent, les changer en actions."

• Un débat… et après ?

"Il faut croire en ces pratiques, considère, toujours optimiste, Stéphane Fouassin. Il faut continuer de participer, de faire des propositions. Si nous ne faisons rien, si nous n’alertons sur les difficultés des populations, des communes, du département ou de la Région, c’est sûr que nous serons oubliés."

"Des actions", "des actions", "des actions"... Les réponses sont les mêmes, mais du côté de l'exécutif, à quoi s'attend-on? Dans sa lettre aux Français, le chef de l’État annonce qu’il rendra "compte directement, dans le mois qui suivra la fin du débat." En avril donc... En revanche, il ne précise pas comment les propositions des citoyens seront transformées en actions concrètes…

nt/www.ipreunion.com

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4 Commentaires
pierrailleurs
pierrailleurs
5 ans

A la Réunion si ils ont un effet de Tsunami les gilets jaunes, pour mieux les affronter il vaut mieux faire confiance aux petits des hauts que au grand des bas, mi di aou! Cest la bonne strtégie au bon niveau!De toute façon être marron ici, sans en avoir l'air c'est sans c d'etre macron...

fl
fl
5 ans

nous avons toujours des charlatans à l?Élysée car ils sont tous formés à l'école des Ã"NE euh l'ENA qu'il leur apprends l'idée unique sans discernement et en plus financés par les Lobby. Pour ma part je ne voterais plus pour cette bandes d'escrocs quel qu'il soit.

Jacques
Jacques
5 ans

En même temps, l'outre-mer ne lui a rirn demandé. Comme vous le faites remarquer à juste titre, seule La Réunion a pris part au mouvement ded gilets jaunes. Il faudrait s'interroger sur l'abdence

Eri974
Eri974
5 ans

Il ne faut pas s'étonner. Ce type ne connait pas ses dossiers et encore moins les bases: "La Guyane est une ile" pendant la campagne 2017. A partir de ce niveau de nullité, toutle reste c'est de l'enfumage, l'esbrouffe et du bagout.Bref, on a un CHARLATAN à l' Elysée.