Tribune libre de Yannick Payet Fontaine

Les finances publiques à l'épreuve du sras-covid-19

  • Publié le 14 avril 2020 à 12:59
  • Actualisé le 14 avril 2020 à 16:17

La pandémie actuelle, montre qu'un satané virus sans passeport ni frontière, peut aussi très vite parcourir les routes de la mondialisation provoquant à l'échelle du monde un déluge sans équivalant. Les conséquences les plus directes : la moitié de la population mondiale (3,5 Milliards d'habitants) en confinement, une population contaminée qui se compte à présent par millions, un taux de létalité dans certains pays dépassant les seuils acceptables et en plus de précipiter un demi-milliard de personnes dans la pauvreté.

Un Etat la main sur la calculette

Le contexte étant ce qu’il est aujourd’hui, cette crise sanitaire va coûter très…très cher, et pèsera inlassablement sur les finances publiques, mais est-elle audible quand il s’agit de sauver des vies !!! Pour ce qui concerne la France, les annonces gouvernementales pour éviter l’Armageddon économique se chiffrent de la manière suivante : de 45 à 100 milliards d’euros de mesures immédiates et 300 milliards d’euros de prêts garantis par l’Etat aux entreprises.

Globalement, et d’après les estimations issues de la dernière note de conjoncture du Sénat sur le suivi du plan soutien, le déficit public dépasserait toutes les prévisions émises par les lois de finances pour atteindre les 7% du PIB. Si dans l’hypothèse l’Etat viendrait à nous présenter la note, j’ai bien peur que les collectivités / contribuables soient la " variable d’ajustement budgétaire ".

À lire les propos d’une interview accordée dans les colonnes de la gazette des communes par le Secrétaire d’Etat à  la fonction publique, le ton est donné, il n’y aura pas d’argent magique… à l’instar de ce discours incongru, et de ce comportement toisé, comment se fait-il dans le contexte actuel que toutes les normes budgétaires ont été mises en parenthèses : Pacte de Stabilité Européen et de Croissance, les contrats de Cahors, les dérogations accordées aux exécutifs de dépenser au-delà des plafonds autorisés par la nomenclature comptable…bref le " quoi qu’il en coûte " exprimé par le Président Macron est un pamphlet lancé à l’ennemi invisible que ce Ministre a subitement oublié !

Quoi qu’il en soit, les contribuables que nous sommes ne doivent en aucun cas payer les incuries de ces gouvernements successifs. Ces politiques publiques qui ont été trop accommandantes aux lois du marché ont prouvé que ce mainstream faisait fausse route, et qu’il faudra bien après cette crise se réinterroger sur les missions de la puissance publique, notamment celles des Etats. C’est d’autant plus hallucinant d’entendre un Ministre des comptes publics annoncé la mise en place d’une plateforme pour des appels aux dons…dans un pays ou les prélèvements obligatoires se situent au premier rang des pays de l’OCDE (+46% du PIB en 2018). Ce Ministre a bêtement oublié que le principe de l’impôt vaut déjà la solidarité nationale en référence à l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Voilà pas que la 6ème puissance économique se met à faire la manche !!!

Les finances des collectivités territoriales en prise avec la crise sanitaire

Autres dommages collatéraux de cette crise, les collectivités territoriales, plus particulièrement celles des outre-mer, déjà très bien impactées de par un contexte social dégradé.

Ces mêmes collectivités qui ont décidé d’être de bons soldats dans la lutte contre ce virus, vont très prochainement se poser des questions sur leurs ressources financières, au risque de les voir fondre comme neige au soleil. À commencer par l’octroi-mer, évoluant avec la conjoncture économique, mais qui pour certaines collectivités à la Réunion constitue une recette importante (30%°).

Cette ressource financière est de nos jours en partie suspendue, par l’article 1er de la loi finances rectificative du 23 mars 2020 qui prévoit, lors de la mise en place de l’état d’urgence sanitaire, dans ou un plusieurs départements et régions de d’outre-mer une exonération des importations de biens. Un arrêté du 30 Mars 2020 est venu préciser la liste des biens soumis à cette exonération.

D’autres ressources seront autant imprévisibles : les Droits de mutation à titre onéreux (DMTO), une fiscalité perçue par les départements sur les transactions immobilières, le marché immobilier étant devenu atone, que les recettes seront moins dynamiques - la taxe de séjour collectée par les EPCI, elle aussi en mode pause avec des touristes en hibernation – la Contribution Économique Territoriale (CTE), comprenant la CFE et la CVAE, une ressource fiscale répartie entre l’ensemble des collectivités (50% pour les régions, 26,5% pour le bloc communal et 23,5% pour les départements) ; pour ce qui relève de la CVAE cet impôt est paramétrique aux seuils de chiffre d’affaires des entreprises, là aussi la conjoncture n’étant pas du tout favorable, de facto cette ressource fiscale sera elle aussi impactée - le paiement de la TVA soumis à un mécanisme de report décidé par le Président de la République, engendra pour certaines collectivités une trésorerie en flux tendu.

Toutes ces incertitudes vont obligatoirement entrainer nos collectivités territoriales dans une grande impasse budgétaire et financière dans les semaines, les mois et les années à venir, même si les associations d’élus tentent de demander au gouvernement des assouplissements en matière de dépenses. Par ailleurs, et d’une manière un peu laconique faut-il le dire ainsi, que la Direction Générale des Finances Publiques, a invité les collectivités à user des lignes de crédits auprès du secteur bancaire. En sus de ces incertitudes budgétaires, quid de la campagne des municipales, il y a eu un avant, il y aura un après… !

J’ose espérer que pour le secteur communal, que le plan rattrapage prévu par l’Etat sur cinq ans, quant à l’augmentation de la quote-part outre-mer de la dotation d’aménagement (DACOM), permettra d’oxygéner nos communes ultramarines en cette période de crise sanitaire. Nous savons que les Maires, eux aussi sont en première ligne dans ces moments d’exception, et qu’il serait absurde que le gouvernement puisse à un moment où un autre, ressasser à nouveau aux collectivités territoriales " l’orthodoxie budgétaire ".

L’Etat start-up en mode résilience

En d’autres termes l’avenir nous dira si les choix de ce gouvernement seront justes et équitables dans la perspective d’un retour à la normalité. Qu’il n’y aurait pas de parti pris au détriment de l’intérêt général, comme ce fut parfois le cas. Notre pays est en train de vivre une crise sanitaire inouïe, à nos dirigeants maintenant de tirer les leçons de cette catastrophe. Y-aurait-il un choix cornélien à faire entre santé et économie à l’échelle d’un pays comme la France… ! attendons le jour d’après !!!

Yannick Payet Fontaine, Doctorant

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