Tribune libre de Cyrille Melchior

1er mai 2020 - D'une chaîne de solidarité au génie du travail réunionnais

  • Publié le 30 avril 2020 à 09:57
  • Actualisé le 30 avril 2020 à 10:03

Comme chaque année, je tiens à prendre la parole à l'occasion de ce 1 er mai 2020, jour de célébration de la Fête du Travail. Une célébration qui se déroule cette année dans un contexte très particulier avec la crise sanitaire liée à l'épidémie du coronavirus et à ses conséquences en France.

Si nous portons un regard lucide sur cette crise, force est de reconnaître que nous n’y étions pas préparés, sans entrer dans aucune forme de polémique. L’annonce par le Président de la République Emmanuel Macron de l’entrée de la France dans une phase de confinement a pris notre pays de court, laissant place à une certaine confusion, des craintes et surtout beaucoup d’interrogations quant au présent et surtout à l’avenir. Notre pays avançait dans une période sombre et inconnue à l’échelle de l’ère moderne. Aucun antécédent ne permettait d’apporter des éclairages sur ce que nous devions alors traverser.

Voilà un mois et demi que la France, et par conséquent, La Réunion, est confinée, menant une guerre sans répit contre cet ennemi invisible et pourtant si dangereux, le Covid-19. Voilà un mois et demi que nos vies ont changé. Distanciation sociale, port du masque et de gants, nouvelles façons de consommer, télétravail ou encore école à la maison, nous avons chacun dû faire face à des bouleversements importants dans nos vies, avec plus ou moins de difficultés selon nos situations économiques ou sociales respectives.

Afin d’atténuer l’impact de ces bouleversements, je rappellerai que le Département de La Réunion s’est mobilisé dès les premiers instants en mettant en place un Pacte de Solidarité et d’Urgence sociale, comprenant une série de mesures d’urgences volontaristes et combatives afin d’être à la hauteur de ce rendez-vous inédit. Plus de 42 millions d’euros sont ainsi mobilisés afin de venir en aide aux plus fragiles : personnes âgées, personnes en situation de handicap, enfants en rupture avec leur milieu familial, familles en situation de précarité, personnes en situation d’insertion, professionnels du social et du médico-social, assistants familiaux, collégiens etc.

Cette démarche s’est traduite par un engagement solidaire et unitaire avec l’ensemble des institutions et forces vives du territoire, Etat, Région, Communes, CCAS, services postaux, acteurs du social, du médico-social et bien sûr le monde agricole qui a fait preuve d’une réactivité et d’une adaptabilité exemplaires compte tenu des circonstances.

Ce que je retiendrai surtout, alors que nous entamons cette dernière semaine de confinement, c’est la force de caractère des Réunionnaises et des Réunionnais qui ont su réagir avec responsabilité, générosité, solidarité et inventivité pour faire face à la crise. Je pense bien sûr à cette solidarité naturelle qui s’est enclenchée au sein des familles, des cercles de proches afin de venir en aide aux plus fragiles. Je pense à cette générosité hors du commun qui s’est notamment caractérisée dès lors que fut lancée la dynamique de fabrication de masques en tissu.

Je pense à la capacité des Réunionnais à respecter globalement les gestes barrières et les consignes de confinement, ce qui a permis de limiter admirablement l’impact de cette épidémie sur notre territoire. Je pense enfin à cette volonté constante d’innover, de faire preuve d’ingéniosité afin de permettre à La Réunion de surmonter la crise : les restaurateurs qui ont grandement développé leurs services de livraison à domicile, comme les commerces alimentaires mais aussi nos amis agriculteurs qui ont démultiplié leurs efforts afin d’être au plus près des Réunionnais à un moment où la population a plus que jamais besoin d’eux.

Comment, bien sûr, ne pas rendre un hommage appuyé, en ce 1er mai, à tous ces chefs d’entreprise, à tous ces salariés, ces fonctionnaires et à tous ces professionnels du monde médical, social et médico-social, qui se sont mobilisés tout au long de cette crise sans précédent ?

Ce combat a permis de limiter la propagation du virus et de nous tourner maintenant vers l’avenir. Un avenir qui demeure incertain. Comme le monde entier, La Réunion n’est pas à l’abri de cette deuxième vague qui, en réalité chez nous, pourrait être la première.

Car reconnaissons-le, cette crise a plongé La Réunion dans l’urgence sanitaire mais aussi économique et sociale. Si nous ne pouvons que nous satisfaire de la dynamique actuelle concernant l’évolution des contaminations sur notre territoire, force est de reconnaître que notre île souffre énormément de cette situation. La Réunion est une terre sinistrée et nous aurons certainement besoin de plusieurs mois, voire même de plusieurs années, avant de nous redresser. 

Aussi, ce déconfinement, loin de tourner la page à cet épisode épidémique douloureux, se doit d’être l’occasion de poser les nouvelles bases du modèle économique, social et sociétal que nous voulons pour La Réunion. Voilà des années que nous appelons de nos vœux l’émergence de ce nouveau modèle. Nous avons là une occasion singulière de le rebâtir depuis ses fondations, jusqu’à ses sommets, afin que notre île puisse s’engager dans la voie d’un développement durable, équitable, profitable à tout un chacun.

Ce nouveau modèle de développement, je le vois avant tout comme un accélérateur des politiques publiques et de l’engagement des collectivités sur notre territoire. Nous nous devons plus que jamais de travailler ensemble, de renforcer les efforts de mutualisation, de bâtir une chaîne de solidarité solide et inébranlable, pas seulement pour répondre à l’urgence sociale, mais pour toutes les politiques qui touchent de près ou de loin à la vie des Réunionnais : la politique agricole, le BTP, le tourisme, l’artisanat, la culture, l’accompagnement des personnes âgées et des personnes en situation de handicap, dans tous les types de structures qui existent à La Réunion, la politique en matière d’habitat et d’investissement ou encore le développement économique. Je pense aussi à la politique environnementale et notamment celle relative à la transition et à la sécurité énergétique de notre territoire, en valorisant les énergies locales pour ne pas dépendre des importations, de charbon notamment.

L’enjeu du développement régional doit être pris en compte également. Cette crise a plus que jamais montré que notre destin est intimement lié à celui de nos voisins. C’est ensemble que nous affrontons les difficultés. Je tiens, à ce titre, à saluer la mémoire du docteur Jean-Jacques Razafindranazy, originaire de Madagascar et qui fut le premier médecin français décédé des suites du coronavirus. C’est aussi ensemble que nous nous relèverons, et c’est ensemble que nous retrouverons la voie d’un co-développement de notre espace indianocéanique.

Ce nouveau modèle de développement doit aussi nous permettre de remettre au cœur de nos priorités la valeur travail, en offrant à chacun les chances d’une insertion durable et réussie. C’est tout le sens de la politique sociale du Département. Nous avons saisi à bras le corps l’enjeu de l’insertion des Réunionnaises et des Réunionnais. La récente recentralisation du RSA a en effet permis à notre Collectivité de dégager des marges de manœuvre nouvelles qui nous permettront d’accompagner au mieux les publics éloignés de l’emploi.

En ce 1er mai si particulier, où bon nombre ne pourront pas défiler pour des raisons évidentes de sécurité sanitaire, je veux rendre hommage à tous les Réunionnais, travailleurs ou demandeurs d’emploi mais aussi les mères et les pères de familles qui élèvent leurs enfants. Je veux saluer bien évidemment les organisations syndicales qui ne relâchent pas leurs efforts pour défendre l’intérêt des travailleurs. Je veux enfin saluer les retraités qui ont tant donné pour notre pays, et dont certains, du corps médical notamment, se sont mobilisés, corps et âme, pour faire face à la crise sanitaire actuelle.

Nous sommes aujourd’hui à une étape charnière pour notre île. Cette crise, incontestablement, marquera à jamais l’histoire de La Réunion non seulement par sa dimension catastrophique mais aussi par l’ampleur de la mobilisation de chacun d’entre nous. Une mobilisation qui doit se poursuivre et se renforcer dans les jours et semaines qui viennent.

Chères Réunionnaises, chers Réunionnais, la mission qui est la mienne m’engage sans relâche et avec acharnement. Le Département est et restera à vos côtés. Il prendra toute sa place et mobilisera toute son énergie. Encore une fois, montrons ce qu’est le génie du travail réunionnais. Car être Réunionnais, c’est ne pas avoir peur de se retrousser les manches. Il nous appartient maintenant, et collectivement, de bâtir la suite de cette histoire, en faisant preuve de responsabilité et de vigilance face à l’épidémie, tout en déployant toute notre capacité à innover et à maintenir la flamme du bien-vivre ensemble, pour construire La Réunion de l’après 11 mai. Ensemble, vous le verrez, nous serons le territoire le plus résilient de France.

Cyrille Melchior, Président du conseil départemental de La Réunion


 

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