Tribune libre de la FSU

Déconfinement scolaire : acte 2

  • Publié le 3 juin 2020 à 16:32
  • Actualisé le 3 juin 2020 à 16:38

"Nous abordons l'acte 2 du déconfinement avec l'ouverture à marche forcée de toutes les écoles, ainsi que celle des lycées après les collèges. Notre académie ne déplore heureusement aucun incident sanitaire majeur mais le volontariat des familles y est pour beaucoup ; il a en effet considérablement réduit le nombre d'élèves accueillis -bien au-delà des chiffres officiels-, ce qui a facilité l'application du protocole sanitaire.

Pour justifier la reprise, le ministre nous assurait la main sur le coeur qu’il s’agissait de lutter contre le décrochage scolaire et même de servir la justice sociale. Pourtant le constat est bien différent: les élèves décrocheurs ne sont pas plus assidus en “présentiel” qu’ils ne l’étaient en “distanciel” pendant le confinement. En maintenant le choix laissé aux familles le ministre n’encourage guère le retour des élèves. Dans ces conditions, quel sens donné à cette reprise puisque seul une poignée d’entre eux sont présents avec des emplois du temps réduits et variables selon les établissements?

La fable de la “continuité pédagogique” laisse croire que le tout numérique à distance, les cours à la carte ou un peu des deux pourraient remplacer le face à face pédagogique. La crise actuelle ne doit pas être l’occasion d’en faire une norme. En effet, l’enseignement et la réussite scolaire passent par des horaires réguliers, des modalités qui s’imposent à tous pour assurer l’égalité de traitement, l’hétérogénéité des publics pour permettre la mixité sociale et l’intégration et non leur cloisonnement -devant son ordinateur ou sa tablette pour ceux qui en disposent et sur les bancs de l’école pour les autres-. Ici il s’agit de présence aléatoire, d’emploi du temps et d’horaires variables d’une semaine à l’autre, d’un établissement à l’autre, d’une alternance présence/distance, bref de toute une série de conditions qui ne remplaceront jamais un cours fait d’échanges, d’accompagnement, d’explications,…

En outre, le ministre profite du contexte pour introduire un module pompeusement nommé 2S2C, comprenez Sport, Santé, Culture, Civisme. Ainsi des élèves pourraient, sur le temps scolaire, être inscrits à ce dispositif mis en oeuvre conjointement par l’Etat, les collectivités
territoriales, les associations, les clubs. Pour la FSU, c’est un cheval de Troie pour préparer les esprits au transfert hors de l’école des enseignements jugés non fondamentaux (les activités motrices, l’éducation artistique, la “vie civique”) et à l’idée que pour dispenser ces enseignements il n’y aurait pas besoin
d’une formation de niveau Master. Chaque fois qu’un tel dispositif a été mis en avant, cela a toujours été pour réduire les enseignements au profit d’offres extra-scolaires à la charge des collectivités territoriales ou des familles.

Ce type d’organisation est à la fois une abberation pédagogique et, en installant à l’école une discrimination sociale entre élèves, une menace pour l’égalité républicaine. Il préfigure ce dont rêve le ministre: un socle minimal en classe, le reste à distance ou pris en charge par des associations. Difficile d'imaginer projet plus explicite de démantèlement de l'école primaire française, avant celle du second degré… C’est une vision de l’école qui tourne le dos au modèle social français dont elle est un des piliers.

La crise sanitaire a mis à rude épreuve notre système éducatif. Porté à bout de bras par ses personnels il a pu resister malgré des années d’attaques, de restriction budgétaires, de suppression de postes, de privatisation rampante. L’Éducation nationale mérite mieux que les projets de l’actuel ministre. Elle a aujourd’hui besoin d’un plan d’urgence qui doit se préparer sans attendre avec celles et ceux qui savent ce dont les élèves ont besoin. Et ce n’est sûrement pas de moins d’école."

FSU Réunion

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