Tribune libre d'Alek Laï Kane Cheong

Vers un contre-pouvoir citoyen du PCO

  • Publié le 30 décembre 2020 à 17:55
  • Actualisé le 30 décembre 2020 à 17:57

" Dénoncer des pratiques communales féodales ", " engagés contre les paillottes, et auprès des gilets jaunes ", tels étaient les mots par lesquels la presse caractérisait le PCO, il y a près d'un an jour pour jour. Le Parti portait une ambition : s'ancrer, à l'occasion des élections municipales, dans le Nord-Est de l'île. Il présentait à la presse cinq candidats de Saint-Denis à Salazie. (Photo d'illustration : Alek Laï Kane Cheong)

Il a toujours paru difficile de caractériser notre formation politique. Plutôt à gauche, plutôt à droite, plutôt au centre ? Mouvement électoraliste ? Parti politique de lutte citoyenne ? Mais sont-ce là les questions essentielles, à l’instar de la barbe, du créole et du chignon ? Au-delà du style, de l’apparat, a-t-on porté une réelle attention au sens profond du message, de la perspective présentée par le parti ?

A-t-on voulu voir derrière le baronnage et la " féodalité " d’une classe politique en place depuis plus de 40 ans, le maintien de la concentration foncière, les outils institutionnels de son contrôle, et donc des incohérences territoriales ? Voulait-on voir derrière les paillottes, l’alerte lancée contre la saturation d’aménagement de notre littoral côtier, la gentrification de nos quartiers populaires et traditionnels, de facto, le bouleversement de nos mœurs, notre culture ?

Voulait-on discerner, derrière la cacophonie des barrages, revêtue d’un gilet jaune, les limites du système de démocratie représentative, l’aspiration des citoyens à prendre part aux affaires de la cité ? In fine, la réponse n’est jamais celle que l’on attend mécaniquement aux questions posées. Celle relative au parti, se trouve davantage dans le motif même de la question : la curiosité, qui l’a suscitée ? C’est pour cela que le PCO intrigue, depuis sept ans.

Le Parti dérange, par ses identités plurielles – à l’instar de notre territoire – face au monolithisme du concept creux de " vivre-ensemble. " Il interroge les fondamentaux de notre société, notre souveraineté (territoriale, alimentaire, énergétique, des déplacements) par la condition de notre insularité, en convoquant la voix des " Sans-voix. " C’est le Parti d’un peuple résilient, en-devenir, 1000 fois réinventé, n’ayant aucun héritage politique partisan à revendiquer.

Le parti qui s’éduque en permanence, par le combat contre les injustices, avec la population ; celui-là même qui fait des élections la tribune de la somme des combats de la population, et ambitionne la prise de pouvoir pour le lui rendre.

I. Le temps électoral : la 1ère force de contestation du Nord

Comme annoncé en introduction, le parti ambitionnait pour les élections municipales de 2020, un ancrage dans le Nord-Est. Cinq candidats ont donc initialement été proposés pour les communes de Saint-Denis à Salazie. Au final, le parti enregistrera trois scores sur les communes de Saint-Denis (près de 8%), Sainte-Suzanne (près de 32%), et Salazie (4%). Première force d’opposition à Sainte-Suzanne avec six conseillers municipaux et un groupe d’élus (" Lespri lé Ankor là ") à la CINOR. En sept ans d’existence, sans moyens, non affilié et non aligné, le parti réussit la performance de l’ancrage dans le Nord. Là n’est point l’essentiel. Le parti portait un projet institutionnel avec ces cinq candidatures : la création d’une grande métropole (" la Nouvelle Métropole ") de la Rivière des Pluies à la Rivière des Roches.

Cette volonté, portée depuis plus d’un an, était l’anticipation du déshabillage progressif de l’échelon communal prévu par le gouvernement. La possibilité aurait été pour nous de pouvoir allouer des moyens intercommunaux conséquents au service d’une vision partagée pour faire face aux enjeux d’un territoire marqué par une identité rurale forte, disposant d’une réserve foncière importante, mais en proie à de grosses difficultés quant aux mobilités, à l’eau, et à l’emploi.

Ainsi, au-delà des Sèr et Fra - que le Parti souhaiterait voir revenir dans le combat-, l’important n’est pas le messager, mais le message ! C’est dans cet esprit, que le parti a poursuivi sa ligne de combat au sein de l’institution, en démocratisant l’élection communautaire, en présentant un candidat à la présidence de la CINOR et un programme d’actions en trois axes :

1. Un programme d’entrepreneurs de projets pour les citoyens, plus un plan de relance (suite à la crise COVID) : programme alimentaire territorial, Plateforme d’économies productives (services et économie productive pour garantir la souveraineté santé/ alimentation/énergie/ environnement), Hub tourisme développement local, portail services de proximité, tremplins de connaissance ;

2. Un nouveau pacte de gouvernance inclusif et de proximité : interdépendance du travail communes et intercommunalité, un pacte de compétences pour mutualiser les budgets entre Intercommunalité/ Département/ Région, un pacte financier de convergence entre les programmes opérationnels européens/ le contrat de plan et le contrat de convergence entre intercommunalité/ Etat-Europe, installer un véritable contre-pouvoir citoyen (conseil de développement et conseil citoyen de chaque commune pour juger tous les ans de l’avancement des projets) ;

3. Une organisation efficace garante de la réalisation effective des projets : création d’un Centre de Mise en Œuvre des Projets (CMDP). A ce jour, nous bataillons toujours au sein de l’interco et de la municipalité pour mettre en place ce que la loi Engagement et Proximité de 2019 prévoit : le Pacte de Gouvernance, et le Conseil de Développement, que la gouvernance actuelle n’inscrit toujours pas aux ordres du jour depuis sept mois !

Nous continuons d’alimenter la vision du Parti, en sollicitant la gouvernance décadente sur les points suivants :

- la politique foncière et agricole : le passage du PLU au PLUi-H (Plan Local Urbanisme Intercommunal et Habitat) pour conjuguer urbanisation, aménagement/mobilité, habitat et dynamique sociale des quartiers, afin de créer de vrais parcours résidentiels pour les habitants du Nord-Est, et stopper la sur-densification de Saint Denis ;

- la gestion de l’eau, du risque inondation : pourquoi au vu du transfert de compétence depuis janvier 2020, l’interco ne mobilise-t-elle pas les moyens qui garantiraient l’accès pour tous à une eau potable, moins coûteuse ? Pourquoi l’interco ne mobilise-t-elle pas les fonds dans le cadre de la GEMAPI pour traiter les endiguements, et sécuriser les populations de Sainte-Marie et Sainte-Suzanne ?

- les mobilités : quid de l’impact financier de l’engagement de près de 100 millions d'euros pour un double projet de TPC - sans étude d’impact socio-économique – sans traitement de la problématique des 90 000 véhicules/jour à l’entrée Est de St Denis, ni celui du report modal ? Le tramway urbain TAO : le faire et vite et le prolonger jusqu’à Quartier Français > Le Port ;

- les déchets : pourquoi un ISDU supplémentaire entre Franche Terre et Les Cafés ? Quid du CSR ? Quelle stratégie de traitement, sachant que l’incinérateur de Pierrefonds créera nécessairement un rejet de stockage (soit 30% du CSR irréductible) qui retournera à l’enfouissement ?

Face à la surdité de la classe politique en place depuis 40 ans, nous avons confirmé notre sentiment initial : le réel effort d’émancipation territoriale se fait avec et par la population. Nous sommes élus de combat pour outiller les citoyens, les amener à cerner la culture institutionnelle décadente, son corollaire : la mécanique politico-administrative, et comprendre comment la combattre pour qu’ils puissent se réapproprier l’institution. Aux citoyens d’installer avec les élus de combat : le contre-pouvoir institutionnel !

II. Le temps du combat : réflexions autour des libertés fondamentales

Dans un souci de réajustement permanent, le parti – qui pour la première fois en sept ans a des élus – a intégré ce principe, tout en revisitant sa méthode, pour continuer à éprouver la quotidienneté des luttes avec la population et servir au mieux l’effort d’émancipation territoriale. C’était le temps de la refonte qui a duré cinq mois, pour faire émerger de nouveaux espaces (les comités), de nouvelles figures voulant prendre des responsabilités au sein du parti de combat.

L’occasion d’accompagner les militants, sympathisants au travers de notre méthode la " formation-action " - éprouvée durant les combats passés – ou comment produire du sens commun, de la compréhension, autour de problématiques rencontrées par la population. Un espace original également, comme le " Konsey la Kour ", où les élus de combat, ont l’occasion de restituer de l’information glanée dans les instances à la population, afin de cerner, éclairer les fonctions, la phraséologie, les mécanismes des institutions, sous forme de mini conseil municipal dans les quartiers, mais également débattre autour des enjeux pour ceux-ci.

Les déchets : au vu de l’actualité récente sur la question des déchets, nous en avons fait un sujet de combat, sur lequel nous sommes en prises depuis un mois et demi. En effet, en vue des prochains projets d’ISDU Franche Terre/Les Cafés, et de l’UVE de Pierrefonds, nous sommes allés à la rencontre de la population, pour les consulter. S’en est suivi l’émergence d’un collectif de citoyens " Arèt Anter Anou " contre le projet d’ISDU, et d’incinérateur, et la mise en place d’une pétition, qui a recueilli déjà près de 1000 signatures. Nous en appelons bien évidemment à l’ensemble de la population au soutien et à la densification de l’effort de ce collectif, et de cette pétition, qui sera bientôt en ligne.

A l’occasion du 20/12, une journée de mobilisation et de réflexion autour des libertés fondamentales a été organisée, recueillant des propositions de la part de la population et des soutiens de groupes politiques du Sud (opposition Saint-Pierre), écologistes du Sud, des mouvements activistes sur la question environnementale et des mobilités, un mouvement activiste de citoyen sur l’agriculture, et syndicat de planteur. En effet, ces projets relatifs aux
déchets vont sacrifier de la terre agricole noble (plus de 30 ha au Nord et au Sud), dans un contexte où la crise sanitaire, le confinement ont replacé le curseur sur l’essentiel, notamment la question de la souveraineté alimentaire.

Le collectif prépare une motion à soumettre prochainement à la population, et aux élus, demandant :

- suivre le moratoire européen sur les incinérateurs, encourageant les États membres à réduire leurs déchets ;
- refondre la PPGDND en 2021, en intégrant les avis de la MRAE sur le CSR du SYDNE ;
- blocage de la Programmation Pluri Annuelle de l’Énergie (PPE), revisitée récemment pour cause de l’UVE et intégration du bois de pellet (1,5 millions de tonnes importées) en substitution du charbon à l’horizon 2023 ;
- un référendum d’initiative populaire sur la question des déchets ;
- une conférence territoriale d’action publique sur les déchets association largement la population ;

Visite de Jean-Luc Mélenchon :

Lors de la venue de Jean-Luc Mélenchon, candidat aux présidentielles de 2022, nous avons interpelé son organisation afin de se positionner sur cette question des déchets et sur ce qui fonde notre bien commun (mobilités, alimentation, eau). Nous regrettons d’ailleurs qu’aucun retour n’ait été fait pour l’heure, préférant les commémorations folkloriques du 20/12 à Saint-Paul, à la tradition de combat que le marronnage nous a légué, sur la terre des bitasyon.

III. Le temps à venir : 2021, le Sens India-Océanique

Depuis juillet 2018, le PCO est engagé dans des combats qui intéressent la zone Océan Indien, notamment la révision constitutionnelle aux Comores. Le PCO, qui affirme la Réyonezté comme condition d’accès à l’Universel, reconnaît l’insularité comme une condition de départ. Fort des valeurs qui sont les siennes : le combat contre l’injustice, la conscientisation permanente, le parti a tracé les lignes de fuite du projet de société autour des thématiques suivantes :

- la politique foncière, agricole, et alimentaire : convention canne 2021, nouvelle PAC, récentes attributions des fonds FEADER, qui ne profitent pas à l’ensemble des agriculteurs, difficultés foncières pour installation des jeunes agriculteurs (souvent dans le maraichage) ;
- les mobilités : un transport ferré, accessible pour tous, desservant les zones urbaines, le rapport à la zone OI ;
- les déchets et l’énergie : un grand plan d’économie circulaire, une seule filière de traitement du CSR et fusion des SMTD + gazéification, géothermie, énergie marine.

A partir de ces aspirations, le parti veut entrer dans une phase de dialogue avec les organisations de la zone qui se rapprocheraient de cette vision, conformément aux orientations de l’Union Européenne de " l’Europe des Océans. " L’avenir de notre territoire ne peut que passer par une émancipation territoriale, en consacrant sa souveraineté à plusieurs dimensions, qui est lié au destin de la zone OI, et des rapports géopolitiques.

En effet, nous ne pouvons que remarquer l’expansion de la Chine dans la zone OI, qui a racheté le Port de Mombasa afin de contrôler le canal du Mozambique, et modifier les rapports du commerce international. Dans cette expansion, le centre de gravité va se déplacer au nord de l’Océan Indien, vers l’archipel des Comores et Mayotte. Or Mayotte est Française, et RUP, comme notre île, ce qui paraitrait être une chance, en l’état.

A charge à ce binôme (Mayotte/Réunion > Région) de peser, via le partenaire européen et le Quai d’Orsay, dans des organes vides comme la Commission Océan Indien, en développant une réelle politique d’intégration india-océanique, un modèle de déplacement à l’échelle de l’archipel, une politique linguistique et éducative, ainsi que les ressources d’une économie endogène. Nous nous devons de conjuguer nos visions de développement à l’échelle de l’espace OI, par la collectivité Régionale, compétente en matière de développement économique (social et solidaire), et de coopération régionale.

Un nouvel axe de dialogue doit être repensé dans la mécanique de gouvernance, notamment au vu de la prochaine POE 2021-2027 :

- Europe ;
- Interco ;
- Région.

Nous nous y attèlerons dès l’année prochaine, dans la perspective du concert des peuples opprimés de l’Océan Indien, engagés à notre instar, dans une dynamique d’émancipation territoriale.
 

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2 Commentaires
Jojo
Jojo
3 ans

Le seul discours politique qui se donne la peine d'exprimer une vision de fond (après on est d'accord ou pas). Malheureusement, la populace est ignare (et notre super société de divertissement et consommation fait tout pour les inciter à le rester) et les classes un peu plus éduquées - vu la complexité du monde, même elles parfois sont incapable de comprendre tous les rouages- sont aveuglés par leurs propres intérêts sans vouloir accepter que leur prospérité repose sur le fait que la populace puisse avoir les moyens de consommer.La crise covid n'est rien comparée à la crise économique qui va s'intensifier...

Marcus
Marcus
3 ans

Du gros n'importe quoi, du gros charabia indescriptible comme dab. Voilà un Che Guevara pays qui perd le nord qui confond le contour et les alentours. Et dire c'est ce mec la qui veut marcher sur les pas de Vergès. Lui il était un visionnaire un révolutionnaire qui se battait pour le peuple réunionnais et non un chargeur de l'eau. Tes fras et tes sers se lasseront de toi mon.ptit bourgeois.