Art martial brésilien, danse guerrière réunionnaise

Capoeira et moringue, les frères d'armes

  • Publié le 5 février 2008 à 00:00

Après avoir été longtemps interdit de cité, le moringue est désormais pratiqué par des centaines de jeunes. Cette danse guerrière a été "importée" à La Réunion par les esclaves. Ce sont eux qui ont perpétué la tradition. Le moringué de Mayotte ou la capoeira du Brésil sont des variantes de cet art martial arrivé dans ces pays en même temps que les asservis Africains. Voyage au c?ur de la capoeira enseignée par maître Lua Rasta à Salvador de Bahia au Brésil

Chaque vendredi soir, sur le "terreiro de Jesus" dans le quartier populaire du Pelourinho à Salvador de Bahia (Brésil), se déroule une étrange manifestation. Des musiciens assis sur un banc accordent leurs instruments, des combattants se préparent, la foule forme une ronde et s'impatiente. Maître Lua Rasta, figure célèbre de Salvador, entre alors dans le cercle et déclare ouverte la roda (ronde) de capoeira angola. L'ambiance monte d'un cran. Les combats peuvent commencer...Le temps d'une soirée, la cité magique vibre au rythme de cet art martial, l'un des aspects les plus fascinants de la culture afro-brésilienne.

Le rituel est bien précis: deux capoeiristes s'accroupissent au pied du joueur de berimbau (arc musical à une corde), et attendent. Les instruments retentissent dans un ordre déterminé: le berimbau central commence seul, suivi des 2 autres arcs, puis résonnent l'atabaque (long tambour de forme conique), le pandeiro (tambourin à cymbales) et l'agôgô (doubles cloches en fer). Lua entonne des chants traditionnels. La ronde reprend les refrains en ch?ur. Après le 1er refrain, les capoeiristes entrent en scène et s'affrontent. Les mouvements sont lents, les corps s'enroulent. Parfois le rythme s'accélère, les acrobaties s'enchaînent.
Entre deux chants, Lua raconte des histoires vénérant les ancêtres. Ses yeux brillent, la foule est captivée. Les danseurs se succèdent.. Lua passe la main à ses vieux amis, maîtres Bocarica et Bigodinho, compositeurs renommés de capoeira. Les anciens transmettent leur savoir aux jeunes générations. Le respect règne dans la ronde.

La rencontre forcée entre les différentes cultures africaines (angolas, benguelas, congos...) sur le territoire brésilien durant 300 ans d'esclavage a crée ce rituel unique, qui puise ces racines dans les méthodes de combats, les danses et les chants des peuples ancestraux d'Afrique. La Capoeria Angola est la forme la plus africaine et la plus traditionnelle des styles de capoeira. Pratiquée par la communauté noire de l'état de Bahia, elle reste très vivace à Salvador. La forme similaire connue dans l'Océan Indien est le moringue, pratiqué depuis plusieurs siècles.

Musicien, artisan, grand maître de capoeira angola, Lua Rasta se consacre depuis des années à faire reconnaître aux yeux de l'humanité l'importance historique de la capoeira, pour que la culture africaine soit ravivée. Malgré l'indifférence du gouvernement brésilien qui favorise la Capoeira Régionale (pratiquée par les Blancs; rythme et mouvements plus rapides), Lua continue son travail sur la reconnaissance sociale et culturelle de la capoeira de rue, auprès des jeunes brésiliens et à travers le monde, afin qu'elle soit considérée comme une expression de la liberté à travers un mouvement.

Sur la place du quartier historique, la ronde s'agrandie. Des dizaines de capoeiristes combattent en même temps. Une clameur monte de la foule, contaminée par la fièvre de la capoeira. C'est le final. Après 2 heures intenses de combats et de musique, les esprits sont vidés, les visages illuminés. Lua salue ses amis, ses fidèles, et rentre chez lui. Le sourire rêveur.
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