Festival international du film d'Afrique et des îles (2-5 octobre au Port)

Mohamed Saïd Ouma : "On a besoin de longs-métrages réunionnais"

  • Publié le 3 octobre 2014 à 05:00

La onzième édition du Festival international du film d'Afrique et des îles (FIFAI) s'est ouverte ce jeudi soir 2 octobre 2014 au Port avec la projection du film mauricien "Lombraz kann" de David Constantin. Rendez-vous incontournable du paysage culturel réunionnais, le FIFAI se veut un promoteur de la production cinématographique locale et régionale. Car pour le directeur artistique Mohamed Saïd Ouma, "il faut que la création réunionnaise franchisse un pas", notamment pour s'exprimer au niveau international. "On a besoin de longs-métrages réunionnais", insiste-t-il (Photo du film "Zakaria" de Leyla Bouzid en compétition au Fifai 2014 - Photo http://www.unifrance.org/)

Avec les Journées d'Afrique et des îles d’abord et le FIFAI ensuite, ce rendez-vous portois existe depuis près de 20 ans. Est-il pour autant devenu un événement populaire ?

"Certaines éditions ont été très populaires. Il y a eu trois ou quatre éditions qui ont attiré un vrai public populaire et d’autres éditions davantage tournées vers les cinéphiles, ceux qui cherchent une offre différente de celle des multiplexes. C’est très conjoncturel, même si c’est vrai qu’on est sur un créneau difficile, celui de la cinéphilie et du cinéma d’auteur. On aimerait bien que le festival soit plus populaire, mais ce n’est pas toujours évident."

Existe-t-il un important public cinéphile à La Réunion ?

"Oui, il y a un vrai public. On le voit d’année en année. C’est un public fidèle qui nous suit, alors que nous n’avons pas un gros budget communication. Il y a une réelle demande d’une offre différente. Avant il y avait les cinémas de quartier, aujourd’hui l’objectif est d’aller chercher les nouveaux cinéphiles qui sont plutôt derrière leur ordinateur. Ce challenge ne concerne pas uniquement le FIFAI, mais l’ensemble de l’offre culturelle."

"On n'a pas eu notre Rue Cases Nègres"

L’offre n’est pourtant pas très importante en terme de salles...

"Oui, on a vécu un drame... Lors des cinq ou six dernières années, beaucoup de salles de proximité ont fermé. Le résultat, c’est qu’on a aujourd’hui deux gros multiplexes, il y en aura bientôt quatre ou cinq. On observe une concentration de l’offre, avec souvent le même type de films. Pour résister, il ne faut pas proposer qu’un simple film, mais des soirées ciné-concert ou ciné-débat comme cela se fait en métropole."

Comment se porte le cinéma réunionnais ?

"On a besoin de longs-métrages réunionnais. Si on compare aux Antilles, ils ont eu Rue Cases Nègres par exemple. Ici on n’a pas eu notre Rue Cases Nègres. Mais aujourd’hui tout le monde travaille pour ça. Quand des réalisateurs réunionnais arriveront au niveau international, ça nous aidera beaucoup. Il faut que la création réunionnaise franchisse un pas. On n’est pas au niveau de la musique, qui a des Danyel Waro, des Ziskakan, des Christine Salem qui sont connus dans le monde entier. Pour le cinéma, on n’y est pas encore."

Êtes-vous optimiste pour l’avenir ?

"Oui je suis optimiste, car il y a une qualité d’écriture qui monte en gamme. Au FIFAI, on a repéré une dizaine de réalisateurs réunionnais qui, s’ils sont bien accompagnés, peuvent faire une belle carrière."

De plus en plus de festivals thématiques voient le jour (cinéma oriental, chinois, italiens...) à La Réunion. Voyez-vous cela comme une concurrence ?

"Non, au contraire. Plus il y a de festivals, plus c’est salutaire. Ces festivals thématiques permettent de former davantage de cinéphiles, c’est bénéfique pour tout le monde. Plus il y a d’offres, plus il y a de chances d’avoir un public éduqué. Je suis plutôt content de cette émergence. Tout ça est positif pour le cinéma."

"Créer un marché du film de l'océan Indien"

Depuis 2013, le FIFAI s’est ouvert au cinéma du monde entier, ne se limitant plus aux îles et à l’Afrique. Était-ce une nécessité ?

"En 2013, on a constaté qu’on recevait de plus en plus de films venant d’un peu partout et on s’est dit que c’était dommage de se limiter à des critères géographiques. Mais on reste sur une logique de territoire ayant des liens naturels avec La Réunion, comme l’Inde, l’Amérique latine ou peut-être la Chine l’an prochain. Cela apporte aussi une fraîcheur, cela permet d’être en contact avec d’autres productions, d’autres cinémas, avec des opportunités de nouer de nouveaux contacts."

Quelle sera la principale thématique de cette édition 2014 ?

"Un des gros points forts, c’est de faire une sorte de bilan avec l’Afrique du Sud. En 2003, quand les Journées d'Afrique et des îles sont devenus le FIFAI, un film sud-africain avait été primé. Et depuis 11 ans, on a toujours eu des cinéastes sud-africains. L’idée est de faire une sorte d’état des lieux, avec notamment Vincent Moloi, un réalisateur autodidacte qui a créé Soul City, la série télé la plus populaire d’Afrique du Sud. Il y aura aussi Franco Human, doyen de l’AFDA, l’école d’art et de cinéma sud-africaine, et le film de Khalo Matabane, Nelson Mandela, the myth and me, un super film très perturbant qui est l’un des favoris."

Avez-vous d’autres projets ?

"On est également sur une idée pour professionnaliser le secteur. Souvent nous n’avons pas les outils nécessaires pour vendre les films. Mais avec l’étiquette Océan Indien, on s’est aperçu qu’on attirait beaucoup plus de monde. On a un projet avec l’Union européenne pour créer un marché du film dans quatre ans. Ce sera d’abord un forum professionnel pendant trois ans, d’abord à Maurice, puis pendant le FIFAI et enfin aux Comores. Mais dans quatre ans, l’objectif est de créer un véritable marché du film et de ramener des distributeurs et des exploitants."

www.ipreunion.com

guest
0 Commentaires