Etude UIR CFDT sur la cherté de la vie

Les marges "disproportionnées" des entreprises

  • Publié le 11 février 2011 à 06:00

Une fois de plus, les marges jugées "disproportionnées" des entreprises réunionnaises sont pointées du doigt dans une étude commandée par l'UIR CFDT au cabinet Syndex en 2010. Cette étude portait sur la cherté de la vie à La Réunion. Les conclusions de l'étude ont été présentées ce jeudi 10 février 2011. Elles montrent que les marges sont en moyenne supérieures de 17% dans le secteur marchand, et de 60% dans le secteur des services, à La Réunion par rapport à la Métropole. Outre les "marges disproportionnées", le régime de l'octroi de mer, la défiscalisation et l'organisation du marché oligopolistique sont épinglées. Pour les participants à cette séance, "on n'y apprend rien de nouveau sur les causes de la cherté de la vie sur l'île" mais tous soulignent "qu'il existe désormais un document synthétisant tous ces éléments".

La vie est plus chère à La Réunion qu'en Métropole. C'est un constat connu et qui est même confirmé par une étude de l'Insee publiée en décembre 2010. Selon cette étude, les prix des biens et services sont supérieurs de 12,4% à La Réunion par rapport à ceux de la Métropole. La thématique de la vie chère est loin d'être nouvelle sur l'île, comme dans l'ensemble des DOM. C'était même le cheval de bataille du Cospar durant le 1er semestre 2009. C'est sur la base de ce constat que l'UIR CFDT a souhaité réaliser une étude sur "les causes de la vie chère à La Réunion".

L'enquête a été menée en 2010 par Christian Duchesne, Adrien Laroze et Philippe Morvannou du cabinet Syndex. Durant plusieurs mois, les 3 hommes ont travaillé sur "les informations objectives" mises à leur disposition par les acteurs institutionnels. Ils reconnaissent néanmoins avoir eu des difficultés à obtenir des informations, notamment auprès des acteurs économiques, du tribunal de commerce (les entreprises ne déposant pas forcément leur compte) et auprès de la douane et de la Région (octroi de mer). Ils notent aussi "qu'il n'existe aucune évaluation de l'impact économique et social de l'ensemble des dispositifs fiscaux". Ces éléments n'ont pas empêché à ces experts de rendre une étude de 148 pages intitulée : "le pouvoir d'achat dans les DOM : Incidence de la structure des prix et des coûts à La Réunion".

Outre la fiscalité avantageuse, l'éloignement de l'île et les problématiques de pouvoir d'achat des Réunionnais, les experts ont retenu deux principales causes à la vie chère à La Réunion. Premier élément, "l'effet inflationniste de l'octroi de mer". Cette fiscalité indirecte sert à deux choses, protéger la production locale et être une des principales ressources fiscales des collectivités locales. "L'octroi de mer est aussi, par son caractère non déductible, l'une des facteurs structurels de la vie chère", constatent les experts. Et pour cause, cette taxe qui est perçue à l'entrée de la marchandise sur le territoire est répercutée sur toute la chaine de distribution. Conséquence, "suivant son taux, on évalue l'incidence sur les prix finaux à la consommation dans une fourchette comprise entre 3% et plus de 10%.

Autre effet pervers de l'octroi de mer, il favorise "l'atomisation de l'économie". En effet, les entreprises qui ont un chiffre d'affaires annuel inférieur à 550 000 euros peuvent bénéficier de l'exonération de cette taxe, ce qui poussent certains groupes à "des montages structurels complexes", "ce qui ne favorise pas la transparence économique, souligne Adrien Laroze. Enfin, l'octroi de mer provoque des disparités entre le secteur marchand, soumis à cette taxe, et le secteur des services qui n'y est pas soumis.

Adrien Laroze juge qu'une "évolution de l'octroi de mer paraît inévitable". Evolution qui devrait intervenir en 2014, si le régime est reconduit, ce qui semble être la tendance. Si le régime de l'octroi de mer n'est pas reconduit, le membre du cabinet Syndex propose son remplacement par la TVA. Cette taxe a deux avantages pour Adrien Laroze : "il y aurait une meilleure transparence fiscale et le secteur marchand et celui des services y seraient soumis sans distinction", affirme t-il. Il ajoute qu'une dérogation au titre de l'article 73 de la Constituion serait nécessaire afin que la TVA soit collectée par les collectivités et non par l'Etat comme c'est le cas actuellement.

L'autre élément qui a retenu davantage l'attention du public est "l'organisation du marché réunionnais". Christian Duchesne base son constat sur un indicateur : le taux de profit brut (sans les charges et les diverses taxes). Dans le secteur marchand, les marges des entreprises réunionnaises sont en moyenne 17% supérieures aux marges des entreprises métropolitaines. "C'est significatif", juge le membre du cabinet Syndex. Ce constat est encore plus surprenant dans le secteur des services où on enregistre des marges supérieures à 50% par rapport à la Métropole, notamment dans l'immobilier, les banques et la télécommunication. Et ce, alors que le secteur des services n'est pas soumis à l'octroi de mer. "Comment expliquer cet effet de rente ?", s'interroge Christian Duchesne.

D'une part, "il n'existe pas de véritable concurrence à La Réunion du fait de l'existence d'un marché oligopolistique (ndlr - marché où il y a un nombre très faible de vendeurs et un nombre important de clients)". "Cette organisation est propice aux effets de rentes" précise l'auteur de l'étude. D'autre part, les circuits de distribution sont plus longs à La Réunion qu'en Métropole. "A chaque étape du circuit de distribution d'un produit, le prix final prend en compte la rente de chacun des acteurs", commente Christian Duchesne. Analyse que ne partage pas Dominique Vienne, président de la CGPME, qui rappelle que certains coûts sont supérieurs à La Réunion, notamment le foncier économique.

L'analyse sur la cherté de la vie étant maintenant synthétisée, "il faut désormais passer à l'action", lance Paul Junot, représentant de la CFTC. L'UIR CFDT a annoncé qu'elle étudierait ce rapport durant les prochaines semaines et que des propositions pour améliorer le pouvoir d'achat des Réunionnais seraient faites en avril prochain.

Mounice Najafaly pour
guest
0 Commentaires