Economie - Santé

L'optique lunetterie à l'aube d'une mutation "majeure"

  • Publié le 20 avril 2011 à 06:00

Le secteur de l'optique lunetterie va connaître dans les années qui viennent des mutations "majeures" afin de répondre aux enjeux économiques et démographiques de l'île. Dans une étude intitulée "le secteur de l'optique lunetterie à l'horizon 2020", le Carif-Oref (Observatoire régional de l'emploi et de la formation) fait un état des lieux du secteur et engage une réflexion prospective sur le développement de la filière et de ses métiers dans les 10 prochaines années.

Le secteur de l'optique lunetterie se porte plutôt bien. En 1997, 17 magasins d'optique étaient implantés sur l'île. Ce chiffre est passé à 84 en 2009. On dénombre aujourd'hui 500 emplois dont 210 opticiens et 170 monteur-vendeurs. Le chiffre d'affaires de la filière avoisinait en 2009 les 50 millions d'euros (+0,7% par rapport à 2008). "Ce développement soutenu de l'activité s'explique en grande partie par l'accroissement des besoins de la population, toujours plus nombreuse et évoluant en âge", souligne l'étude.

Parallèlement, "les modes de consommation ont changé", note Guillaume Brionne, responsable de l'Oref. "Avant, on achetait les lunettes avant tout pour ses vertus thérapeutiques. Aujourd'hui, ce sont de véritables accessoires de mode", commente-t-il. Pour preuve, sur les 50 millions d'euros de chiffres d'affaires enregistrés en 2009, 10 millions d'euros n'avaient rien à voir avec la commercialisation d'équipements de correction optique.

Et selon l'étude du Carif-Oref, le secteur de l'optique lunetterie semble encore avoir de beaux jours devant lui. "Selon le scénario le plus probable retenu par la profession", peut-on lire, en 2020, les besoins en corrections optiques seraient plus importants qu'en 2010 du fait de l'évolution de la démographie (933 000 habitants), mais aussi d'un vieillissement global de la population, notamment les plus de 40 ans. Il y aurait alors plus de 440 000 porteurs de corrections optiques. Le chiffre d'affaires global du secteur pourrait alors atteindre les 67 millions d'euros, laissant la possibilité à l'installation de 10 à 15 nouveaux magasins et la création de 40 à 70 emplois.

Cette croissance du secteur sera accompagnée d'une évolution des métiers avec de plus en plus de responsabilités attribuées aux opticiens pour "délester" les ophtalmologistes. Pour satisfaire les besoins de la population, ce sont près de 150 000 prescriptions de corrections qui pourraient devoir être réalisées en 2020. Mais ccomme chez beaucoup de spécialistes, le renouvellement des générations a du mal à se faire au sein des ophtalmologistes. Au 1er janvier 2010, on comptait 42 ophtalmologistes sur l'île (dont 36 libéraux), soit 1 spécialiste pour 22 200 habitants. Cette densité est 2 fois moins élevée que celle observée en Métropole. Conséquence, les Réunionnais doivent souvent attendre 1 à 6 mois pour obtenir un rendez-vous avec leur ophtalmologiste.

Et la population risque d'être de plus en plus confrontée à des difficultés pour consulter leur spécialiste. La moyenne d'âge de ces professionnels dépasse les 50 ans. "La profession vieillit et son remplacement n'est pas assuré", analyse le responsable de l'Oref. Et pour cause, "les métiers de spécialistes attirent de moins en moins les jeunes", justifie-t-il. "Ce sont des formations très longues, les parents sont de plus en plus frileux à investir dans ce genre d'étude pour aider leurs enfants et le retour sur investissement ne se fait pas sentir immédiatement", détaille Guillaume Brionne. "Ce pourrait être un véritable problème de santé publique dans les prochaines années", poursuit-il.

C'est pour éviter d'engorger davantage les cabinets d'ophtalmologie que les pouvoirs publics ont décidé de procéder à un certain nombre de réformes. La première qui date de 2007 élargit le champ d'activités des opticiens. Ces derniers sont désormais autorisés à pratiquer des examens de réfraction (visant à reconnaître la nature du trouble visuel) afin d'adapter, dans le cadre d'un renouvellement, les équipements de correction optique dans un délai maximum de 3 ans suivant la prescription initiale de l'ophtalmologiste.

La seconde réforme qui pourrait intervenir dans les prochaines années ferait de l'opticien diplômé le seul habilité à remettre des verres de corrections optiques à son client. Se pose alors la question du devenir des monteur-vendeurs qui, pour la plupart (90%), n'ont pas de diplôme relatif à ce métier. Ils sont le plus souvent recrutés par rapport à leur compétence en matière commerciale.

Le Carif-Oref propose de former ces monteur-vendeurs pour faire évoluer leurs compétences. Problème, La Réunion manque d'établissements de formation dans ce domaine si ce n'est un bac pro optique lunetier monteur-vendeur qui vient d'ouvrir au lycée de Vincendo (Saint-Joseph). "Mais il n'y a pas de formation pour le métier d'opticien", signale Guillaume Brionne. Solution avancée par l'étude, former les monteur-vendeurs au métier d'opticien via le dispositif de validation des acquis (VAE) en attendant qu'un BTS opticien soit mis en place.

Reste un métier qui pourrait avoir de l'avenir, celui d'optométriste. Il s'agit de "professionnels de santé de l'oeil et du système visuel qui assurent un service oculaire et visuel complet, qui inclut la réfraction et la fourniture des équipements optiques, la détection/diagnostic et le suivi des maladies oculaires et la réhabilitation du système visuel". Ce métier n'est pour l'heure pas reconnu par le Code de la santé publique en France. En cas d'évolution législative, cette profession aura sûrement un rôle à jouer dans l'offre de soins oculaires. À La Réunion, il y aurait, selon la profession, environ 10 opticiens diplômés en optométrie.

Mounice Najafaly pour
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