Administrations - Service public

Les usagers dénoncent un mauvais accueil

  • Publié le 5 mai 2011 à 06:00

La fusillade qui a éclaté de dans le centre des finances publiques du Tampon ce mardi 3 mai et qui a fait 2 blessés, dont un grièvement, a fait réagir de nombreux Réunionnais. Si la plupart condamnent l'acte de Fred Lorion, l'auteur du coup de feu, beaucoup estiment que ce type d'acte était "prévisible". Beaucoup d'usagers dénoncent "un mauvais accueil des usagers par l'administration". Les syndicats de salariés s'en défendent, pointant du doigt "le manque de personnel et la pression de l'administration qui crée des tensions entre les agents et les usagers". A qui la faute ?

Il est 8 heures environ lorsque Fred Lorion pénètre dans le centre des finances publiques du Tampon. L'homme vient demander des explications sur les montants qui lui sont réclamés. Après une brève entrevue avec la trésorière adjointe de l'établissement, l'homme s'emporte, saccage les lieux, sort un pistolet et tire à six reprises. Il blesse deux agents, dont un grièvement. Il prend ensuite la fuite vers sa case dans laquelle il se retranche après y avoir mis le feu. Il est finalement interpellé par les gendarmes vers 9h40 et placé en garde à vue.

A l'annonce de cette agression, une première à La Réunion dans une administration publique, nombreux ont été les Réunionnais à réagir. Ce qui est frappant, c'est que beaucoup ne semblent pas avoir été surpris par l'événement même s'ils le condamnent. "Ce qui est arrivé est malheureux mais ça devait arriver un jour ou l'autre". Voilà un commentaire parmi tant d'autres. Ceux qui tiennent ce discours pointent du doigt "un mauvais accueil des usagers par l'administration". Impolitesse, mépris, manque de compassion, méconnaissance des services, sont les principaux reproches faits par les administrés qui se gardent bien de ne pas généraliser le problème. "Cela dépend des administrations et des fonctionnaires", précise Sabine, bénéficiaire du RSA.

La jeune femme dit avoir "plusieurs anecdotes où certains agents m'ont pris de haut". "Quand j'arrive au guichet après des heures d'attente, certains ne me disent même pas bonjour. Et quand je veux des renseignements, on me répond parfois sèchement. Je dois payer les impôts locaux, la taxe foncière, l'essence ne cesse d'augmenter et j'ai perdu mon emploi. Je demande juste un peu de compassion de la part des agents", lâche Sabine.

D'autres dénoncent le temps d'attente "excessif" dans des administrations ou "le manque d'investissement" de certains agents. C'est notamment l'avis de Ludwig Day. "On se fait parfois balader de service en service. J'ai pris plus de 5 heures pour trouver le bon service car mes interlocuteurs ne savaient pas où me diriger", affirme Ludwig Day. "Les agents savent qu'ils auront un salaire confortable à la fin du mois donc ils ne s'investissent pas dans leur mission. D'où la colère des usagers", concède l'administré.

"Chaque jour, j'entends ce type de discours", avoue Jean-Hugues Ratenon. "Des gens dans le besoin se retrouvent face à des agents en position de supériorité qui n'ont pas la capacité de comprendre leur détresse. Certains agents les humilient publiquement", poursuit le président de l'ARCP. "A chaque fois, c'est un coup de carabine virtuel qui leur est tiré dessus", s'emporte le membre du collectif.

Du côté des syndicats de la fonction publique, on "condamne" les propos tenus par des Réunionnais sur des forums et sur les ondes depuis la fusillade. "On n'a pas le droit de dire que ces agents méritaient qu'on leur tire dessus. C'est inacceptable", lance Pierrick Ollivier, secrétaire général à la CGTR Finances publiques.

"Les agents sont confrontés à la pression des contribuables et de l'administration. Ils ne parviennent pas à accueillir tout le monde dans des conditions optimales", explique Pascal Valiamin du syndicat Snui Solidaires. "A La Réunion, il y a un agent pour 1 000 habitants alors qu'en Métropole, la moyenne est de un agent pour 500 habitants. Nous manquons cruellement de personnel pour pouvoir accueillir ce flux", analyse Pierrick Ollivier. Il ajoute: "La situation sociale fait que les Réunionnais sont habitués à se déplacer dans les administrations malgré la mise en place de systèmes électroniques. Les centres sont surchargés et 2 agents doivent parfois accueillir 500 personnes".

Conséquence, "certains agents sont désagréables ou ne disent pas bonjour. C'est compréhensible au regard de tous ces éléments", confie Pierrick Ollivier. Pascal Valiamin relativise: "dans l'ensemble, les agents font bien leur travail. C'est sûr qu'individuellement, il y a des débordements de la part d'agents et de contribuables. C'est pareil partout. Certaines gèrent mieux le stress que d'autres. Mais cette situation est en aucun cas de la faute des fonctionnaires", dit-il. Le représentant du Snui Solidaires poursuit: "les agents sont en première ligne. Ils se font traiter de tous les noms à longueur de journée. Il faut arrêter de les stigmatiser dans ce débat".

Pascal Valiamin accuse plutôt "le système administratif et les pouvoirs publics" qui "créent des tensions entre les agents et les contribuables". "D'un côté on dit que les services se sont améliorés et de l'autre côté on diminue les effectifs. Et les fusions (Anpe-Assedic et Trésor-Impôts) sont une catastrophe", remarque le syndicaliste.

Jean-Luc Chevallier, directeur régional des finances publiques conteste ces propos : "L'accueil est au centre des efforts de la DGFIP et la fusion opérée depuis 2008 entre les services des impôts et du Trésor au sein des SIP (Services des Impôts des Particuliers) a pour objet d'en renforcer la qualité", affirme-t-il. Le responsable assure que "les agents dans des circonstances parfois chargées font preuve d'un sens du service public exemplaire et d'un très grand professionnalisme dans la relation aux usagers. Même s'ils ont à gérer des tensions, la courtoisie fait partie de leurs valeurs de service public".

Ce discours ne convainc pas Pascal Valiamin qui conclut: "ce qui s'est passé au Tampon (la fusillade - ndlr) n'est pas un bon signe pour les prochains mois".

Mounice Najafaly pour
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