La crise financière de 2007 et la récession économique qui suivit ont fortement affecté l'activité bancaire à La Réunion. Elles marquent une rupture dans la distribution du crédit, auparavant très dynamique. Les banques locales ont dû faire face à une importante montée des risques de crédit, engendrant des pertes pour le secteur équivalentes au résultat net dégagé par l'ensemble du système bancaire entre 2004 et 2007. Néanmoins, le secteur bancaire réunionnais a plutôt bien traversé la crise, retrouvant rapidement son niveau de rentabilité antérieur.
Dix ans après, les banques de la place ont absorbé les déséquilibres liés à cette crise. Le produit net bancaire des banques (assimilable à un chiffre d’affaires) se trouve néanmoins sous la contrainte de faibles taux d’intérêt induits par la politique monétaire de la BCE, d’une règlementation bancaire plus stricte et d’une surveillance renforcée de leurs tarifs bancaires.
À l’image des banques nationales, le monde bancaire réunionnais connait de profondes mutations de son modèle de développement. Le système bancaire du département est bousculé par la mise en œuvre de plusieurs plans de restructuration dans des banques et la digitalisation croissante des activités bancaires.
La crise a fortement affecté l’activité bancaire à La Réunion
Lorsqu’en 2007 la crise financière internationale s’amorce (voir encadré), la croissance annuelle des encours de crédits est encore très forte à La Réunion. Elle concerne à la fois les collectivités locales (pour le financement de la route des Tamarins), les entreprises (les promotions immobilières sont en plein essor) et les ménages (la consommation automobile explose).
En effet, dès le début des années 2000, les banques réunionnaises ont fortement accru leurs concours bancaires, prêtant largement au-delà du niveau d’épargne collectée. Mais avec la crise, les banques doivent faire face à un relèvement des taux de refinancement interbancaires et à un marché monétaire pratiquement bloqué en 2008-2009. Elles cherchent à diminuer leurs principales expositions aux risques pour équilibrer leur bilan
Cette baisse de l’offre de crédits s’accompagne d’une baisse générale de la demande (baisse de la consommation des ménages, baisse des investissements, de l’emploi, etc.), quand la crise financière devient une crise économique qui touche de plein fouet La Réunion en 2009.
Ce retournement conjoncturel est de plus accentué localement par la fin d’un cycle de grands travaux (notamment la route des Tamarins) et par les incertitudes qui pèsent sur les dispositifs de défiscalisation (loi Girardin). Ces incitations fiscales spécifiques à l’Outre-mer, à destination notamment de l’investissement locatif avaient très fortement dynamisé la construction de logements dans les années 2000, en décalage parfois avec les besoins du territoire (logements inaccessibles pour une grande partie des ménages). À partir de 2009, la loi Lodeom met fin au dispositif Girardin pour réorienter les aides publiques vers le logement social. La croissance des encours de crédits chute ainsi brutalement.
Après une croissance annuelle de 11,3% en moyenne sur 2004-2008, l’évolution des encours de crédits tombe à 1,9% par an en moyenne sur la période 2009-2013 (figure 1). Les crédits à la consommation diminuent (-2,0% en moyenne sur 2009-2013 après +5,9% sur 2004-2008) et les crédits aux entreprises stagnent (0,1% en moyenne par an), alors qu’ils progressaient de 11,4% par an en moyenne les années auparavant.
Des prêteurs institutionnels se sont partiellement substitués aux établissements locaux
A partir de 2009-2010, une substitution partielle s’opère entre les concours consentis par les prêteurs institutionnels et ceux des banques locales. On désigne par "prêteurs institutionnels" les trois grands établissements financiers français finançant majoritairement les collectivités publiques: la Caisse des dépôts et consignations (CDC), l'Agence française de développement (AFD) et Dexia (ex Crédit Local de France).
Les financements consentis par les prêteurs institutionnels sont majoritairement à destination du logement social et de l'investissement des collectivités locales. Au travers du lancement de marchés publics ou de la construction immobilière, ces financements ont servi de relais pour soutenir l'économie réunionnaise.
La croissance de leurs en cours de crédits s’établit ainsi en moyenne à +7,6% par an entre 2009 et 2013, contre 1,1% pour les banques et établissements locaux. Pour ces derniers, la reprise du crédit est plus tardive, les encours de crédits ne progressant de nouveau que courant 2015.
La part des prêteurs institutionnels dans les crédits aux entreprises passe ainsi de 33% en 2008 à 49% en 2017. Pour les collectivités locales, la part des prêteurs institutionnels augmente aussi, passant de 67% en 2008 à 76% en 2017.
De la crise financière à la crise économique
La crise financière mondiale a débuté avec le retournement du marché immobilier américain en 2007 : les valeurs des obligations, dites subprimes, adossées à des crédits immobiliers de mauvaise qualité s’effondrent. En aout 2007, lorsque BNP Paribas annonce devoir geler trois de ses fonds monétaires composés de tels produits à risques, la panique s’empare des marchés.
Le 9 aout 2007, la Banque centrale européenne (BCE), la Federal Reserve (Fed) et la Banque centrale du Japon décident d’injecter plus de 330 milliards de dollars dans le circuit monétaire mondial dans le but d’enrayer la panique, mais le coup d’envoi de la crise est donné.
Entre 2007 et 2009, c’est l’ensemble du système bancaire mondial qui est touché. La majeure partie des établissements financiers afficheront des pertes importantes et certains disparaitront comme Lehman Brothersen en septembre 2008, dont la faillite devient emblématique de la crise bancaire. Face au risque de contagion, les banques cessent de se prêterles unes aux autres. Sur 2008-2009, le marché interbancaire est quasiment bloqué.
La restriction de crédit s’étend aux ménages et aux entreprises: après une période où les crédits coulaient à flots, la phase de retournement est sévère. Le climat général de grande incertitude pèse également sur le comportement des acteurs économiques (consommation, embauches, investissement), ce qui accélère le retournement conjoncturel et plonge nombre de pays dans une crise économique majeure. Le système bancaire réunionnais ne connaitra pas de faillites d’établissements bancaires, mais les conséquences économiques de cette crise financière sur le département n’en seront pas moins violentes.
La croissance du PIB en volume, qui se situait entre 4% et 5 % par an sur les années antérieures à 2008, chute à -4,0 % en 2009, mettant un frein brutal au rattrapage de l’économie réunionnaise (Cf.CEROM-10 ans après la crise,"la crise freine le rattrapage économique réunionnais", juillet 2019).
Dix ans après la crise, l’activité de crédit a repris
Dix ans après la crise, l’activité de crédit a retrouvé un rythme dynamique. Avec la reprise économique, les besoins de financement privé sont de nouveau importants. En 2017, les encours totaux de crédits à l’économie réunionnaise affichent la plus forte progression depuis la crise +6,4 % sur un an.
Leur croissance ralentit en 2018 mais reste élevée (+5,0% en glissement annuel à fin décembre 2018). La croissance des financements est tirée par les crédits consentis aux ménages (+6,3 % en 2018 après +8,8% en 2017), avec un dynamisme notable des crédits à la consommation.
Simultanément, la croissance des encours de crédits aux entreprises affiche une progression soutenue (+3,2% en 2018 après +4,1% en 2017) portéepar les crédits d’investissement. Depuis 2016, ce ne sont plus les prêteurs institutionnels, mais les établissements locaux qui soutiennent la hausse des crédits
Sur le marché de l’épargne, les conséquences de la crise s’illustrent par des choix de placements différents
Avec la crise financière, les placements sur les marchés boursiers, en actions ou en fonds communs de placement se sont fortement dépréciés. Néanmoins, l’impact est faible à La Réunion, du fait de leur moindre poids dans les placements totaux des épargnants réunionnais.
L’appétence des ménages et des entreprises réunionnaises pour les placements à risque avait en effet significativement diminué à la suite de l’explosion de la bulle spéculative sur les valeurs technologiques en 2000. Ils représentaient ainsi 9% des placements en 2007 contre 13% fin 2000. En 2018, leur part ne s’élève plus qu’à 4% des placements totaux.
Au final, avec la crise économique, l’épargne totale collectée par les banques réunionnaises a connu un frein dans sa progression, mais s’est remise à croitre régulièrement dès 2010. En particulier, la collecte de dépôts à vue progresse très significativement depuis 2013, tandis que les placements à long terme (actions, obligations, OPCVM et assurance-vie) ralentissent fortement à partir de 2014, parallèlement à la diminution des rendements des actifs longs, notamment l’assurance-vie.
Entre 2002 et 2018, le poids des dépôts à vue dans les placements financiers totaux des agents économiques réunionnais progresse ainsi de près de 10 points, passant de 28% en 2002 à 45% fin 2018, au détriment essentiellement des placements indexés sur les taux de marché (dépôts à terme, certificat de dépôts négociables et OPCVM monétaires), dont le poids est passé de 16% en 2002 à 3% en 2018.
La crise a mis en lumière les risques liés aux activités bancaires, notamment sur l’équilibre entre crédit et épargne
Dans l’euphorie des années qui ont précédé la crise, les banques réunionnaises avaient fait croitre leurs engagements de crédit beaucoup plus rapidement que les ressources collectées auprès de leur clientèle.
Sur l’ensemble du système bancaire réunionnais (incluant les sociétés financières et de crédits), l’écart entre l’épargne et les crédits est ainsi passé d’un quasi-équilibre en 2002 à un déficit de près de 3 milliards d’euros en 2008.
Calculé net des placements non transformables (placements boursiers ou sous forme d’assurance-vie), ce besoin de refinancements interbancaires dépasse 6 milliards d’euros en 2008, soit près de 60% des ressources totales collectées sur la place.
Ce déséquilibre entre crédit et épargne a accru la vulnérabilité des établissements bancaires face à la crise, lorsque leurs besoins de refinancement interbancaire ou auprès de leur maison-mère se sont trouvés fortement contraints. La mise en lumière de ce risque a ensuite poussé les banques à accroitre la collecte de ressources et à diminuer les risques pour équilibrer leur bilan.
Dix ans après, le système bancaire local est quasiment revenu à la situation du début des années 2000, avec un déficit de collecte de l’ensemble de la place de l’ordre de 0,7 milliard d’euros. Néanmoins, avec 3,5 milliards d’euros de placements non transformables, la place présente encore un besoin net de refinancement interbancaire d’environ 4milliards d’euros en 2018.
Les banques locales ont fait face àune importante montée des risques pendant la crise
Conséquence directe de la crise, l’économie réunionnaise a connu de nombreux sinistres, tout particulièrement dans le secteur de la promotion immobilière et certains grands groupes. Les encours de crédits douteux des banques et établissements de crédit de la place ont ainsi doublé, passant de 600 millions d’euros en 2007 à 1,2 milliard d’euros en 2012.
En 2018, les créances douteuses représentent encore un encours d’environ 900 millions d’euros, malgré les passages en perte et les cessions à des cabinets de recouvrement. En pourcentage des encours totaux de crédits consentis, la place financière est ainsi passée d’un taux de 4,6% de créances douteuses en décembre 2007 à un maximum de 8,0% en juin 2012.
Aujourd’hui, les banques et les établissements financiers installés dans le département (hors prêteurs institutionnels) présentent un taux de créances douteuses de l’ordre de 5%, soit le niveau d’avant-crise.
L'impact de la crise sur la rentabilité du système bancaire
Une rentabilité retrouvée, mais un cout de la crise important pour le secteur bancaire
Même au plus fort de la crise financière, malgré la forte augmentation du risque, le système bancaire réunionnais n’a pas enregistré de résultats négatifs. Certes, en 2009, la Banque de La Réunion enregistre une perte de 58,3 millions d’euros, épisode qui est en partie à l’origine de sa fusion-absorption par la Caisse d’épargne Provence Alpes Corse (Cepac), mais le système bancaire dans son ensemble dégage un résultat net global agrégé de 22,5 millions d’euros cette année-là.
Dès 2012, il retrouve un niveau de rentabilité globale égal ou supérieur à celui des années 2006-2008, dégageant un résultat net après impôts de +150 millions d’euros chaque année. Le cout de la crise financière pour les banques a néanmoins été important. Les pertes du secteur ou "couts du risque" (essentiellement la somme des provisions nettes et des créances irrécupérables constatées) s’élèvent en cumulé sur 2008-2012, à près de 500 millions d’euros, tous établissements locaux confondus.
Ce montant, qu’on peut associer au cout de la crise financière pour le système bancaire réunionnais, est équivalent à la somme des résultats nets dégagés par l’ensemble du système bancaire entre 2004 et 2007.
Après une période avant-crise vigoureuse, le produit net bancaire stagne depuis 2011
En forte augmentation jusqu’ici, le produit net bancaire (PNB) dégagé par l’ensemble du système bancaire local (assimilable pour les établissements bancaires à leur chiffre d’affaires) ne progresse plus depuis 2011. Sa principale composante, la marge nette sur intérêts se trouve en effet contrainte d’une part, par la baisse des taux d’intérêt induite par la politique monétaire accommodante de la BCE pour relancer l’économie à partir de 2011, et d’autre part en raison du fort ralentissement de la demande de crédit observé après la crise.
Parallèlement, les banques réunionnaises font l’objet d’une surveillance renforcée de leurs tarifs, qui se traduit par une diminution de ces tarifs bancaires notamment avec la Loi Lurel 1. Aujourd’hui, les composantes du PNB en progression sont les commissions perçues sur la commercialisation des produits d’assurance-vie, automobile et habitat, sur lesquels les banques cherchent à gagner des parts de marché.
Du fait de cette stagnation du PNB, qui se conjugue à des couts fixes et des charges de personnel qui ont continué de croitre, la part des frais généraux dans le PNB (appelée coefficient net d’exploitation bancaire) s’est accrue ces dernières années. De 50% en 2007, elle atteint 62% en 2017, illustrant un effritement de la rentabilité du secteur
Un monde bancaire en mutation
Les années 2010 sont marquées par la digitalisation de l’économie et la montée des contraintes règlementaires et prudentielles. Ces transformations concernent également le réseau bancaire réunionnais.
Un paysage bancaire réunionnais qui évolue
Entre 1998 et 2008, le nombre d’établissements financiers installés à La Réunion a augmenté (de 20 à23), permettant un accroissement de l’offre bancaire, dans un contexte de rattrapage de la bancarisation du territoire vis-à-vis de la métropole et une intensification de la concurrence. Il diminue légèrement depuis (20 établissements en 2018), avec notamment les disparitions du Crédit maritime à La Réunion (fusionné avec la BRED) et de la Banque de La Réunion (fusionnée avec la CEPAC).
La fusion intervenue en 2016 entre la CEPAC et la Banque de La Réunion a modifié le niveau de concentration du marché bancaire réunionnais. Mesuré par l’indice Herfindhal-Hirschmann2(IHH), l’état de la concurrence se dégrade fortement en 2017. Sur le marché de la collecte de ressources, cet indice dépasse notamment le seuil de risques en matière de concentration.
D’autres mouvements impactent le système bancaire du département, en particulier celui de digitalisation croissante des activités bancaires et la mise en œuvre de plans de restructuration dans certaines banques.
Depuis 2013, le nombre d’agences bancaires implantées à La Réunion ne progresse plus. En 2018, il se réduit, suivant ainsi le mouvement engagé depuis déjà plusieurs années en France métropolitaine. Jusqu’en 2014, les effectifs employés par le système bancaire réunionnais ont régulièrement progressé, jusqu’à la mise en œuvre de plans de restructuration dans deux établissements bancaires du département. En 2018, les effectifs employés ont commencé à décroitre à La Réunion.
Le durcissement de la règlementation bancaire
La crise financière de 2007-2009 a fait prendre conscience aux autorités monétaires de certaines insuffisances de la règlementation prudentielle de l’époque. La règlementation dite de Bâle II, qui venait d’être négociée et mise en application au moment de la crise financière, juste avant 2007, a ainsi été remplacée par Bâle III.
Cette évolution de la règlementation bancaire a essentiellement pris la forme d’un renforcement des exigences en fonds propres demandées aux établissements de crédit (sous la forme de " coussins " supplémentaires de capital nécessaires), et l’obligation de respect d’un certain nombre de ratios dans le cadre de Bâle III.
Ces réformes ont conduit les établissements bancaires du département à réduire leurs limites individuelles d’exposition aux risques sur les plus grosses signatures, et à partager le risque avec d’autres établissements. Elles ont néanmoins peu impacté la rentabilité des banques de La Réunion du fait d’un niveau de fonds propres déjà élevés pour les deux banques ayant leur siège localement (la Banque française commerciale océan Indien -BFCOI et la Caisse régionale de Crédit Agricole). De la même manière, les portefeuilles de titres d’État souscrits par ces établissements pour respecter les nouveaux ratios de liquidité ont été peu impactants au final.
Les banque perdent de l'argent stop je ne peut pas rire j' ai les lèvres gercées je pleure