Cantonales 2011

Les enjeux de ces élections

  • Publié le 18 mars 2011 à 18:00

Les 20 et 27 mars prochain, 316 838 électeurs devront élire leurs 25 conseillers généraux parmi 158 candidats de tous bords politiques. La collectivité est actuellement dirigée par une majorité plurielle de gauche (PCR, PS, Modem, Droite sociale). Après avoir perdu le Conseil régional en 2010, la gauche veut garder la main sur le Conseil général. La droite quant à elle veut surfer sur la dynamique des régionales et s'emparer du Palais de la source. Mais au-delà des cantonales, ces élections sont un véritable test pour de nombreux hommes politiques alors que d'importantes échéances électorales approchent, les législatives et la présidentielle en 2012, et les municipales en 2014. Quelle sera la couleur politique de la collectivité à l'issue de ce scrutin ? Quels sont les enjeux de ces élections ?

L'union, tel a été le maître mot à droite comme à gauche pour ces élections cantonales. A droite d'abord, Didier Robert a pris la responsabilité de présenter une liste "d'union de la droite" sous la bannière de La Réunion en confiance. "Un moment historique", se réjouissait-il le 9 février dernier lors de la présentation de ses poulains. L'objectif de cette liste d'union, faire un "remake" des régionales de 2010.

Néanmoins, malgré l'union de façade, de nombreuses divisions existent. D'abord, cette union s'est faite au détriment de certains candidats qui se sont finalement présentés sous l'étiquette divers droite. C'est le cas de Maurice Hoarau, pourtant conseiller général sortant, et de Jean-Bernard Hoarau, une personnalité dans le monde agricole dans les deux cantons du Tampon ou de Georgette Trabouillet à Saint-Paul écartés de la liste de La Réunion en confiance au profit d'illustres inconnus. Sans compter certaines incohérences comme le choix de présenter à Saint-Paul 1 Alain Bénard, l'ancien maire battu à deux reprises par la communiste Huguette Bello.

Toujours à droite, Jean-Paul Virapoullé, qui veut tester sa popularité à Saint-André à 3 ans des municipales, a décidé de faire cavalier seul avec sa propre liste. C'est aussi le cas de Nadia Ramassamy, 2ème vice-présidente au conseil régional. Conscient de ces divisions, Didier Robert a appelé à un "rassemblement le plus large autour des candidats de la droite" au second tour. Reste à voir si cet appel sera entendu. Pour l'heure, Jean-Paul Virapoullé n'y a pas donné suite. Nadia Ramassamy a quant à elle annoncé qu'elle ne s'allierait pas avec le parti de Didier Robert.

En cas de victoire de la droite, ce sera la consécration pour Didier Robert qui sera alors le chef de file incontestable de la droite réunionnaise. En deux ans, l'homme aura réussi à faire basculer les deux collectivités locales à droite. En cas de défaite, ce serait un désaveu pour le leader de La Réunion en confiance, à la tête de la Région depuis seulement un an. Sanction de la politique nationale ? Sanction de sa politique locale ? Ou simplement erreur stratégique ? Didier Robert devra alots tirer les conséquences de cet échec. Et la droite risque de se retrouver une nouvelle fois divisée.

A gauche, on affirme "avoir tiré les leçons des régionales de 2010" où le PS et l'Alliance s'étaient entredéchirés durant la campagne et entre les deux tours. Conséquence, les deux partis ont avancé leurs pions séparément et ont enregistré une cuisante défaite alors qu'une liste d'union au second tour aurait permis à la gauche de rester à la tête de la Pyramide inversée. Un an après les élections, "la hache de guerre est enterrée", affirmait un proche du PCR le 6 février dernier. Pas pour tout le monde vraisemblablement puisque lors d'un meeting à Sainte-Marie le 12 mars dernier, Paul Vergès évoquait de nouveau la "trahison" des régionales de 2010.

Quoi qu'il en soit, le PS et le PCR semblent être sur la même longueur d'onde à la veille des élections cantonales. Un accord a même été signé entre les deux partis le 6 février dernier pour concrétiser cette volonté d'union. Cet accord prévoit que le candidat des "forces de progrès" qui aura obtenu le plus de voix au premier tour aura le soutien du PS et du PCR grâce au mécanisme du "désistement républicain". Quid des candidats inscrits sous l'étiquette Alliance ? "Cet accord prévoit également un désistement républicain si le candidat concerné fait partie de l'Alliance et s'il est soutenu par le PCR", avait alors indiqué Elie Hoarau, secrétaire général du PCR. L'objectif étant de faire en sorte que les "forces de progrès" restent à la tête du conseil général.

Mais là encore, cette union cache certaines divisions à gauche, et notamment au sein du PCR comme le prouvent l'éviction de Yvon Virapin, conseiller général sortant, à Saint-André 1, au profit de Michèle Caniguy, adjoint au maire communiste Éric Fruteau, ou encore les déclarations d'Huguette Bello lors d'une conférence de presse ce jeudi 17 mars à l'encontre de Nassimah Dindar. "Mes candidats et moi ne sommes pas dans cette majorité", a-t-elle affirmé. Réaction immédiate du PCR qui, dans un communiqué publié ce vendredi 18 mars, a souligné " qu'il a activement contribué au bilan de la majorité sortante" et "qu'il entend participer, dans le cadre de la prochaine mandature à une majorité de progrès".

La suite du communiqué sonne comme un rappel à l'ordre du PCR à Huguette Bello : "tous les membres du Parti Communiste Réunionnais doivent agir dans ce sens, pour atteindre l'objectif central fixé. Dans la fidélité de ses engagements, le Parti Communiste Réunionnais se fait un devoir d'?uvrer au rassemblement des Réunionnais et ce dans le respect de chaque composante participant à cette majorité de progrès". Reste à voir comment la députée-maire de Saint-Paul va réagir. Elle qui n'a jamais hésité porter la contradiction à Paul Vergès va t-elle se ranger derrière l'avis de son parti ou va-t-elle rentrer en dissidence ?

Les enjeux dans certains cantons s'annoncent intéressants comme à Saint-André, Saint-Paul, Saint-Louis, le Port, la Possession ou encore au Tampon.

Saint-André sera le théâtre de plusieurs duels. Duel à droite d'abord à Saint-André 2 entre Serge Camatchy et Roland Désiré, le poulain de Jean-Paul Virapoullé. Depuis les municipales de 2008, le divorce est consommé entre le sénateur et le conseiller régional. Duel aussi au sein du PCR/Alliance à Saint-André 1 entre Yvon Virapin, écarté de l'investiture au profit de Michèle Caniguy. Enfin, duel entre Eric Fruteau, maire actuel de la commune, et l'ancien maire Jean-Paul Virapoullé. Ce scrutin aura valeur de sondage pour les deux hommes dans la perspective des municipales de 2014.

A Saint-Paul, il s'agit d'un vrai test pour Huguette Bello. En cas de victoire de ses candidats, elle sera d'une part confortée à Saint-Paul dans la perspective des législatives de 2012 et des municipales de 2014. D'autre part, elle va asseoir sa légitimité au sein de son parti.

A Saint-Louis, on assiste à un duel entre l'ancien maire de Saint-Louis, Cyrille Hamilcaro, et l'actuel maire, Claude Hoarau. Là encore, les résultats donneront une tendance de l'opinion à 3 ans des municipales. Même chose à la Possession où Roland Robert, maire de la commune et conseiller général sortant, se présente une nouvelle fois au verdict des urnes. Ce scrutin servira aussi à évaluer le degré d'érosion ou de maintien de son électorat.

Le Port, fief du PCR, sera aussi un canton à suivre. Et pour cause, le canton du Port 1 verra le retour de Pierre Vergès, Jean-Yves Langenier, conseiller général sortant, ayant décidé de ne pas rempiler. Il semble peu probable que le candidat communiste soit mis en difficulté, la question sera ce connaître l'ampleur de cette victoire ? Au Port 2, on assistera à un duel entre Henry Hippolyte (PCR/Alliance) et celle qui fut élue sous la bannière du PCR en 2004 et qui se présente aujourd'hui avec l'étiquette "La Réunion en confiance", Monica Govindin. La transfuge du parti communiste parviendra-t-elle à capter le même électorat qu'en 2004 ou sera-t-elle sanctionnée pour son changement de casquette?

Enfin au Tampon, fief de Didier Robert, cette élection revêt un caractère de référendum pour l'actuel président de Région. En cas de victoire de la gauche, notamment d'André Thien-Ah-Koon sur le canton de Tampon 2, et de Jean-Jacques Vlody sur le canton de Tampon 4, ce serait un véritable désaveu pour le patron de la droite réunionnaise.

Outre l'ensemble de ces éléments, d'autres facteurs pourraient faire pencher la balance à droite ou à gauche. La grande inconnue de ces élections est le taux de participation. Contrairement à 2004 où elles étaient couplées avec les régionales, et à 2008 où elles avaient lieu en même temps que les municipales, ces élections cantonales 2011 sont isolées. Or, contrairement aux autres élections, les cantonales ne passionnent pas les Français et plus particulièrement les Réunionnais. On peut donc s'attendre à un faible taux de participation qui pourrait jouer en faveur de l'un ou de l'autre camp. Tout dépendra de la capacité de chaque parti à mobiliser son électorat.

L'autre interrogation porte quant au mode de suffrage. Pour être élu au premier tour de scrutin, il faut recueillir la majorité absolue des suffrages exprimés et un nombre de voix égal au quart des électeurs inscrits. Et pour pouvoir participer au second tour, il faudra avoir réuni au moins 12,5% des suffrages sur son nom. Ce qui va limiter grandement le nombre de triangulaires voire augmenter le nombre de cantons avec un seul candidat au second tour. Il suffira ensuite d'obtenir la majorité relative pour être élu.

Ces éléments d'analyse tiennent pour le premier et le second tour. Comme l'a dit Nassimah Dindar, présidente sortante du conseil général, dans un entretien accordé à Imaz Press Réunion ce vendredi 18 mars, "Il y aura un troisième tour", à savoir l'élection du président du conseil général. Selon les résultats du scrutin, toutes les combinaisons seront alors possibles...

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