Découverte scientifique de l'institut Pasteur

Le virus du chikungunya a muté

  • Publié le 23 mai 2006 à 00:00

Des chercheurs de l'Institut Pasteur ont retracé l'origine et l'évolution du virus Chikungunya dans l'Océan Indien. Ils y sont parvenus grâce au séquençage total du génome de six souches virales isolées chez des malades de La Réunion et des Seychelles, ainsi qu'au séquençage partiel de la protéine E1 du virus chez 127 patients de La Réunion, de Madagascar, des Seychelles, de Maurice et de Mayotte. Ces recherches ont établi que le virus du chikungunya est capable de muter pour donner d'autres formes de la maladie

L'étude de l'institut Pasteur est publiée dans "PLoS Medicine", ouvre des pistes de recherche pour expliquer l'ampleur de l'épidémie et le développement de formes graves de la maladie. En effet, dans un communiqué rendu public, ce mardi 23 mai 2006, l'institut Pasteur à Paris indique : "cette étude initiée au Centre National de Référence des Arbovirus a pu être poursuivi à grande échelle grâce à la plate-forme de Génotypage des Pathogènes et Santé Publique de l'Institut Pasteur".
Les chercheurs de l'institut Pasteur ont travaillé en collaboration avec des cliniciens et des virologistes de La Réunion, de Madagascar (Institut Pasteur), de Mayotte et des Seychelles.

Importé d'Afrique

"L'étude démontre d'abord que les souches virales de l'Océan Indien sont proches entre elles et apparentées aux souches d'Afrique de l'Est, Centrale et du Sud isolées entre 1952 et 2000 : les virus ayant émergé dans les îles de l'Océan Indien ont donc vraisemblablement été importés depuis le continent africain. Ce scénario est compatible avec les échanges de populations entre l'Afrique de l'Est et les Comores, où l'épidémie a commencé début 2005. D'autre part, des modifications dans les génomes viraux au fil de l'épidémie, et notamment l'émergence et la prédominance d'un génotype particulier à partir de septembre 2005, suggèrent une évolution adaptative des souches virales.

Mutation du virus

Le séquençage du génome complet d'une souche virale isolée du liquide céphalo-rachidien (LCR) d'un patient réunionnais atteint de méningo-encéphalite a mis en évidence plusieurs mutations, causant des substitutions d'acides aminés, qui sont propres à cet isolat clinique. Des études sont en cours pour déterminer si ces substitutions sont associées d'une part à la neurovirulence du virus Chikungunya et d'autre part à une plus grande efficacité de la multiplication virale.
Des "signatures moléculaires" des virus, véritables empreintes génétiques, au niveau de la protéine d'enveloppe E1 du virus ont également été trouvées. En effet, la structure tridimensionnelle de E1 d'un alphavirus très proche, le virus de la Forêt de Semliki, avait été réalisée auparavant par l'équipe de Félix Rey et ceci a permis de modéliser la protéine E1 du virus Chikungunya, afin de localiser les mutations.

Adaptation du moustique

Une de ces signatures, qu'on ne trouvait pas au début de l'épidémie, est devenue prédominante à partir de septembre 2005 dans les souches réunionnaises, précédant donc de peu l'explosion épidémique. Les auteurs suggèrent qu'elle serait à l'origine d'une adaptation au moustique Aedes albopictus, qui n'était pas connu jusque là pour être un vecteur du virus Chikungunya : la protéine E1 est en effet impliquée dans l'attachement du virus aux membranes cellulaires du moustique. La position de cette signature moléculaire sur la protéine E1 est en effet connue pour influencer la multiplication du virus chez le moustique vecteur.

Manque critique de connaissances

Ce travail ouvre la voie à des études fonctionnelles qui permettront d'avancer dans la connaissance du virus Chikungunya. Comme le soulignent les auteurs " l'ampleur de l'épidémie dans l'Océan Indien et le fait qu'elle ait touché un pays très médicalisé a conduit à la description de nouvelles formes cliniques de la maladie et mis en évidence le manque critique de connaissances sur la physiopathologie de la maladie et la biologie du virus ".
Une douzaine d'équipes à l'Institut Pasteur travaillent depuis plusieurs semaines à dévoiler les mystères du virus Chikungunya. La présente étude vient enrichir les pistes de recherche dont disposent les scientifiques et aidera à moyen terme à développer des outils pour combattre cette maladie négligée".
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