Saint-Denis - Rassemblement de soutien à Abdul Hack Juan

L'impartialité de la police mise en cause

  • Publié le 19 août 2010 à 06:00

Plus de 150 personnes étaient réunies ce mercredi 18 août 2010 sur le parvis des Droits des l'Homme, à Saint-Denis, pour écouter le discours de Maître Rémi Boniface, avocat d'Abdul Hack Juan. Le jeune homme, fils de Nassimah Dindar, a été interpellé par la police le 13 août dernier à la sortie de la mosquée de Saint-Denis pour "outrage et rébellion". Du gaz lacrymogène avait alors été tiré dans la rue piétonne. L'avocat juge cette interpellation "violente, brutale, et injustifiée". Maître Boniface souhaite donc que "cette injustice soit réparée et que le paix durable revienne". Il a annoncé qu'il allait demander au Procureur de la République de dessaisir la police de l'enquête sur les circonstances de cette interpellation. "Elle est impliquée. Elle ne peut pas être impartiale", argue t-il.

Plus de 150 personnes avaient répondu à l'appel du comité de soutien à Abdul Hack Juan à se réunir sur le parvis des Droits de l'Homme. Parmi les personnalités présentes, on peut citer le député européen Elie Hoarau, la sénatrice Gélita Hoarau, les conseillers régionaux Catherine Gaud, Aline Murin-Hoarau, Maya Cesari, André Thien-Ah-Koon, ou encore le beau-père d'Abdul Hack Juan et élu de la ville de Saint-Denis, Ibrahim Dindar. Tous étaient présents pour écouter le discours de Maître Boniface. Un discours qui s'est fait en l'absence d'Abdul Hack Juan, "bouleversé par ce qui s'est passé".

Pour Maître Boniface, "l'intervention (ndlr : de la police) du 13 août était brutale et injustifiée". Il rappelle les faits, selon la version de son client. Abdul Hack Juan sortait ce vendredi 13 août de la prière de midi à la mosquée de Saint-Denis. "C'était le jour de son anniversaire. Il savait qu'il allait rompre le jeûne ce soir là avec son père. Il n'était donc pas dans un état d'esprit énervé", souligne Rémi Boniface.

Le jeune homme serait passé à côté d'un fourgon de police. Lorsque celui-ci est arrivé au niveau de la roue arrière, toujours selon Maître Boniface, un policier l'aurait appelé pour effectuer un contrôle d'identité. C'est là que le ton serait monté. "Abdul Hack Juan n'avait pas à montrer ses papiers", souligne l'avocat qui rappelle qu' "un policier ne peut effectuer un contrôle d'identité qu'en cas d'infraction ou sur réquisition du Procureur". "En l'occurrence, aucune condition n'était remplie", lance le professionnel.

La suite des événements, "les vidéos qui ont été publiées le montrent. Abdul Hack Juan est arrêté de façon violente et brutale", estime l'avocat. Il a également salué "l'intervention digne d'Ibrahim Dindar" qui a tenté de convaincre les policiers de relâcher son beau-fils. En réponse, un agent de la BAC (Brigade anti criminalité) aurait répondu, selon l'avocat, "toi, si tu ne te pousses pas, tu vas te faire bomber la gueule comme les autres".

Maître Boniface estime que les policiers n'ont pas respecté les articles 9 et 12 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789. L'article 9 stipule "tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne, doit être sévèrement réprimée par la Loi". Quant à l'article 12, il est écrit que " la garantie des droits de l'Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée". Ces principes n'ayant pas été respectés, selon l'avocat, il demande donc que "cet acte injustifié soit réparé", en invoquant l'article 15 de la Déclaration : "la Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration".

Pour ce faire, il souhaite que la police soit dessaisie de l'enquête. Plusieurs raisons à cela. D'une part, "elle est partie prenante dans l'affaire. Elle ne peut pas être impartiale", juge Maître Rémy Boniface. D'autre part, il estime que la version donnée par la police "véhicule beaucoup de mensonges". Enfin, l'avocat a signalé que "certaines personnes ont fait l'objet de pressions pour qu'elles ne témoignent pas". Une demande pour que la police soit dessaisie de l'enquête sera déposée ce mercredi après-midi auprès du Procureur de la République. "C'est à cette condition que nous porterons plainte", précise l'avocat.

Par ailleurs, Maître Boniface a appelé les Réunionnais "à ne pas stigmatiser un corps ou une institution. Il y a des policiers très dévoués, très courageux. Seul un petit nombre se prennent pour des cow boys". Interrogé sur l'écho qu'aurait eu cette affaire si la personne interpellée n'était pas le fils de Nassimah Dindar, l'avocat répond : "Je ne sais pas si cela aurait eu un tel écho. Et ça m'attriste qu'une personne anonyme fasse l'objet de violences sans que personne ne réagisse. Cette affaire permet de donner un exemple de ce qui ne doit plus jamais se reproduire", termine t-il.

Mounice Najafaly pour
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