Cimetière marin de Basse Vallée

Le bulldozer écrase l'Histoire

  • Publié le 20 août 2010 à 16:00

Il y a quelques jours, la Ville de Saint-Philippe a ordonné le nettoyage au bulldozer de deux parcelles jouxtant le cimetière marin de Basse Vallée. Cela en vue de la construction de 5 logements sociaux. En visitant le site, des membres d'associations de sauvegarde du patrimoine ont constaté que les travaux de défrichage ont empiété sur le cimetière. Elles sont montées au créneau ce jeudi 19 août 2010 pour dénoncer cette "profanation". Du côté de la municipalité, on se défend de tout acte de profanation. Le maire de Saint-Philippe, Olivier Rivière a même indiqué que le site ferait l'objet d'une remise en valeur.

Selon les archives, l'existence du cimetière marin de Basse Vallée remonte au 19ème siècle, à l'année 1820 plus exactement. Il appartenait à la commune de Saint-Joseph jusqu'en 1830 où la propriété sera transférée à la commune de Saint-Philippe. Le cimetière était alors mixte, avec une partie réservée aux esclaves. Plusieurs sépultures y sont creusées jusqu'en 1870, année de la création du second cimetière de Saint-Philippe.

Depuis cette date, le cimetière marin de Basse Vallée n'est plus utilisé mais reste un vestige important de l'histoire de La Réunion. Même s'il n'est pas classé par la Direction régionale des affaires culturelles (Drac). Plusieurs associations historiques et de protection du patrimoine se battent pour la préservation du site. Des travaux de restauration des tombes et des mausolées ont été menés pour sauvegarder le lieu. C'était il y a quelques années. Depuis, le site est laissé à l'abandon.

Il y a quelques jours, un bulldozer qui effectuait des travaux de défrichage sur un terrain proche des tombes a empiété sur le cimetière. "Un vrai carnage" selon les riverains qui se sont rendus sur les lieux. Le bulldozer a arraché plusieurs pierres tombales sur son passage. Il est désormais impossible d'identifier le lieu exact où elles se trouvaient. Ce qui provoque la colère des associations qui qualifient cet acte de "profanation".

"Quand en métropole on profane une tombe, il y a sanction. Comment, ici, une mairie peut-elle se permettre de rouler sur les vestiges d'un lieu de mémoire de la sorte. Pour nous, c'est un mépris de l'Histoire ?", s'est même indigné un riverain dans les colonnes du Jir. Olivier Rivière, maire de Saint-Philippe, se défend de tout acte de profanation. Il ajoute que le site ferait l'objet d'une remise en valeur en vue de la création d'un parc touristique.

Pour Patrick Lebreton, député-maire de Saint-Joseph, il s'agit d'une "destruction ". "Pour rendre constructibles deux ou trois parcelles, on s'est donc attaqué à un lieu de mémoire, détruisant la moitié du site. Les tombes brisées par les engins étaient les plus modestes, probablement des tombes d'esclaves", dénonce l'élu. "Où est le respect dû aux morts ? Où est le respect de notre histoire ?", s'indigne-t-il. "En tant que Saint-Joséphois, en tant que défenseur de la mémoire du sud, en tant que Réunionnais, je ne peux que dire mon indignation. Il s'agit d'une profanation de cimetière. Il s'agit d'une violation de notre histoire", termine t-il.

Même indignation du côté du PCR qui dénonce "l'irresponsabilité" d'un tel acte. "Les travaux dans un cimetière doivent faire l'objet d'une autorisation du Tribunal administratif. Ce n'est vraisemblablement pas le cas dans cette affaire", s'insurge Elie Hoarau, député européen.

Enfin, Gélita Hoarau, sénatrice communiste, souligne dans un communiqué publié ce vendredi après-midi : "cette initiative inconsidérée n'aurait pu se produire si la loi sur l'archéologie préventive avait été appliquée à La Réunion comme c'est le cas sur le reste de tout le territoire français. En effet, si La Réunion avait eu un service régional d'archéologie, elle aurait eu une carte archéologique sur laquelle le cimetière aurait figuré".

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