Le Port - Cas de saturnisme au "triangle de l'Oasis"

"Il faut évacuer la zone"

  • Publié le 5 janvier 2011 à 14:00

Depuis fin 2008, 11 cas de saturnisme infantile ont été recensés dans le "triangle de l'Oasis", au Port. Ce quartier de 5 hectares est délimité par les rues du 20 décembre 1848, du 8 mars et Eliard Laude. Selon une étude diligentée par la l'Agence régionale de santé, ces cas sont dus à la présence d'un taux "anormalement" élevé de plomb dans cette zone qui servait, à une époque, de dépotoir. Après avoir pris connaissance de ces études, fin novembre 2010, la municipalité du Port, en partenariat avec les services de l'Etat et l'ARS, a décidé de prendre un certain nombre de mesures pour informer la population vivant dans ce triangle. Objectif de cette campagne d'information, "inciter la population à évacuer la zone". "C'est le seul moyen d'éviter que d'autres personnes soient touchées par cette maladie", explique Jean-Yves Langenier, le maire du Port.

Le premier cas de saturnisme infantile sur l'île remonte à octobre 2008. Une campagne de dépistage de cette maladie est lancée au niveau national. A La Réunion, 88 enfants participent aux prélèvements. Les résultats sont connus en juillet 2009 et montrent qu'un enfant a contracté la maladie. Celui ci vit dans le "triangle de l'Oasis". Rapidement, les autorités sanitaires font des prélèvements auprès de la fratrie du jeune enfant. Ses 5 frères et s?urs ont aussi été contaminés. Fin 2009, le saturnisme est aussi diagnostiqué chez une voisine de cette famille.

A la suite de la révélation de ces cas, une enquête est diligentée par les autorités sanitaires pour connaître "l'origine" de cette maladie. En effet, "contrairement à la Métropole, il y a peu de matériaux en plomb à La Réunion", affirme Thomas Campeau, sous-préfet de Saint-Paul. Ce que savait la municipalité, "c'est que la zone servait de dépôt de containers, de matériaux récupérés, et était une zone d'allers et venues de camions à une époque", indique Jean-Yves Langenier. Des éléments pas suffisants pour pousser la municipalité à prendre un arrêté d'interdiction d'accès au site.

Ce n'est que fin novembre 2010 que les résultats de l'étude de l'ARS sont connus. "Le sol est pollué en plomb", constate le docteur Philippe Renault, responsable de la cellule d'étude à l'ARS. Cette pollution ne concernerait pas toute la zone mais certains secteurs du quartier. De plus, "ce n'est pas une pollution profonde. 50 centimètres tout au plus", ajoute le médecin. Parallèlement, 4 nouveaux cas de saturnisme infantile sont recensés dans le quartier, ce qui porte à 11 le nombre total de cas depuis fin 2008.

Suite à la publication de cette étude, plusieurs mesures ont été prises par la municipalité, en partenariat avec la préfecture et l'agence régionale de santé. Des familles ont été relogées. L'accès au site par les poids lourds a été interdit. Le site a été nettoyé. Les points de concentration en plomb ont été recouverts de béton. Des panneaux d'interdiction de dépôts sauvages et de containers ont été posés.

Dernière action en date, ce mardi 4 janvier 2011, les différents services sont partis à la rencontre de la population du "triangle de l'Oasis" pour les "informer des risques de cette maladie". "Il faut savoir que le saturnisme est dangereux pour les enfants et les femmes enceintes qui peuvent contaminer le f?tus", précise le docteur Philippe Renault.

Désormais, les autorités veulent inciter les habitants de ce quartier à "quitter la zone". "C'est le seul moyen d'éviter tout risque de contracter la maladie", insiste Jean-Yves Langenier. Mais les services de la mairie doivent faire face à deux problématiques importantes. D'une part, "il est impossible de savoir précisément le nombre de familles qui vivent dans le quartier". Se basant sur les chiffres précédents, la municipalité estime qu'il y aurait "environ 50 familles", la majorité étant "issue de la zone Océan Indien". Certains d'entre eux vivent dans le triangle de l'Oasis depuis plus de 10 ans. Beaucoup sont des occupants sans titre. Selon Jean-Yves Langenier, 32 familles "sont encore sous le coup d'une ordonnance d'expulsion depuis 2003".

Autre problème, celui du relogement de ces familles. La mairie demande aux familles de quitter les lieux mais ne propose pas de solution de relogement. "Reloger autant de familles est un dispositif très lourd et très couteux. Cela peut se faire, mais il faudra énormément de temps. Il faut que les familles quittent les lieux le plus tôt possible", explique Jean-Yves Langernier. "Selon nos informations, des familles ont les moyens de prendre un logement privé", ajoute Thomas Campeau. Pour l'heure, "aucune expulsion n'est à l'ordre du jour", indique le maire du Port. "Mais il faut que chacun prenne sa part de responsabilité. Les familles doivent partir", poursuit-il.

Sur place, dans le quartier du "triangle de l'Oasis", les habitants confirment la venue des agents de la mairie ce mardi 4 janvier. Ils se disent "conscients" du risque que présente cette maladie mais avouent qu'ils ne quitteront pas leur logement. "Nous n'avons pas les moyens", explique Abadallah qui vit dans le quartier depuis près de 10 ans. "Mais si on nous propose une solution de relogement, bien sûr que nous partirons", termine t-il.

La saturnisme est une maladie correspondant à une intoxication aiguë ou chronique par le plomb. Il peut causer des troubles psycho-moteurs chez l'enfant. Il est également dangereux pour les femmes enceintes qui peuvent contaminer leur foetus.

Mounice Najafaly pour
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