Disparition d'un Réunionnais ténor du Barreau parisien

Maître Jacques Vergès est mort

  • Publié le 16 août 2013 à 03:47

Maître Jacques Vergès est mort à Paris ce jeudi soir 15 août 2013 à l'âge de 88 ans de causes naturelles. Fils du docteur Raymond Vergès, père de la départementalisation de La Réunion - avec Léon de Lepervenche -, et frère de Paul Vergès, fondateur du parti communiste réunionnais, il a été l'un des avocats les plus controversés et redoutés du barreau de Paris, à la pointe des luttes anti-colonialistes. Prenant pour cibles l'Etat, la société ou la Justice, pour défendre une cause autant qu'un client, cet avocat médiatique et narcissique, fin lettré, aimait provoquer et déstabiliser, souligne l'AFP (Agence France Presse).

Selon lepoint.fr, Maîre Jacques Vergès s'est éteint "dans la chambre même où Voltaire avait poussé son dernier souffle, le 30 mai 1778". Affaibli depuis quelques mois, le célèbre avocat avait du mal à se remettre d'une bronchite, depuis quelques semaines. "14 août, une amie proche propose de l'héberger chez elle. Elle habite quai Voltaire, à Paris, face au Louvre, dans l'appartement où l'auteur de Candide passa les dernières années de sa vie et où il expira" relate le site d'information. Jacques Vergès a passé là-bas toute la journée du 15 août et s'apprêtait à dîner, jeudi soir, vers 22 heures (heure de La Réunion, quand il s'est subitement effondré, apparemment victime d'un malaise cardiaque. Un médecin habitant l'immeuble est appelé en urgence, avant que le SAMU n'intervienne. En vain.

Une sortie de scène à la hauteur de la vie de cet homme, militant acharné des luttes anticolonialistes, qui s'est taillé au fil de procès retentissants une réputation sulfureuse d'avocat du diable.

La liste de ses clients était impressionnante. Il a notamment défendu le nazi Klaus Barbie, le "révolutionnaire" Carlos ou le khmer rouge Khieu Samphan mais aussi les membres des mouvements d’extrême-gauche européens (Fraction armée rouge, Action directe), les activistes libanais Georges Ibrahim Abdallah et Anis Naccache, le dictateur serbe Slobodan Milosevic, etc. Il était aussi disposé à défendre le dirigeant libye Mouammar Kadhafi rappelle libération.fr.

On peut encore citer la famille Boulin, la fille de Marlon Brando, le capitaine Barril, le jardinier marocain Omar Raddad, le tueur en série Charles Sobrhraj, des dirigeants africains tel Laurent Gbagbo après sa défaite à l'élection présidentielle en Côte d'Ivoire, la dernière grande cause de l'avocat.

Comme son frère Paul Vergès, Jacques Vergès est né le 5 mars 1925 - mais un an plus tôt selon un biographe – au Siam dans l’actuelle Thaïlande (à Ubon Ratchathani) où son père, le Réunionnais Raymond Vergès et son épouse vietnamienne sont installés. Sa mère meurt lorsqu'il a trois ans. Raymond Vergès et ses enfants viennent ensuite à La Réunion. Jacques Vergès passe son enfance et son adolescence dans l'île. Scolarisé au lycée Leconte-de-Lisle à Saint-Denis avec son frère Paul, il est le compagnon d'études de Raymond Barre, à qui il dispute la place de premier. En 1942, lorsque Le Léopard, bateau de guerre des Forces Françaises libres, libère La Réunion du régime de Vichy représenté par le gouverneur Paul Emilie Aubert, Jacques et Paul Vergès s'engagent dans la Résistance et se rendent à Londres. Ils n'ont pas encore 18 ans.

Démobilisé à la fin de la Seconde guerre mondiale, Jacques Vergès s’inscrit au PCF. Il devient président de l’association des étudiants coloniaux et rencontre Pol Pot, le futur Khmer rouge. Puis il séjourne à Prague de 1951 à 1954, avant de rentrer à Paris fin 1955 année au cours de laquelle il prête serment après de brillantes études d’avocat.

Engagé à fond dans la guerre d’Algérie, il devient l’avocat du FLN (Front de libération national) et quitte le PCF en 1957, le jugeant "trop tiède" sur ce dossier. En 1963, il épouse - en secondes noces - la militante du FLN Djamila Bouhired, après l’avoir sauvée de la peine de mort, souligne libération.fr.

Il embrasse ensuite le maoïsme en créant le périodique Révolution. Il soutient le FPLP palestinien et plus globalement toutes les luttes anti-colonialistes.

De 1970 à 1978, Jacques Vergès disparaît. Au retour, il laisse planer le mystère sur cette période, se bornant à dire qu’il a passé des vacances "très à l’est de la France", et reprend ses activités d’avocat enchaînant les procès hyper médiatisés et la défense des grandes causes. 

Jacques Vergès a publié une vingtaine de livres, dont "Dictionnaire amoureux de la justice", "Le salaud lumineux", "Justice pour le peuple serbe", "Beauté du crime", "La démocratie à visage obscène", "Sarkozy sous BHL" etc. En 2007, le documentariste Barbet Schroeder lui a consacré un film intitulé "L’avocat de la terreur" présenté à Cannes.

Ces cinq dernières années, Jacques Vergès se produisait au théâtre dans un spectacle - plaidoyer intitulé "Serial plaideur" où il racontait dans un spectacle le roman de sa propre vie, avec brio, note lefigaro.fr

Ce jeudi soir, Maître Jacques Kiejman a rendu hommage à un homme "dont la dimension intellectuelle dépassait de loin la sphère judiciaire", "un des deux ou trois avocats extraordinaires de la génération qui était la mienne" indique lefigaro.fr.

Pour sa part, Maître Charrière-Bournazel, président du Conseil national des barreaux (CNB), a déclaré à l'AFP avoir dîné avec Me Vergès "il y a une dizaine de jours". "Il avait fait une chute il y a quelques mois, et du coup il était très amaigri, marchait très lentement. Il avait des difficultés à parler mais intellectuellement il était intact. On savait que c'était ses derniers jours mais on ne pensait pas que ça viendrait aussi vite", a-t-il dit.

Il a aussi rendu hommage à Jacques Vergès, "un très brillant avocat, avec une grande culture (...), très courageux et très indépendant", mais aussi "très narcissique", un "provocateur" qu'il avait affronté au côté des parties civiles lors du procès de Klaus Barbie que défendait Me Vergès. "Ce qu'on peut retenir de Jacques Vergès, c'est à la fois le talent, le courage, l'engagement et le sens de la contradiction avec un respect de l'autre. Un avocat, ce n'est pas un mercenaire, c'est un chevalier, et Jacques Vergès était un chevalier", a-t-il résumé.

Jacques Vergès était venu pour la dernière fois à La Réunion début novembre 2012 lors des obsèques de Laurence Vergès, sa belle sœur et épouse de Paul Vergès. Il s'est éteint un 15 août. Son père, le docteur Raymond Vergès est né en 1882, un 15 août.

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4 Commentaires
visavie
visavie
10 ans

Jacques Vergés savait aussi défendre sans prendre d'honoraires, et répondait toujours lui-même au courrier qui lui était adressé, mais de la gratuité il n'en parlait pas, ce qui fait aussi sa grandeur

ahmed
ahmed
10 ans

a son lieu d'obseque ,enterrement

René Paul
René Paul
10 ans

RIP pour un homme qui a poussé la défense de ses convictions au bout du bout, qui avait la grandeur d'esprit de defendre que tout homme quel que soit son crime a droit à un procès équitable et une défense cohérente, qui a aussi lutté jusqu'au bout de ses forces contre le colonialisme, et contre l'hyprocrisie d'une certaine société bien pensante

TEGO
TEGO
10 ans

Exclusif :
Jacques Vergès est mort dans la chambre même où Voltaire avait poussé son dernier souffle, le 30 mai 1778 il aura réussi sa sortie , selon les informations d'un journal national !