Transgenre : ils et elles ont changé d'identité

Un nouveau sexe pour une nouvelle vie

  • Publié le 16 mai 2015 à 05:00

Etre né avec un sexe masculin et se sentir femme ou inversement, c'est le quotidien de certaines personnes. Ne pas être à l'aise dans son corps, une véritable souffrance qui pousse certains d'entre eux à passer le cap du changement de sexe.

Cheveux lisses, jambes fuselées, robe bleue et démarche féminine, rien ne laisse supposer qu’Emilie* était un garçon il y a à peine quelques mois. Anciennement Matthieu*, la jeune étudiante de 19 ans est née avec un sexe masculin. "Une erreur de la nature" qui l’a toujours perturbée depuis sa plus tendre enfance. " Petite je jouais uniquement avec des jeux de fille et je me sentais mal dans ce corps de garçon ", se souvient Emilie.

Ce sentiment de mal-être gagne de l’ampleur au fil des années et atteint son paroxysme durant l’adolescence. " Il y a un fossé entre le corps et l’esprit et on souffre ", explique la jeune femme. Emilie décide d’agir. " A 17 ans, j’ai commencé ma psychothérapie ", se rappelle-t-elle.

" La procédure du changement de sexe se compose de 3 phases : la psychothérapie, lhormonothérapie et l’opération chirurgicale. Elle est prise en charge par le sécurité sociale mais j’ai dû payer les dépassement d’honoraires ", explique la jeune femme.

" Quand j’ai commencé l’hormonothérapie, je scrutais chaque changement physique. Je me mettais beaucoup trop de pression ", raconte Emilie. Le traitement hormonal dure toute la vie. Progressivement le corps se met en " adéquation avec son esprit ". Après 4 mois de traitement, Emilie change entièrement sa garde-robe. " Fini les chemises de mecs et les jeans, je m’achetais enfin des robes, c’était un pur bonheur, je me sentais enfin en accord avec moi-même ", affirme l’étudiante.

La famille d'Emilie a été confrontée à ces changements. Elle a accueilli la jeune femme à bras ouvert. " Avec ma mère, les choses ont totalement changé. Je me suis beaucoup rapprochée d’elle, on a eu une relation mère-fille ", souligne l’étudiante. Emilie décide ensuite de totalement franchir le pas. Elle s'envole pour la métropole afin de subir une opération chirurgicale

Une opération chirurgicale lourde

" Ce n’est pas une greffe, on a façonné un sexe féminin à partir de mon ancien sexe, on m'a fait une vaginoplastie ", tient à préciser l’étudiante. Après l’opération, un sentiment de libération et de renaissance gagne la jeune femme. " Je me suis dit, enfin ! On m’a enlevé ce qui me gênait depuis le début ", soupire de soulagement de la transexuelle.

La vaginoplastie qui consiste à reconstituer un vagin à partir du pénis est une opération chirurgicale lourde nécessitant des soins post-opératoires importants. Emilie est restée 2 mois en métropole pour son suivi médical. " La vaginoplastie est une transformation chirurgicale irréversible. Il est impossible pour le patient de revenir à l’état antérieur de la stérilisation ", commente Christophe Daltin, médecin à Sainte-Clotilde.

Des facteurs qui ne perturbent pas l’intéressée : " Avant je me sentais inférieure aux autres femmes car je n’avais pas de sexe féminin. Aujourd’hui je ne me sens  pas différentes des autres femmes, mon nouveau sexe est un véritable atout", confie t-elle.

Au niveau sexuel, Emilie est catégorique : "  j’ai toujours été attirée par les hommes. Avant je ne me considérais pas homosexuel car intérieurement je me sentais femme ; une femme est forcément attirée par un homme. Actuellement, dans mes relations, je constate que les hommes sont curieux et je vis autrement ma sexualité ".

Pour cette jeune femme, la dernière étape sera celle du tribunal. Il s'agira d’officialiser son changement de sexe.

Emilie n’est pas un cas isolé à La Réunion, Mathilde* est également atteint du syndrome de Benjamin plus connu sous l'appellation de transexualisme. Aujourd’hui, elle se fait appelée Jim*. " Quand j’étais petite, je ne supportais pas les vêtements féminins ", narre le Saint-Paulois de 22 ans. Au lycée, après quelques recherches sur internet, la lycéenne de l’époque, découvre qu’il est possible de changer de sexe à La Réunion et décide de suivre la procédure du changement du sexe en 2011.

"Maintenant j’ose porter des débardeurs"

Après 2 séances, Jim obtient l’accord du psychiatre concernant l’injection d’hormones mâles. " Chez les femmes, la testostérone va développer les caractères sexuels masculins, élargir le menton, augmenter la pilosité, diminuer les seins, stopper le cycle menstruel et augmenter la taille du clitoris et chez les hommes l’hormone féminine va développer les caractères sexuels féminin, comme l’augmentation de la poitrine ou la diminution de la pilosité, précise Christophe Daltin, le professionnel de la santé.

Au bout d’un mois de traitement, Jim se souvient : " je n’avais plus mes règles, c’était une vrai libération ". Il ajoute " avant quand je me regardais dans le miroir, je m’attendais à voir un garçon mais je voyais une fille. Je me disais : c’est pas mon corps ça. C'était un sentiment désagréable ", relate-t-il.

Ce sentiment de mal-être pousse l’ancienne fille à se faire opérer dans une clinique de Saint-Denis en 2013 et à subir une ablation des seins. " J’étais très complexé par ma poitrine de fille, je ne mettais que des tee-shirts amples, maintenant j’ose porter des débardeurs ", déclare Jim.

Sur le plan sexuel, Jim avoue : " comme j’aimais les filles, je me sentais homosexuel; mais c’est particulier parce que je ne me sentais ni homme ni femme, j’étais moi, c’est tout ". " Aujourd’hui les choses ont changé, même si j’ai toujours des ovaires, je me sens homme. ", insiste Jim.

Une procédure longue

Prochaine étape pour la transexuelle : le retrait des ovaires. " Si je parviens à obtenir des congés, j’aimerais réaliser l’opération en septembre ", espère le Saint-Paulois. Une fois cette étape franchie, Jim pourra effectuer un changement d’identité au niveau administratif.

La procédure devant l'état-civil est longue. Elle est précédée d’une étape obligatoire au tribunal de grande instance qui accorde ou non un jugement favorable au changement de sexe. Ce jugement est capitale afin d’entamer les démarches administratives. " Dès réception du jugement du tribunal, nous apposons le changement de sexe et de prénom sur les documents officiels comme l’acte de naissance et l’extrait de naissance ", explique Nathalie Fontaine, responsable de l’état civil de l’hôtel de ville de Saint-Denis. Une mention spéciale concernant le changement de sexe et de prénom est apposée en bas de l’acte de naissance mais les informations antérieures figureront toujours sur le document officiel. Toutefois sur l’extrait de naissance, les modifications de l’identité remplaceront les anciennes données.

En 2014, l'état-civil de Saint-Denis a recensé un cas seul changement de prénom avec jugement du tribunal. Et depuis le début de l’année 2015, une seule personne aurait effectué un changement de sexe et de prénom.

Alyssa Mariapin pour www.ipreunion.com

*Nom d’emprunt

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1 Commentaires
CHABAN
CHABAN
8 ans

Alyssa Mariapin
Très beau reportage et beau témoignage !
Merci