Agriculture

L'ananas Victoria sous haute surveillance

  • Publié le 23 septembre 2015 à 10:00

La chambre d'agriculture de La Réunion a tenu à montrer, ce mardi 22 septembre 2015, les ravages que la maladie du Wilt et les cochenilles provoquent actuellement sur certaines exploitations d'ananas. Les agriculteurs concernés font état d'une perte de 40 à 50 % de leur production, voire 80 % sur certaines parcelles. Si la situation perdure et vient même à empirer au cours des quatre prochaines années, l'ananas Victoria, fierté réunionnaise, pourrait lourdement chuter de son piédestal économique.

"Quand on voit que c'est sec, les bouts de feuille commencent à rouler, à sécher", décrit Jean-Max Lebon, producteur d'ananas depuis deux ans. Autres symptômes: l'ananas ne grossit pas, le pied rougit et la racine ne se développe pas, ce qui permet d'arracher facilement le tout. "Je ne les mange pas les petits ananas, c'est acide, ce n'est pas bon", commente pour sa part Henri-Georges Lebon, agriculteur depuis 45 ans et maintenant à la retraite. L'exploitation de sa femme est touchée, du coup il songe à faire une rotation en plantant de la canne à la place. Sauf que "la canne ne marche plus trop"…

La cause de tous ces ananas qui n'arrivent pas à maturité est toute désignée : la maladie du Wilt. Véhiculée par les fourmis et les cochenilles, cette dernière semble avoir profité des conditions de sécheresse et de froid pour se montrer plus virulente. "C'est une maladie complexe, multifactorielle", affirme Yannick Soupapoullé, responsable du pôle végétal à la chambre d'agriculture. Impossible de réellement savoir les conditions de son expression. D'autant que certains plants sont "porteurs sains" et peuvent transmettre la maladie sans être directement affectés.

Un projet de vitroplants élaborés en laboratoire doit permettre de lancer des expérimentations sur le terrain et d'obtenir des éléments de réponses aux nombreuses questions soulevées. Les plants ainsi cultivés, en milieu aseptisé, se révéleront peut-être plus résistants. L'idée d'une plante assainissante est également évoquée pour "nettoyer" les sols infectés. "Nous n'en sommes qu'aux balbutiements, tempère Yannick Soupapoullé. Il nous faut encore caler les protocoles. Le projet commencera l'année prochaine, il faudra surveiller l'évolution des vitroplants, nous aurons des données exploitables dans deux à trois ans."

Des coccinelles contres les cochenilles ?

Autre angle d'attaque : les vecteurs de transmission. Les fourmis représentent un problème pour l'ensemble de l'agriculture réunionnaise sauf qu'aujourd'hui, aucun produit de type fourmicide n'est homologué pour les professionnels. De toute manière, "dans le cadre d'une agriculture raisonnée, nous évitons d'utiliser des pesticides", précise Eric Soundrom, responsable des affaires agricoles à la chambre d'agriculture. Pour ne rien arranger, aucun insecte auxiliaire (qui s'attaque uniquement au nuisible, ndlr) n'existe pour s'attaquer aux fourmis. Pour la cochenille, des coccinelles avaient été introduites en masse, il y a un peu plus de deux ans, pour voler au secours des manguiers. Difficile de savoir si la même méthode peut être utile aux ananas. Encore une fois, des tests sont à mener…

La maladie du Wilt n'est pas nouvelle dans l'île mais elle semble donc gagner en efficacité. Le recours aux vitroplants, s'il donne des résultats satisfaisants, suppose un gros investissement du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et de l'Association réunionnaise pour la modernisation de l'économie fruitière, légumière et horticole (Armeflhor) pour les produire. "Pour un hectare, il faut entre 60 et 70 000 plants, comptabilise Eric Soundrom. Avec 400 hectares d'ananas à La Réunion, si on souhaite remplacer tous les champs infectés, il faudra pas mal d'années…"

Selon lui, il n'y a pas de "risque de diminution substantielle de la production locale" dans les trois à quatre prochaines années. Cependant, plusieurs agriculteurs réfléchissent à changer de culture si des pertes de l'ordre de 50 % se normalisent. "Dans ces conditions, ce n'est pas la peine de continuer, souffle Jean-Max Lebon. Il n'y a pas d'autres cultures qui peuvent remplacer l'ananas et sa rentabilité. C'est un fruit intéressant et connu. Il faut garder notre label "Victoria" de La Réunion."

Avec un regain de nocivité de la maladie du Wilt, l'un des fruits péi les plus emblématiques pourrait se retrouver très sérieusement menacé. L'ananas demeure aujourd'hui le fruit le plus exporté avec 1 500 tonnes annuelles. L'enjeu pour l'agriculture et l'économie locales en de taille.

www.ipreunion.com

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2 Commentaires
mécoué
mécoué
8 ans

La stratégie développée par ce battage médiatique est difficilement compréhensible. C'est vrai que tout est devenu hélas spectacle.

8 ans

c'est bizarre ! que tout cela , avant il n'y avait pas cela , les virus !