La misère est trois fois plus élevée à La Réunion que dans l'Hexagone (actualisé)

Vivre en dessous du seuil de pauvreté, c'est survivre

  • Publié le 25 juin 2018 à 11:34

La dernière étude de l'Insee sur les revenus des Réunionnais révèle qu'en 2015, 40% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté soit au moins 342 000 personnes.La moitié des Réunionnais vit avec moins de 1 190 euros par mois et par unité de consommation (UC). Ce niveau de vie médian est bien moindre qu'en métropole (1 690 euros par UC). Pour un quart des ménages réunionnais, les prestations sociales constituent leur ressource principale. Bien que ces chiffres s'appuient sur des données datant de 2015, vivre en dessous du seuil de pauvreté est toujours une réalité en 2018 pour près de la moitié de la population réunionnaise. Concrètement que signifie "vivre en dessous du seuil de pauvreté" ? "C'est survivre, pas vivre" dit Myriam, mère de deux enfants

Le manque d’emploi, un chômage plus prégnant qu'en métropole, un nombre de familles nombreuses et monoparentales plus élevé sur l'île expliquent que la pauvreté touche environ un Réunionnais sur deux.

Lire aussi : 40%de la population réunionnaise vit sous le seuil de pauvreté, à La Réunion, "la misère est beaucoup plus présente qu'en métropole"

Myriam a 33 ans et élève seule ses deux enfants de 12 et 7 ans. Cette maman divorcée n'a pas pu faire d'études supérieures. Aujoud'hui, elle n'a que le RSA comme ressource."Je suis au RSA depuis des années et quand on n’a pas de travail,  ni de formation, on est obligé de partir de zéro".  La mère de famille dit vouloir s’en sortir mais,  à 33 ans "quand t’as pas de formation, pas d’expérience, personne ne veut de toi ".

- "Le RSA est subi, pas choisi" –

Myriam n’a que le RSA comme ressource. Elle n’a aucun soutien financier "le père de mes enfants ne me donne pas d’argent, je n’ai que le RSA "

Le fait de vivre avec les minima sociaux, est très "handicapant" pour Myriam. Au quotidien, elle doit se priver et priver ses enfants "on ne peut pas partir en vacances par exemple ". Elle l'affirme " on ne vit pas avec le RSA, c’est tout juste si on arrive à survivre ".

Pour elle, ce manque de moyens financiers est un frein pour ses enfants et leur épanouissement "ils ne font rien à part l’école. Je voulais inscrire le petit à la natation mais ça coûte trop cher. Mon plus grand fait du foot, mais il va devoir arrêter alors qu’il aime ça, parce qu’il lui faut une autre paire de crampons mais je n’ai pas les moyens ".

Elle ne peut pas se permettre d’avoir des loisirs. Encore moins une voiture qui coûte trop chère à l’entretien "j’avais une voiture, mais je l’ai vendu. Je payais 80 euros d’assurance ". Aujourd’hui, elle prend les transports, mais ne va pas très loin "parfois mes enfants veulent sortir, aller à Saint-Denis, voir des amis, mais quand je compte les tickets de car jaune pour 3 de Saint-Pierre  à Saint-Denis, j’en ai pour 30 euros. Il faut aussi prévoir des repas ".   

- Des fins de mois "très difficiles" -

Myriam touche exactement 820 euros de RSA pour elle et ses deux enfants et 414 euros d’aide au logement par mois.

Elle habite dans un T3 du parc privé pour 490 euros par mois  "c’est une connaissance qui m’a permis de trouver ce logement, ma demande de logement social n’aboutit pas, j’attends depuis deux ans".

Une fois toutes ses charges fixes et son loyer payés il ne lui reste plus que  260 euros pour faire le mois, et "ce n’est pas suffisant" estime-elle.

À cela s’ajoute les impondérables "quand tu vas chez le médecin et qu’à la pharmacie un médicament n’est pas remboursé, tu dois le payer, mais il faut les avoir les sous".

Les foyers à faibles ressources vivent "des fins de mois difficiles". Myriam l’assure "chaque fin de mois, c’est difficile. Le 3 du mois je compte les centimes pour pouvoir acheter une baguette". Pour réussir à tenir jusqu’à la fin du mois, Myriam a un petit boulot ‘au black’ "je demande qu’on me paye à la fin du mois pour pouvoir tenir, sans cela, je ne m’en sortirai pas".

- "Je n’achète pas de viande" -         

Avec seulement 260 euros de reste à vivre pour le mois, Myriam prend toutes ses précautions quand elle fait les courses.  "Je n’achète jamais de viande" déclare-t-elle "les rares fois où j’achète du poulet, c’est du poulet surgelé et on n’en mange pas souvent ".

Quand elle fait ses courses, elle privilégie les aliments de petit-déjeuner pour ses enfants. Pour les autres repas, elle achète plutôt des produits premiers prix, des conserves et des pâtes "je mise beaucoup sur les conserves, thon, sardines en boîte". 

 S’agissant des produits frais, des fruits et des légumes, son caddy n'en contient que très peu " je ne vais qu’une seule fois par mois au marché. Quand j’achète des fruits, je n’en prends que trois, puisqu’on est trois, trois pommes, trois oranges. On mange rarement des fruits" explique la mère de famille.

- On a fait les courses pour trois, et la conclusion est sans appel… -

Parce que les actes sont plus parlants que les mots, la rédaction d’Imaz Press s’est prêtée à l’exercice en faisant les courses pour trois. Notre journaliste s’est mise dans la peau de Myriam, mère de deux enfants à qui il ne reste plus que 260 euros pour tenir le mois.

Elle s’est rendue dans une enseigne de supermarché réputée "discount" avec une liste de courses comportant des aliments de base, sans aucune fantaisie (riz, huile, conserve, farine, œuf, sucre, yaourt, biscottes, pâtes, etc.) et des produits d’hygiène et d’entretien de la maison de première nécessité. La liste de courses ne comporte pas de carri (viande ou poisson) ni de produits frais, qui seraient donc à ajouter. Nous ne choisissons que les produits les moins chers de type "premier prix". Ces courses devraient permettre de tenir environ 10 à 15 jours pour un adulte et deux enfants de 7 et 12 ans. Regardez :

Le passage en caisse est sans appel, 150 euros pour des courses de base ne comportant pas de produits frais, ni de carri. Bien sûr ces courses ne permettent pas de tenir tout le mois. Pour tenir tout le mois, il faudrait bien 250 euros de plus pour couvrir les besoins de la famille.Voilà qui explique pourquoi les fins de mois sont difficiles lorsqu’on vit avec le RSA.

 - "Les enfants grandissent, leurs besoins aussi " -             

Ce qui angoisse le plus Myriam, c’est l’inévitable "les enfants grandissent et avec ça leurs besoins".

Elle explique "j’achète des vêtements deux fois par an pour eux. À la rentrée scolaire, je profite de la prime de rentrée et à la fin de l’année avec la prime de Noël. Le reste de l’année je ne peux pas".

Et quand, les enfants ont des besoins, elle l’affirme "quand je dois racheter des baskets en cours d’année parce qu’elles sont trop petites ou des chaussettes, je galère. Parfois je suis obligée de dire à mes enfants de patienter jusqu’au mois prochain avec des chaussures trop petites. Aujourd’hui, il manque une paire de baskets, demain il manquera les chaussettes".

Il est aussi difficile pour elle d’offrir à ses enfants des cadeaux "ça fait deux ans que mon plus grand veut un vélo, mais j’ai toujours dit non faute de moyens. Ce sont mes frères et sœurs qui se sont cotisés pour le lui offrir" raconte la mère de famille.

- Le RSA, "c’est un cercle vicieux" -

Faire partie des bénéficiaires du RSA, rend difficile tout projet " avec le RSA tu n’as pas de perspective d’avenir. C’est difficile d’avoir un projet pour s’en sortir, alors on reste au RSA ".

Myriam vit sa situation comme un catalogage de la société "on n’est pas considéré, en réalité rien n’est fait pour vraiment aider la personne qui est eu RSA à s’en sortir. C’est comme si on nous disait ‘les gens qui sont au RSA sont tous bêtes et sans avenir, on vous donne le RSA pour vivre, ne vous plaignez pas, contentez-vous en’ ".

"C’est un système pourri, il te donnes pour te reprendre" poursuit-elle.

Dans une telle situation, Myriam ne peut pas faire d’économie "je n’arrive pas à mettre un sous de côté. Dès que je ramasse 20 euros, il faut quelque chose et je suis obligée de les sortir".

- "Si tu ne sors pas du RSA, tu condamnes tes enfants" -

Pour Myriam, le plus difficile à vivre, c’est  de " voir ses enfants grandir en restant dans cette situation, en restant comme ça, tu les condamnes ". Myriam déplore l’impact que sa situation actuelle risque d’avoir sur l’avenir de ses enfants " tu ne peux pas leur payer d’études, tu ne peux pas soutenir tes enfants dans ce qu’ils aiment ". Elle déclare " si tu es au RSA tu es dans le minimum, alors tu donnes à tes enfants le minimum ".

- Se battre pour s’en sortir –

Myriam ne veut pas reste au RSA toute sa vie. Elle veut s’en sortir, car elle en est convaincue "si tu restes au RSA tu n’as pas d’avenir". Elle a  livré bataille contre la précarité pour ses enfants "c’est pour eux que je cherche un emploi".

Elle reste positive "il y a de quoi s’en sortir pour celui qui le veut vraiment, il faut juste être bien accompagné et se rapprocher des gens qui sont habilités à le faire ". Pour elle, ce n’est toutefois pas une démarche facile car " il faudrait qu’on arrête de mettre tout le monde dans le même sac. C’est pas parce qu’on est au RSA qu’on ne vaut rien et qu’on aime cette situation".

La mère de famille a déposé un dossier pour passer le Diplôme d’accès aux études universitaires (DAEU). Elle souhaite par la suite passer les brevets d’état pour devenir coach sportif et entraîner une équipe de handball féminin.

sjb/eg/db/www.ipreunion.com (mis en ligne lundi 25 juin 2018 à 3 heures - actualisé)

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6 Commentaires
LA FAUCHEUSE
LA FAUCHEUSE
5 ans

Bravo pour vos posts, Pipo et Jacques. Je suis tout a fait d'accord avec vous. Et hélas, les perdants dans cette affaire, ce sont bien ceux issus de la classe moyenne.

pipo , depuis son mobile
pipo , depuis son mobile
5 ans

Mais arretez avec vos chiffres bidons je vois passer des 8000 euros de prestations à la poste le 6 du mois. Je vois des gens travailler au noir et rouler en grosses voitures allemandes. Donc les chiffres sont faux et l'Insee se fait avoir. Donc merci de stopper ce type de sujets qui ne reflete pas la realite

Lucide
Lucide
5 ans

Triste réalité ! Mais quand elle travaillera à temps plein pour 1188€, avec plus de dépenses: habillement, transports, moins d'aides et plus de petit boulot au black... Eh bien elle sera encore plus pauvre.
Pendant ce temps des nantis trouvent normal de percevoir indexation et primes de vie chère en se vantant de faire vivre l'économie de la Réunion (tout en ne donnant aucune surrémunération à leurs larbins jardiniers et femmes de ménage au black = sans retraite car pour eux la vie n'est pas chère ici) et acquérir des logements qu'il loueront aux infortunés exclus de l'accession à la propriété, par humanisme sans doute ^^
Cherchez l'erreur...

Thomas
Thomas
5 ans

Jacques, si faire 2 enfants pour vous est un nombre important, je vous invite à venir sur Versailles et voir les familles cathos qui 12 rejetons en culotte courte chaussettes jusqu aux genoux. Si cette jeune femme avait un bagage scolaire plus important elle aurait pu trouver un emploi. L’éducation et l'orientation professionnelle sont la clé pour nos jeunes. Mademoiselle si vous nous lisez tentez d’effectuer une formation au plus tôt, renseignez vous chez Pôle emploi il existe des solutions vous y arriverez j’en suis convaincu

Daniel
Daniel
5 ans

Merçi imazpress pour cette article réalité, je rajoute que des milliers d'aînées plus de 50 ans ass ou retraités moins de 700€ survivre

Jacques
Jacques
5 ans

Qu'on m'explique comment une femme seule peut avoir tant d'enfants !

Un, je veux bien comprendre, après, là c'est un mystère, ou plutôt un petit commerce !