Intimidations, menaces, agressions...

Les maires prennent cher, la faute à qui ?

  • Publié le 22 août 2019 à 13:42
  • Actualisé le 22 août 2019 à 13:43

Les maires réunionnais n'échappent pas à la recrudescence des agressions verbales et physiques et autres incivilités dénoncées par les édiles métropolitains. Des maires qui subissent le courroux de leurs administrés dans la rue, sur les réseaux sociaux, parfois même jusque dans leur bureau. C'est la réalité de la fonction aujourd'hui mais ne serait-ce pas là un retour de bâton ? Fut une époque, les édiles étaient tout puissants, distribuaient un petit travail par ci, un petit billet par là, mettait des dossiers au-dessus de la pile, tout cela avec une objectif purement électoraliste derrière la tête. Aujourd'hui, le robinet est fermé, les subventions baissent, le contrôle de l'État est strict mais la société continue à se paupériser, les attentes des administrés restent les mêmes, pire, elles sont encore plus grandes. Une pression supplémentaire, une insécurité grandissante... Une commission sénatoriale a envoyé un questionnaire à tous les édiles pour faire un état des lieux. (photo d'illustration rb/www.ipreunion.com)

Injures, gifles, intimidations

Personne n’est à l’abri. À La Réunion, qu’ils soient maires d’une petite commune ou d’une grande, ils sont peu à être épargnés par le phénomène. Les maires ne sont plus en odeur de sainteté auprès de certains de leurs administrés qui n’hésitent pas à en venir aux mains, à intimider ou insulter ouvertement leur édiles. 

Chacun des maires interrogés avaient une petite "anecdote" sur le sujet. René Mondon, le maire des Avirons raconte "il s’agissait d’une dame qui réclamait un contrat PEC (parcours emploi compétences ndlr), elle m’a menacé en me disant que si je ne lui trouvais pas un contrat, elle arracherait le bouquet de cheveux qui me reste sur le devant de la tête, je lui ai répondu calmement que ça m’arrangerait bien étant que ce bouquet de cheveux me gêne quand il y a du vent et de la pluie". De l'umour la dérision, du calme pour répondre à des agressions qui se multiplient.  Ne pas répondre à la violence par la violence, c’est le crédo de l’édile.

Pour Stéphane Fouassin, président de l’Association des maires de La Réunion (Amdr) et maire de Salazie, c’est allé plus loin "il y a quelques années de cela j’ai reçu une paire de gifles de la part d’un monsieur, j’ai ensuite porté plainte, le comble, c’est qu’il n’habitait même pas sur la commune et qu’il n’a pas expliqué son geste" raconte-t-il. Une agression violente, sans motif apparent, difficile de continuer à se sentir en sécurité pour les édiles.

Un sentiment partagé par André Thien Ah Koon, le maire du Tampon "la mort du maire de Signes dans le Var (renversé mi-août par la camionnette d’un homme qu’il tentait d’arrêter et qui était venu déverser des gravats dans une décharge sauvage ndlr), a fait ressorti des douleurs sous-jacentes, les maires font l’objet d’usurpation d’identité, de chantage, des lettres anonymes portant de fausses accusations sont envoyées aux autorités, c’est infernal" explique l’édile avant d’ajouter "une fois, j’étais à mon bureau, des gros bras sont arrivés - après avoir bousculé un membre de mon cabinet au passage - et m’ont menacé vraiment très agressivement, ils voulaient imposer leur façon d’organiser le travail des services de sécurité de la commune". André Thien Ah Koon affirme que pour faire face à cette insécurité grandissante, son chauffeur fait aussi office de garde du corps.

Pourquoi tant de haine ?

Les histoires du genre ne manquent pas, tous affirment que la situation s'est bien dégradée ces deux dernières années, pourquoi ? Stéphane Fouassin a une théorie "comme on ne sait plus dire non aux gens, les attentes envers les élus augmentent et l’agressivité avec. Aujourd’hui, la difficulté, c’est que nous avons de moins en moins de pouvoir notamment à cause du transfert de compétences vers les intercommunalités, des institutions loin du citoyen. Dès qu’il y a un problème, c’est le maire que l’on fustige." se plaint-il.

Pour René Mondon, la problématique vient de plus loin "aujourd’hui, certaines personnes sont dans une misère sociale telle que refoulées des administrations, du système, elles cherchent des solutions auprès du maire, qui pour eux, peut tout changer. Quand il y’a une agression, je cherche toujours à savoir d’où ça vient. Aujourd’hui, il n’y a plus de respect de l’uniforme, du curé et des élus. Mais ont-ils été irréprochables ? Je ne pense pas. Des erreurs ont été commises par le passé et aujourd'hui, la jeunesse n’a plus de repère." détaille le maire des Avirons.

À La Réunion, les édiles ont un rôle bien particulier, une proximité avec leurs administrés que l’on ne retrouve pas partout en Métropole. Et dans un contexte socio-économique difficile, ils sont le premier rempart, ceux à qui l’ont demandent des solutions. Mais les crédits de l’État alloués aux communes baissent, notamment le nombre de contrats aidés… De leur côté, les associations ont de plus en plus de mal à prendre le relais, elles aussi victimes de la diminution des subventions. Les maires n'ont pas les moyens de répondre aux besoins de la population. Alors que l’exécutif fait la sourde oreille, les plus démunis ne savent plus à quel saint se vouer. Cela n’excuse en aucun cas la violence, en faire usage reste injustifiable. Mais c’est sans doute un début d’explication car quand on est désespéré et que l’on n’a plus rien à perdre...

Misère sociale mais pas que...

Toutefois, il serait trop facile de limiter le problème juste à cet aspect. Ce changement de comportement peut aussi s’expliquer par un autre facteur: fut une époque, les maires étaient des rois en leur royaume, arrosant volontiers la famille et les copains. Mais pas que, certains administrés avaient le droit aux largesses de l’édile surtout en période électorale. Un petit boulot à la mairie, un petit coup de pouce administratif, un petit billet histoire de mettre un peu de beurre dans les épinards, les maires étaient généreux mais alors vraiment, grands princes. Bien sûr, rien n’est gratuit... "Achat de voix" diront certains, "traitement sociale de lacrise économique" répondront d'autres.

Ce système a duré des années, des décennies. Des mauvaises langues affirment même qu’il est toujours d’actualité, que certains jeunes maires ont repris ce flambeau là. Sauf qu’aujourd’hui, réussir à filouter est de plus en plus difficile. La question de l’attribution des contrats aidés (aujourd’hui appelés PEC pour parcours emploi compétences) fait souvent polémique. Ceux qui voient le mal partout expliquent qu’ils seraient, parfois, distribués, à des fins électoralistes. Que certains élus appeleraient les organismes chargés de la distribution des PEC pour placer telle ou telle personne... Que nenni répond Stéphane Fouassin "vous ne vous rendez pas compte, quand on ne renouvelle pas ces contrats, parfois les gens sont excédés, en colère." Selon lui, vu les soufflantes que les édiles se prennent à la fin des contrats, il n’y aurait aucune mais alors aucune vocation électoralistes.

On veut bien le croire, mais quand on pense à ceux, qui arrivent à la fin de leurs Assedic ou qui sont au RSA, un petit boulot même de six mois ou un an, c’est toujours ça de pris. Par ailleurs, si c’est si compliqué, pourquoi les maires ne demandent-ils pas à ce que l’attribution des PEC soit totalement gérée par le Pôle emploi ?

Au vu de cet élément, les plus critiques diront donc que ces incivilités ne sont peut-être qu'un juste retour de bâton. Mais on le redit, rien ne peut justifier la violence. De plus, dire que tous les maires ont des pratiques douteuses est faux, il ne faut pas généraliser, la majorité des édiles travaille pour la communauté avec sincérité sans  s'en mettre plein les fouilles.

Un questionnaire pour faire un état des lieux 

Dans tous les cas, une commission sénatoriale cherche à en savoir sur les menaces et autres agressions auxquels les 36 000 édiles de France sont susceptibles d'être confrontés dans l'exercice de leur mandat. 18 questions concrètes leur sont adressées, par exemple "Avez-vous été victime, dans le cadre de l'exercice de vos fonctions de maire, d'incivilités (impolitesse, agressivité, etc), d'injures ou d'outrages, de menaces verbales ou écrites, d'agressions physiques ou de violences, ou n'êtes-vous pas concerné ?" Les réponses des édiles permettront de nourrir le projet de loi du gouvernement sur le statut de l'élu qui sera discuté à partir du mois d'octobre au Sénat.

fh/www.ipreunion.com/redac@ipreunion.com

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6 Commentaires
Joseph, depuis son mobile
Joseph, depuis son mobile
4 ans

il n'y a que les administrés qui agressent verbalement les amitiés en place. Il y a ceux qui se présentent actuellement qui sont virulents pour accéder au trône. Je le demande si ce n'est pas eux qui incitent ces personnes a être comme cela!

ja
ja
4 ans

Les arroseurs arrosés,pendant la campagne électorale ils font des promesses résultats ils payent leurs mensonges.

KUNTA KINTé
KUNTA KINTé
4 ans

L'exemple vient du sommet ( l'état ) ... Difficile d'y voir clair quand des hauts fonctionnaires , des élu.es restent impuni.es , des juges qui rendent des jugements partials . Il ne faut pas s'étonner après que le peuple se révolte . Dure à encaisser( peut être ) quand un maire se fait botter les fesses , ce qui ne l'empêche pas de supplier les électeurs de voter pour lui aux prochaines élections , car la soupe est très bonne ( les indemnités mensuelles + avantage ) Ainsi soit-il

Ray_au_Port
Ray_au_Port
4 ans

Si la fonction est si difficile, pourquoi se battent-ils comme des chiffonniers pour se faire réélire ? ? ? Ils n'ont qu'à laisser tomber ! Mais voilà, la gamelle est dangereuse mais qu'est-ce qu'elle est bonne ! ! !

Daniel
Daniel
4 ans

Très bien résumé par Stéphane et René Mondon, Mais sont-il conciens des dégats fait par les organismes sociaux, la CAF qui fait semblant de donner certaines alocations, aides et ensuite faut remboursé les trop perçu que reçoives plus d'un milliers d'allocataire, et la CGSS qui refuse les droit a la santé, la CMU C l'ACS, le chèque santé vous dépassez le plafond ou il manque un document cet acharnement de la maltraitante sur les plus fragiles les oublies du système, et pour les impÃ'ts locaux que les services rackettes aux très pauvres, les logements indignes, les marchants de sommeil, les nuisances sonore, l'insécurité les plus fragiles ont peur.

la marine
la marine
4 ans

tout acte de violence est condamnable il faut arrêter avec leur promesse bidon ils vendent tous pendant leur campagne même l impossible les amis et famille qui profite du système les caisses de la MAIRIE EN GUISE DE BANQUE les RDV jamais respecter jamais condamnable en espérant que ses pilleurs et abuseurs ne seront pas réélus en 2020 pour certain et encore plus ceux qui croient que la MAIRIE SONT LEUR BIEN ou APPARTIENT A LEUR PARTIE ET MEMBRE DU PARTIE