
Imaz Press : Olivier Hoarau, pourquoi cette annonce de candidature maintenant, alors que les forces de gauche sont toujours en discussion ?
Olivier Hoarau : Au-delà de ce que peuvent faire les autres, il y a une urgence à agir et à être cohérent dans son action. Je l'ai dit depuis plusieurs mois déjà : en tant que maire du Port, je jouerai un rôle majeur dans les élections régionales. Je veux être candidat pour la réussite des Réunionnais. Je suis convaincu qu'ils attendent autre chose que ce qu'ils voient depuis des années.
J'ai assisté à deux réunions (avec les forces de gauche, ndlr). J'ai l'impression que l'objectif jusqu'ici c'était : comment trouver des solutions pour s'entendre, plutôt que trouver des solutions pour les Réunionnais. Moi je leur ai dit : moi je ne suis pas en phase avec ça, je me retire du groupe de travail. Je préfère être en phase avec moi-même, ma façon de voir la politique, c'est ça qui a motivé ma décision. Je suis un élu, pas quelqu'un qui est enfermé dans sa tour, et les gens m'interpellent.
Imaz Press : Avez-vous d'ores et déjà été approchés par d'autres élus prêts à vous rejoindre pour les régionales ?
OH : Beaucoup d'élus m'ont déjà texté, appelé, des élus connus ou moins connus, qui sont dans des conseils municipaux et autres. Mais ce n'est pas tellement ça que je retiens. Ce que je retiens, c'est que les retours des Réunionnais sont très favorables. Les élus du conseil municipal de la ville du Port, unanimement, ont salué ma démarche.
Aujourd'hui, je ne suis pas dans une démarche stratégique d'aller chercher ici ou là. Cette question se posera à un moment donné, je ne suis pas naïf non plus. Mais je sais que les élus qui se retrouvent sur les questions politiques, de logement etc… vont me rejoindre.
Imaz Press : Cette candidature veut dire aussi laisser la mairie du Port, alors que vous avez été largement réélu dès le premier tour des élections municipales…
OH : Je ne cache pas que certains militants m'ont fait savoir que, un : ils ne voulaient pas que je parte à la Région, et deux : ils m'ont dit que si je pars, ils viennent avec moi. Je suis rassuré quelque part, on va tous travailler ensemble pour faire gagner Le Port.
Imaz Press : Qui pourrait vous remplacer en tant que maire du Port ?
OH : Il est encore bien trop tôt pour penser à ça. Aujourd'hui on est concentrés à la fois sur la gestion municipale - on a un programme à réaliser -, et sur la campagne des élections régionales. Savoir qui va me remplacer n'est pas le sujet aujourd'hui.
Imaz Press : Avez-vous eu un retour de la part de Huguette Bello ?
OH : Elle ne m'a pas appelée.
Imaz Press : Ne redoutez-vous pas un scénario comme en 2012, lors de la scission du PCR suite au départ de Huguette Bello ?
OH : Le scénario de 2012 n'était pas le même. Il y avait effectivement une volonté de quitter le PCR, et j'ai participé à cet exode, et me suis présenté plus tard contre le PCR. Aujourd'hui, nous ne sommes pas dans cette même logique. On a mûri sur les stratégies et les actions. Regardez ces groupes de travail auxquels je ne participe plus : ce sont des réunions où se retrouvent PCR et PLR. Ensuite, je ne suis pas parti du PLR en disant : "vous êtes mauvais". D'ailleurs, je ne doute pas que le PLR va me rejoindre sur cette démarche parce qu'il y a encore du dialogue. Nos intérêts se rejoignent sur les sujets majeurs.
Imaz Press : Cette annonce de candidature ne ferait-elle pas craindre une désunion de la gauche, qui pourrait profiter à Didier Robert ?
OH : Si on fait la somme des partis de gauche, on est majoritaires face à Didier Robert. Je préfère y aller avec un projet humain, calculé, réfléchi et réaliste, plutôt que faire de l'esbroufe comme le font les membres de la majorité régionale, avec le président en tête qui s'amuse à aller distribuer quelques euros à droite à gauche. Il ferait mieux de s'en méfier, Didier Robert est seul aujourd'hui. Donc même divisés, on va gagner, parce qu'il est seul. Ça ne vous a pas échappé qu'il était allé distribuer de l'argent ici ou là : "je suis obligé de sortir le carnet de chèques dont j'ai privé tout le monde pour essayer de ramener des amis". Cet homme-là a un sens peu développé de ce que peuvent représenter le respect et la dignité. J'aurais plus peur pour lui que pour ma candidature aujourd'hui.
Imaz Press : Pourriez-vous laisser la tête de liste à un autre élu si d'autres forces de gauche vous rejoignent ?
OH : Écoutez, moi j'ai déclaré que je suis candidat, je n'ai pas vu d'autres forces de gauche se déclarer. Maintenant si d'autres se déclarent en disant "Olivier, viens te mettre derrière moi", les choses se présentent de façon un peu désavantageuse pour eux.
Imaz Press : Quels sont les sujets primordiaux, au cœur de votre candidature, pour l'avenir de La Réunion ?
OH : Ce projet va s'écrire avec les Réunionnais. J'aurai des rencontres, des réunions… On me parle par exemple de cette dame à Saint-Leu qui n'arrive pas à finir ses fins de mois parce qu'au RSA, et seul l'un de ses enfants pourra faire des études, parce qu'elle n'aura pas assez d'argent pour les autres. Moi c'est ce genre d'injustices, de crimes contre la jeunesse réunionnaise que je veux éviter. Au final c'est le Réunionnais qui perd dans tout ça.
La Région doit aussi aujourd'hui agir pour l'accession au logement. On doit arrêter d'arroser des petits projets, qu'on n'arrive pas à résoudre. On va construire une route à 3 milliards d'euros, qu'on n'arrive pas à finir. Mais aucun crédit n'est mis sur l'amélioration de l'habitat, sur l'accession aux propriétés, sur la mobilité. Si vous saviez le nombre de jeunes qui ne peuvent pas faire leur formation parce qu'elle se trouve à Saint-Pierre et que ces jeunes habitent au Port.
On parle des salariés, mais on parle peu des chefs d'entreprises et là aussi, il y a une attente forte. Ce qu'ils attendent, c'est une cohérence, sur l'investissement ou l'aménagement du territoire.
Regardez la Route du Littoral : 12 ans, on est encore au point de départ, et avec une demi-route sur laquelle personne ne circule. Les embouteillages sont encore plus nombreux, les transports collectifs encore plus catastrophiques.
Il est urgent d'agir, sur les transports en commun, sur la question du logement, de l'emploi, de la formation professionnelle. Il faut se réveiller. Là les Réunionnais me disent "monsieur Hoarau, merci. Alon tir azot dann la Région. Anfin nou gagne mèt in moun i gagne travayé".
Imaz Press : Si vous devenez président de Région, vous récupérez aussi le projet de la NRL qui sera toujours en cours en 2021…
OH : C'est un mauvais projet, mal ficelé, mal réalisé, avec un gaspillage d'argent public. Bien sûr ce chantier va de la responsabilité régionale. Mais déjà, il faudra reconnaître la culpabilité de Didier Robert et de son équipe sur cette gabegie financière. La deuxième chose, c'est que bien sûr, il faut finir cette route. Il faudra se battre pour récupérer les outils financiers nécessaires pour aller jusqu'au bout. Moi je suis même prêt à réfléchir à d'autres scénarios sur cette dernière portion. Je n'ai pas la réponse aujourd'hui, mais j'ai hâte d'être aux manettes. Tout le monde m'attend là-dessus.
Imaz Press : Les finances de la Région sont au plus mal, comment financer tous les futurs projets ?
OH : La Région a une situation financière catastrophique parce que les choix ont été mauvais, parce que les décisions qui ont été faites l'ont été sans garantie derrière. D'ailleurs permettez-moi de souligner que cette Région continue à distribuer de l'argent. Ça il faut arrêter. Il faut organiser cette dépense sur les sujets les plus importants.
La continuité territoriale par exemple, il faut continuer. Mais il faut se battre avec l'Etat et l'Union européenne pour avoir les meilleures réponses.
Ma priorité numéro un, ce sera de faire un audit, pour voir les marges de manœuvre rapides, les sources d'économie. Je ne dis pas que la Région va retrouver une santé financière en deux, trois, quatre ans. Peut-être un peu plus. Mais c'est dès maintenant qu'il faut remettre la Région sur les rails d'une vraie gestion financière.
Vous savez au Port, on est arrivé en six ans à réduire toutes les dépenses parfois catastrophiques pour notre budget, on est sortis des emprunts parfois toxiques, on a diminué notre dette par habitant. On a une situation financière stable, qui laisse présager de belles perspectives. Si je suis élu président de Région, je laisse une mairie saine et c'est important de le dire.
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