Mayotte

Procès Roukia : les indic balancent policiers et gendarmes

  • Publié le 25 novembre 2015 à 01:10

" On est dans un mauvais polar où chacun fait n'importe quoi, sans aucun contrôle, en dehors de tout cadre ". Me Mansour Kamardine, avocat de la famille de Roukia Soundi, confiait ce mardi 24 novembre 2015 son effarement après les auditions d'un des policiers membres du GIR et de l'un de ses informateurs. Au deuxième jour d'un procès qualifié " d'historique pour Mayotte " par la presse locale, s'est levée une partie du voile des pratiques de cette structure dans la lutte contre les stupéfiants (à gauche au premier plan : Jérémie Bouclet (policier du groupement d'intervention régional) et à sa droite, le gendarme du groupement d'intervention régional, Daniel Papa - Photo France Mayotte Matin)

Des pratiques qui auraient, par un enchaînement de circonstances, participé indirectement à la mort par overdose d’héroïne de Roukia Soundi, dont le corps a été découvert le 15 janvier 2011 caché au bord d’une route.

C’est tout d’abord Daniel Mohamed qui est venu raconter à la barre comment il avait été recruté par le GIR en 2008 pour être son informateur. Anjouannais en situation irrégulière, en échange " d’un travail que je pensais officiel " dit-il, il reçoit un titre de séjour et un peu d’argent. Sa mission est de ramener du renseignement tous azymuts auprès de ceux qu’il appelle ses chefs. Originaire du même village qu’un trafiquant connu sous le surnom de " l’italien ", il informe Jérémie Bouclet, policier du GIR, de l’arrivée prochaine de cocaïne à Mayotte. " On m’a demandé d’entrer en confiance avec lui " confie-t-il. Il va donc se procurer un échantillon de cette drogue arrivée par bateau et contacte le policier à qui il va remettre l’échantillon que ce dernier fera tester par un gendarme. Tout cela sans le plus petit début de procédure, sans le moindre procès-verbal.  Sans formation dans la gestion des agents de renseignements ni en stupéfiants, confiant n’avoir même jamais vu de cocaïne,  Jérémie Bouclet a tenté ce mardide se défendre.

Face à un procureur de la République lui rappelant les règles les plus élémentaires de la procédure pénale, le fonctionnaire a reconnu " j’ai fait une erreur mais nous étions débordé de travail ". Un agent persuadé que la drogue dure entrait à Mayotte et qui était " euphorique " car cet échantillon ramené par un informateur confortait sa théorie.

Harcelé par le fournisseur de la drogue qui souhaitait soit avoir de l’argent soit qu’on lui restitue son produit, Daniel Mohamed a téléphoné à onze reprises au policier pour récupérer l’échantillon. Débordé par les multiples " opérations de plage " euphémisme de la lutte contre l’immigration clandestine, en plein déménagement son temps à Mayotte finissant, Jérémy Bouclet a dit ce mardi avoir laissé cette poudre dans une enveloppe sur son bureau.

" Daniel Mohamed me harcelait mais je ne répondais pas alors j’ai dit à Daniel Papa (NDLR un gendarme lui aussi prévenu dans ce dossier) de lui rendre et qu’il la retourne d’où elle venait ". Ce qu’a fait le gendarme. Daniel Mohamed a récupéré la poudre et l’a vendue à Mathias Belmer. " C’est la même sans doute possible " a dit ce mardi l’indic au tribunal. Une poudre qui sera fatale à Roukia. Lorsqu’on lui demande s’il se sent responsable de la mort de Roukia, Jérémie Bouclet lâche " non " sans autre forme de regret.

Son collègue gendarme de l’époque, Daniel Papa, a pour sa part exprimé de profonds regrets suite à la mort de Roukia, non sans se dédouaner sans cesse de sa responsabilité. Malgré les dires de deux indicateurs, il continue à affirmer qu’il ne savait pas ce que contenait cette fameuse enveloppe que Bouclet lui avait demandé de redonner à Daniel Mohamed. Droit dans ses bottes il l’a dit : " nous étions tous en pleine confiance, je ne me suis pas posé de question ". Après s’être rendu hier au commissariat de Malartic, le principal prévenu de cette affaire, Mathias Belmer, devrait être transféré ce mercredi à Mayotte pour comparaître.

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