Après le suicide d'Alexandre, sa compagne témoigne

Fleury-Merogis - "La voix du détenu est toujours entendue, celle du surveillant toujours ignorée"

  • Publié le 26 mai 2018 à 12:50
  • Actualisé le 27 mai 2018 à 07:18

Mardi 22 mai 2018, Alexandre, 27 ans surveillant pénitentiaire à la prison de Fleury-Merogis s'est donné la mort en sautant d'un pont en Normandie. Le jeune Réunionnais travaillait dans cette prison depuis 4 ans. Sa compagne, Elodie a contacté notre rédaction pour apporter son témoignage sur le geste d'Alexandre. Pour elle, "s'il a fait ça, c'est pour ses collègues, pour que tout le monde sache dans quelles conditions ils travaillent". Elodie ainsi que la famille d'Alexandre aimeraient que celui-ci "ne soit pas mort pour rien et que son acte change les choses".

 - Avant le drame -

"Plusieurs fois il s’est plaint de ses conditions de travail. Il s’est plaint, que la prison était en sous-effectif et d’un manque de considération et de dialogue avec la direction" raconte Elodie, la compagne d’Alexandre, le surveillant pénitentiaire réunionnais qui a mis fin à ses jours. "Pourtant il n’osait pas se mettre en arrêt de travail car il culpabilisait vis-à-vis de ses collègues" poursuit-elle.

Elodie revient sur les heures qui ont précédé le passage à l’acte d’Alexandre.

"Il est parti à 8h ce mardi 22 mai, il devait finir à 18 heures. Le matin, ses collègues ont remarqué qu’il n’allait pas bien. À 13 heures, il demande à la directrice d’astreinte de pouvoir  partir".

Alexandre rend alors ses clés à la directrice de  la prison qui le laisse partir. Elodie explique "lorsqu’un surveillant pénitentiaire rend ses clés, cela signifie qu’il démissionne".

- L’agression "qui a tout déclenché" -

Quelques semaines auparavant, Alexandre avait été victime d’une agression sur son lieu de travail. "Le samedi 14 avril 2018, deux détenus se battent. Lorsqu’il ouvre la porte de la cellule pour les séparer, il reçoit un jet d’urine" raconte Elodie. Elle explique "lorsqu’un surveillant est victime d’une agression, cela déclenche toute une procédure impliquant un examen médical".

Après l’agression, Alexandre est allé voir la directrice pour l’informer qu’il allait se rendre à l’hôpital comme le prévoit la procédure. "La directrice l’a laissé partir sans être accompagné" souligne Elodie. Alexandre en a été contrarié. Il était "confus et en colère".  "La directrice ne m’a même pas demandé si j’allais bien ou si j’avais besoin de repos" s’était-t-il plaint à Elodie. Elle se souvient "il disait très souvent ‘la voix du détenu est toujours entendue, celle du surveillant toujours ignorée’". "Il attendait de l’empathie de la part de la direction, il n’en a jamais eu" estime Elodie.

Le médecin qui l’examine déclaré qu’Alexandre est victime un burn-out à cause du surmenage. "Il a eu deux semaines d’arrêt de travail au mois d’avril" déclare Elodie.

Un mois après l’agression, le 14 mai 2018, Alexandre reprend le travail.  Il apprend qu’une de ses collègues travaillant dans le même bâtiment s’était suicidée.

Quand il rentre chez lui,  il confie à Elodie "je me suis fait agressé, mais tout le monde a déjà oublié, c’est comme si rien ne s’était passé". Elodie souligne "il n’allait vraiment pas bien".

- Le jour du drame "il a quitté le travail et personne n'a averti la famille" -

Le soir du 22 mai 2018, Elodie rentre chez elle mais Alexandre n’est pas là.

"Quand je suis rentrée à 21heures j’étais étonnée, car il devait finir à 18 heures, en plus sa tenue de travail n’était pas là non plus". Elle s’inquiète et essaie par tous les moyens de savoir où se trouve Alexandre. Elle finit par joindre une collègue d’Alexandre qui l’informe que ce dernier a quitté la prison en début d’après-midi.

Inquiète, Elodie laisse son numéro à la prison. La directrice l’appelle vers 22 heures. Elodie déclare avoir appris à ce moment là que la directrice a laissé partir Alexandre en début d’après-midi et que deuis elle n’a plus de nouvelle de lui.

Les heures s’écoulent. C’est à 3 heures du matin qu’Elodie apprend qu’Alexandre s’est jeté du pont de Tancarville (une commune de Seine-Maritime en Normandie - ndlr). "Des témoins ont reconnu la description d’Alexandre et sa voiture était garée à côté. Il s’est jeté dans la Seine".

- "Il s’est sacrifié pour que ses collègues soient entendus" -

Pour Elodie et la famille d’Alexandre, c’est "un geste symbolique qu’il a fait". Elle ajoute "il a sauté en tenue de travail, pour moi il a fait ça pour que son geste ne soit pas oublié. Il a fait ça pour que ses collègues soient entendus ".

Elodie ne compte pas en rester là. Elle a déjà pris contact avec les syndicats "pour que les choses changent".

À l’heure actuelle, les recherches sont toujours en cours dans la Seine. Le corps d’Alexandre n’a pas encore été retrouvé.

sjb/www.ipreunion.com

 

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6 Commentaires
linda
linda
5 ans

ces grave qu'elle drame 💔
toutes mes condoléances à la familles alexandre .

daboss
daboss
5 ans

Tjrs difficile de se lever et lire ce genre de message dans les infos on se dit qu on sort d une greve de malade on croyant que la penitentiaire va mieux mais c est totalement faux courage aux nouveaux qui commence lundi matin.
Toutes mes condoleances a la famille d Alexandre.

Tarzan
Tarzan
5 ans

Quelle tristesse.
Je suis de tout cœur avec vous un milieu que je connais très bien,malheureux d'en arriver là

FL Cailloux
FL Cailloux
5 ans

c'est triste et inadmissible ,mais malheureusement une mauvaise réalité .Respect à Alexandre ,qu'il repose en paix ,je présente mes sincères condoléances à sa compagne et sa famille .Il est grand temps que les gardiens pénitentiaire soient entendus,protégés et surtout soutenus par la hiérarchie toute entière .Il faudra encore combien de suicides ou d'agressions pour réagir ?

james
james
5 ans

tout pour les détenus de merde et rien pour les surveillants moi qui suis technique cuisine c'est pareil
la direction j'en rigole
dans quel monde on vit

marsouin, depuis son mobile
marsouin, depuis son mobile
5 ans

C'est la stricte vérité. C'est notre quotidien. Malheureusement, il s'est suicidé et personnes n'a pu l'arrêter.
Oui c'est la faute de la Direction deux collègues qui se suicide en 10 jours. Le malaise est profond au sein de notre profession. Personne ne nous écoute, notre administration est aveugle à notre souffrance.
Repose en paix mon ami. Un jour ils paieront.
Vous les journalistes vous êtes où. Vous êtes plus apte à faire la une des journaux lorsqu'un détenu se suicide, nous fesant passer pour des barbares, des bourreaux.