Bientôt en liberté conditionnelle (actualité)

"A 80 ans, Casanova Agamemnon n'aura plus de compte à rendre à la justice"

  • Publié le 4 février 2019 à 10:22
  • Actualisé le 11 février 2019 à 14:39

L'un des plus anciens détenus de France pourra bientôt sortir de prison. La liberté conditionnelle de Casanova Agamemnon, a été confirmé jeudi 31 janvier 2019 par la Cour d'Appel de Saint-Denis. L'homme de 68 ans devra maintenant réapprendre à vivre normalement. Difficile lorsqu'on a passé les deux tiers de sa vie derrière des barreaux. Mais le Bénédictin est attendu, sa famille et ses amis seront là pour l'entourer. (Photo photo imazpress )

"Il est temps. Il est temps qu’il sorte. La plupart des gens qui ont commis des faits de même nature sortent au bout de quinze ans, voire vingt. Il a suffisamment payé," commente Maître Marie Briot, avocate de Casanova Agamemnon. Le Bénedictin fêtera le 19 février prochain ses 69 ans. Il en a passé un peu plus de 48 derrière les barreaux.

Lire aussi => La Cour d'Appel confirme la liberté conditionnelle de Casanova Agamemnon

Sa liberté conditionnelle est une grande victoire pour ses avocats et Nadège Lhomond-Agamemnon, son épouse : "Je suis contente mais j’ai peur," dit-elle. Celle qui est aussi sa petite cousine angoisse, et ne réalise peut-être pas que son combat est gagné. "Tellement de demandes ont été rejetées, rejetées, rejetées," poursuit-elle. Casanova Agamemnon avait déposé dix-sept demandes de liberté conditionnelle. Toutes refusées, la dix-huitième a été la bonne.

Un retour à la vie normale

Celui qu’on considère comme l'un de plus anciens détenus en France ne sortira pour autant pas tout de suite. La procédure sera très échelonnée : un calendrier de permission de sortie sera d’abord fixé, "il s’étalera sur plusieurs mois jusqu’en juillet 2019," explique Maître Benoît David. A l’issue de ces permissions de sortie, on lui installera un bracelet électronique et il sortira dans le cadre d’une surveillance pendant une durée de un an."

Ensuite, il sera en liberté conditionnelle avec un suivi régulier pendant 10 ans. "En 2030, à 80 ans, Casanova Agamemnon n’aura plus de compte à rendre à la Justice," résume en une seule phrase son avocate Maître Marie Briot.

Pour le moment, Nadège Lhomond-Agamemnon a du mal à se projeter, tant la nouvelle la surprise. "Il veut être tranquille, indique Maître Briot. Faire du vélo, se promener, jardiner… De petites choses simples. Il veut juste mener une vie normale."

Une vie normale qu’il devra d’abord apprivoiser. Après 48 ans passés entre quatre murs, Casanova Agamemnon sera suivi, encadré par des psychologues à sa sortie. "Le problème avec les gens qui font des longues peines, c’est que lorsqu’ils sortent, plus personne ne les attend. La plupart n'en réchappe pas" souffle Maître Marie Briot. Le cas de Casanova Agamemnon est différent.  Il s’est marié en novembre 2017 avec Nadège rencontré au parloir. "Une vie l’attend, une famille, poursuit l’avocate. Son épouse a deux grands enfants, ils le considèrent comme leur beau-père. Il a aussi des amis qui le soutiennent."

Quant au regard des autres, Nadège Lhomond-Agamemnon ne le craint pas : "je n’ai que des compliments et des félicitations," s’enthousiasme-t-elle.

"Je pense que la majorité des Réunionnais est suffisamment humaine pour dire que c’est bon : il a purgé sa peine," estime Maître Marie Briot.

Un mineur condamné à de la perpétuité

C'est en 1969 que Casanova Agamemnon scelle son destin. Pour une histoire de salaire non payé, il tue son employeur. Il a 19 ans et il est mineur puisque la majorité est alors fixée à 21 ans. Un an plus tard, les assises de La Réunion le condamnent à la réclusion criminelle à perpétuité.

"A l'époque, la société locale est encore très coloniale. Lui, c'est l'employé noir qui va tuer le patron blanc : il écope de la perpétuité", explique en 2012 la journaliste et réalisatrice Anaïs Charles-Dominique, qui a coréalisé un documentaire sur lui. 

Le condamné est envoyé purger sa perpétuité en métropole. "Pour lui, cela a été un déchirement, un déracinement", commente sa famille.

En 1985, Casanova Agamemnon bénéficie d'une liberté conditionnelle et peut retourner à La Réunion. C'est le choc. Son île a bien changé. Il ne reconnaît plus grand chose. Ses amis l'évitent. Ses parents sont décédés et il est persuadé que son frère aîné a fait main basse sur l'héritage familial.

Les relations entre les deux hommes sont tendues, la violence toujours présente. Début 1986, Casanova Agamemnon abat son frère et prend la fuite. Il est arrêté en mai, un peu plus de neuf mois après sa mise en liberté conditionnelle.

Sa cavale, largement médiatisée, déchaîne les passions dans l'île. Pour certains, c'est "un criminel sanguinaire qui a tué deux fois". Pour d'autres, il fait figure de héros qui s'est attaqué au pouvoir, personnifié par son employeur, et à l'injustice, face à une supposée captation d'héritage.

Dans sa cavale, le fugitif bénéficie de l'aide à peine cachée de plusieurs personnes. La sympathie, voire l'admiration qu'il suscite chez certains, se renforcent encore lorsqu'il adresse des menaces de mort au procureur de la République, qu'il est accusé d'avoir violé l'épouse d'un policier et qu'il tente de tuer sa compagne, soupçonnée de vouloir le dénoncer.

Bel homme sûr de lui ou 'bête féroce'

L'accusé repasse devant les assises en 1988. La salle d'audience est bondée, acquise à la cause de ce bel homme, sûr de lui et répondant aux magistrats dans un français parfait, en les fixant dans les yeux.

Il nie avoir prémédité la mort de son frère, nie le viol de l'épouse du policier et dit avoir voulu faire peur à sa compagne.

"C'est une bête féroce", tempête dans son réquisitoire l'avocat général. Casanova Agamemnon est condamné à 10 ans de réclusion, mais acquitté de l'accusation de viol. Sa peine de réclusion criminelle à perpétuité est réactivée et il est renvoyé dans une prison de métropole.

Interrogé par le Journal de l'Île de La Réunion en 2012, le détenu affirme: "La France est le pays des droits de l'Homme, peut-être bien pour l'homme blanc." "Je suis victime d'une justice parallèle et discriminatoire."

Au Nouvel Obs, il décrit en 2017 son ennui et son quotidien : "Je vous dirai que mon quotidien est très monotone"

Ce n'est qu'en 2014 que Christiane Taubira, alors garde des Sceaux, lui accorde son transfert à La Réunion.

En septembre 2016, Nadège Lhomond-Agamemnon et d’autres membre de sa famille lance une pétition "pour la libération de Casanova Agamemnon". Elle recueillera plusieurs centaines de signatures.

Lire aussi => Casanova Agamemnon veut retrouver la liberté

www.ipreunion.com

guest
0 Commentaires